Le nom de la Rose
Lu par François Berland
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Premier
jour -Sexte 2ème partie
L’être qui se trouvait derrière nous paraissait un moine, quoique sa coule sale et déchirée lui donnât plutôt l’air d’un vagabond ; quant à son visage, il n’était pas dissemblable de celui des monstres que je venais de voir sur les chapiteaux. Dans ma vie il ne m’est jamais arrivé, comme il arriva par contre à nombre de mes frères, d’être visité par le diable, mais je crois que si ce dernier devait m’apparaître un jour, incapable par décret divin de celer entièrement sa nature quand bien même il voudrait se faire semblable à l’homme, il n’aurait d’autre aspect que celui que m’offrait en cet instant notre interlocuteur. La tête rasée, non par pénitence, mais sous l’action passée d’un purulent eczéma, le front bas, au point que s’il avait eu encore ses cheveux, ceux-ci se seraient confondus avec les sourcils (qu’il avait fournis et broussailleux), les yeux étaient ronds, avec des pupilles petites et d’une extrême mobilité, et le regard, innocent ou malin je ne sais, et peut-être les deux à la fois, soudain changeant au même instant. On ne pouvait parler de nez qu’à cause d’un os qui prenait racine au milieu des yeux, mais comme il se détachait du visage, il s’y enracinait aussitôt, ne devenant plus que deux sombres cavernes, deux narines dilatées remplies de poils. La bouche, reliée aux narines par une cicatrice, était large et ingrate, et entre la lèvre supérieure, inexistante, et l’inférieure, proéminente et charnue, émergeaient à un rythme irrégulier des dents noires et pointues comme celle d’un chien.
L’homme sourit (ou du moins c’est ce que je crus) et brandissant le doigt comme pour avertir, il dit :
« Pénitenziagité ! Voye quand dracon venturus est pour la ronger ton âme ! La mortz est super nos ! Prie que vient le Pape saint pour libérer nos a malo de todas les péchés ! Ah ah, vous plaît ista nécromancie de Domini Nostri Iesu Christi ! Et même jois m’es dols et plazer m’es dolors… Cave el diabolo ! Semper il me guette en quelque coin pour me planter les dents dans les talons. Mais Salvatore non est insipiens ! Bonum monasterium, et aqui on baffre et on prie dominum nostrum. Et el reste valet une queue de cerise. Et amen. No ? »
Il me faudra, au cours de cette histoire, parler encore, et d’abondance, de cette créature et en rapporter les propos. J’avoue qu’il m’est fort difficile de le faire car je ne saurais dire à présent, comme je ne le sus jamais alors, quel genre de langue il parlait. Ce n’était pas du latin, langue dans laquelle nous nous exprimions entre hommes de lettres à l’abbaye, ce n’était pas du vulgaire de ces contrées, ni d’ailleurs un vulgaire que j’eusse oncques entendu. Je crois avoir donné une pâle idée de sa façon de parler en reproduisant un peu plus haut (telles que je me les rappelle) les premières paroles que je lui entendis émettre.
Quand plus tard je fus au courant de sa vie aventureuse et des différents lieux où il avait vécu, sans trouver racines en aucun, je me rendis compte que Salvatore parlait toutes les langues, et aucune. En somme, il s’était inventé une langue à lui, formée de lambeaux des langues avec lesquelles il était entré en contact – et une fois je songeai que sa langue était, non point la langue adamique que l’humanité heureuse avez parlée, tout le monde uni par un seul langage, depuis les origines du monde jusqu’à la Tour de Babel, et pas non plus une des langues apparues après le funeste événement de leur division, mais précisément la langue babélique du premier jour après le châtiment divin, la langue de la confusion des premiers âges. Et d’autre part je ne pourrais pas appeler langue le langage de Salvatore, parce que dans chaque langue humaine il y a des règles et chaque terme signifie ad placitum une chose, selon une loi qui ne change pas, parce que l’homme ne peut appeler le chien une fois chien et une fois chat, ni prononcer des sons auxquels le consensus des gens n’ait pas attribué un sens défini, comme il arriverait a qui dirait le mot « blitiri ». Et cependant, peu ou prou, je comprenais ce que Salvatore voulait signifier, à l’instar des autres. Preuve qu’il ne parlait pas une, mais toutes les langues, aucune de façon exacte, prenant ses mots tantôt dans l’une tantôt dans l’autre. Je notai même par la suite qui pouvait nommer une chose tantôt en latin tantôt en provençal, et je me rendis compte que, plus qu’inventer ses propres phrases, il utilisait disjecta membra d’autres phrases, entendues un jour, selon la situation et les choses qu’il voulait dire, comme s’il ne réussissait à parler d’un aliment, en somme, qu’avec les mots des gens chez qui il avait mangé de cet aliment, et à n’exprimer sa joie qu’avec des sentences qu’il avait entendu émettre par des gens joyeux, le jour où il avait éprouvé une joie égale. C’était comme si son langage était à l’image de sa face, fait de morceaux de faces d’autrui assemblés, ou encore comme je vis parfois de précieux reliquaires (si licet magnis componere parva , ou aux choses divines, les diaboliques) qui naissaient des débris d’autres objets sacrés.
Au moment où je le rencontrai pour la première fois, Salvatore m’apparut, et pour son visage, et pour sa façon de parler, comme un être non dissemblable des croisements velus et ongulés que je venais de découvrir sous le portail. Plus tard je m’aperçus que l’homme était peut-être de bon coeur et de complexion facétieuse. Plus tard encore… Mais précédons par ordre. Pour la raison supplémentaire que, à peine eut il parlé, mon maître l’interrogera avec grande curiosité.
« Pourquoi as-tu dit pénitenziagité ? demanda-t-il.
— Domine frate magnificentissime, répondit Salvatore avec une sorte de courbette, Jésus venturus est et les homini debent faire pénitence. No ? »
Guillaume le regarda fixement : « Tu es venu ici en provenance d’un couvent de minorites ?
— No comprends.
— Je te demande si tu as vécu parmi les frères de Saint François, je te demande si tu as connu ceux qu’on appelait les apôtres… »
Salvatore pâlit, ou plutôt son visage bronzé et bestial devint gris. Il s’inclina profondément, prononça du bout des lèvres un « vade retro » , se signa avec dévotion et s’enfuit en se retournant de temps à autre.
« Que lui avez-vous demandé ? »
Guillaume resta un instant pensif.
« Peu importe, je te le dirai plus tard. Maintenant entrons. Je veux trouver Ubertin. »
La sixième heure venait juste de passer. Le soleil, voilé, pénétrait du côté de l’occident, et donc par de rares et étroites fenêtres, à l’intérieur de l’église. Un fin ruban de lumière touchait encore le maître autel, dont le paliotto me sembla briller d’un éclat d’or. Les nefs latérales étaient baignées de pénombres. Près de la dernière chapelle avant l’autel, dans la nef de gauche, se dressait une mince colonne où se trouvait une Vierge de pierre, sculptée dans le style des modernes, au sourire ineffable, au ventre proéminent, l’enfant dans les bras, vêtue d’une robe gracieuse, avec un léger corselet.
Au pied de la Vierge, en prière, presque prostré, était un homme, vêtu des habits de l’ordre clunisien. Nous nous approchâmes. L’homme, en entendant le bruit de nos pas, leva son visage. C’était un vieillard, au visage glabre, au crâne sans cheveux, avec de grands yeux bleus, une bouche fine et rouge, la peau blanche ; à son crâne osseux, la peau adhérait comme il en serait d’une momie conservée dans du lait. Ses mains étaient blanches, aux doigts longs et fins. On eut dit une fillette fanée par une mort précoce. Il posa sur nous un regard d’abord égaré, comme si nous l’avions troublé dans une vision extatique, puis son visage s’illumina de joie.
« Guillaume ! S’exclama-t-il. Frère très cher ! »
Il se leva avec peine et se porta à la rencontre de mon maître, l’étreignant et le baisant sur la bouche.
« Guillaume » ! répéta-t-il, et ses yeux se mouillèrent de larmes.
« Que de temps ! Mais je te reconnais encore ! Que de temps, que d’événements ! Que d’épreuves le Seigneur nous a imposées ! »
Il pleura. Guillaume lui rendit son étreinte, évidemment ému. Nous nous trouvions devant Ubertin de Casale. J’avais déjà entendu parler de lui et longuement, avant même de venir en Italie, et davantage encore en fréquentant les franciscains de la Cour impériale. Quelqu’un m’avait même dit que le plus grand poète de ces temps-là, Dante Alighieri de Florence, mort depuis peu d’années, avait composé un poème (que moi je ne pus lire, car il était écrit dans le vulgaire toscan) où l’on avait brassé et le ciel et la terre, et dont de nombreux vers n’étaient rien d’autre qu’une paraphrase de passages écrits par Ubertin dans son Arbor vitae crucifixae . Et ce n’était pas là le seul mérite dont aurait pu se vanter cet homme célèbre. Mais pour permettre à mon lecteur de mieux saisir l’importance de cette rencontre, il faudra que je cherche à reconstruire les vicissitudes de ces années-là, telles que je les avais comprises, et pendant mon court séjour en Italie centrale, d’après les paroles éparses de mon maître, et en écoutant les nombreux entretiens que Guillaume avait eus avec abbés et moines au cours de notre voyage.
Je chercherai d’exprimer ce que j’en avais compris, même si je ne suis pas sûr de bien dire ces choses-là. Mes maîtres de Melk m’avaient souvent dit qu’il est fort malaisé pour un Nordique de se faire des idées claires sur les vicissitudes religieuses et politiques d’Italie. La péninsule, où la puissance du clergé était évidente plus qu’en tout autre pays, et où plus qu’en tout autre pays le clergé étalait puissance et richesse, avait donné naissance depuis deux siècles au mois à des mouvements d’hommes tendant à une vie plus pauvre, en polémique avec les prêtres corrompus, dont ils refusaient jusqu’aux sacrements, se réunissant en communautés autonomes, et en même temps détestés par les seigneurs, par l’empire et par les magistratures citadines. Enfin était venu Saint François, et il avait diffusé l’amour de pauvreté qui ne contredisait pas les préceptes de l’Église, et par son oeuvre l’Église avait accueilli le rappel à la sévérité des moeurs de ses anciens mouvements et les avait purifiés des éléments de désordre qui nichaient en eux. Il aurait dû s’ensuivre une époque de douceur et de sainteté, mais, comme l’ordre franciscain croissait et attirait à lui les hommes les meilleurs, il devint trop puissant et lié aux affaires terrestres : des franciscains en grand nombre voulurent le ramener à la pureté d’autrefois. Chose fort ardue pour un ordre qui au temps où j’étais à l’abbaye comptait déjà plus de trente mille membres répandus dans le monde entier. Mais c’est ainsi, et nombre de ces frères de Saint François s’opposaient à la règle que l’ordre s’était donnée, en alléguant que l’ordre avait désormais pris les façons de ces institutions ecclésiastiques pour la réforme desquelles il était né. Et que cela s’était déjà passé aux temps où François était en vie, et que ses paroles et ses desseins avaient été trahis.
Beaucoup d’entre eux redécouvrirent alors le livre dun moine cistercien qui avait écrit au début du XII e siècle de notre ère, appelé Joachim et auquel on attribuait le don de prophétie. De fait il avait prévu l’avènement d’une ère nouvelle, où l’esprit de Christ, depuis longtemps corrompu par l’oeuvre de ses faux apôtres, se serait de nouveau incarné sur la terre. Et les termes qu’il avait annoncés étaient tels qu’il avait paru clair à tous qu’il parlait sans le savoir de l’ordre franciscain. Et de cela beaucoup de franciscains s’étaient moult réjouis, un peu trop semble-t-il, au point qu’à la moitié du siècle, à Paris, les docteurs de la Sorbonne condamnèrent les propositions de cet abbé Joachim, mais on dit qu’ils en agirent ainsi parce que les franciscains (et les dominicains) étaient en train de devenir trop puissants, et savants, dans l’université de France, et qu’on voulait les éliminer comme hérétiques. Ce qui finalement ne se produisit pas, pour le plus grand bien de l’Église : il fut ainsi loisible de divulguer les oeuvres de Thomas d’Aquin et de Bonaventure de Bagnorea , qu’on ne pouvait taxer d’hérétisme, eux. Preuve qu’à Paris aussi on avait les idées confuses, ou que quelqu’un voulait les confondre pour des fins personnelles. Et c’est là le mal que fait au peuple chrétien l’hérésie, qui rend obscures les idées et pousse chacun à devenir inquisiteur pour son propre intérêt. Et puis ce que je vis à l’abbaye (que je dirai plus loin) m’a fait penser que souvent ce sont les inquisiteurs qui créent les hérétiques. Non seulement pour les imaginer quand ils n’existent pas, mais parce qu’ils répriment avec une telle véhémence la vérole hérétique que nombreux sont ceux qui l’attrapent par haine des inquisiteurs. Vraiment, un cercle conçu par le démon, que Dieu nous en garde.
Mais je parlais de l’hérésie (si jamais elle en a été une) joachimite. Et l’on vit en Toscane un franciscain, Gérard de Borgo San Donnino, se faire le porte-voix des prédictions de Joachim et considérablement impressionner le milieu des frères mineurs. Ainsi parmi eux s’éleva une troupe de partisans de la règle ancienne, contre la réorganisation de l’ordre tentée par le grand Bonaventure, qui en était devenu ensuite général. Dans les trente dernières années du siècle passé, quand le concile de Lyon, sauvant l’ordre franciscain contre qui voulait l’abolir, lui accorda la propriété de tous les biens dont il jouissait, selon qu’il était déjà légal pour les ordres les plus anciens, certains frères dans les Marches se rebellèrent, car ils jugeaient que l’esprit de la règle avait été définitivement trahi, dans la mesure où un franciscain ne doit rien posséder, ni personnellement, ni en tant que couvent, ni en tant qu’ordre. Ils furent emprisonnés à vie. Il ne me semble pas que, ce prêchant, ils étaient en contradiction avec l’évangile, mais quand entre en jeu la possession des choses terrestres, il est difficile que les hommes raisonnent selon la justice. On me dit que des années plus tard, le nouveau général de l’ordre, Raymond Gaufredi, aurait trouvé ces prisonniers à Ancône et, les libérant, leur dit : « Dieu veuille que nous fussions tous flétris d’une pareille faute. » Signe que les dires des hérétiques ne sont pas vrais, et que dans l’Église habitent encore des hommes de grande vertu.
Il y avait parmi ces prisonniers libérés, Ange Clarino, qui rencontra ensuite un frère de Provence, Pierre de Jean Olivi, lequel prêchait les prophéties de Joachim, et puis Ubertin de Casale, et de là naquit le mouvement des spirituels. En ces années montait sur le trône de Saint Pierre un très saint ermite, Pierre du Morrone, qui régna sous le nom de Célestin V, et qui fut accueilli avec soulagement par les spirituels : « il se montrera saint, avait-on dit, et observera les enseignements du Christ, il mènera une vie angélique, tremblez prélats corrompus. » Sans doute Célestin menait-il une vie trop angélique, ou bien les prélats autour de lui étaient-ils trop corrompus, ou encore n’arrivait il pas à supporter la tension d’une guerre trop longue désormais avec l’empereur et avec les autres rois d’Europe ; le fait est que Célestin renonça à sa dignité et se retira dans un ermitage. Mais dans la courte période de son règne, moins d’un an, les espérances des spirituels furent toutes réalisées : ils se rendirent auprès de Célestin qui fonda avec eux la communauté dite des fratres et pauperes heremitae domini Celestini. D’autre part, alors que le pape devait jouer le rôle de médiateur entre les puissants cardinaux de Rome, il y en eut certains, comme un Colonna et un Orsini, qui secrètement soutenaient les nouvelles tendances de pauvreté : choix en vérité fort curieux pour des hommes immensément puissants qui vivaient agréablement au milieu de richesses démesurées, et je n’ai jamais compris s’ils se servaient des spirituels pour leurs fins politiques ou bien si, en quelque sorte, ils se considéraient justifiés dans leur vie charnelle du fait qu’ils soutenaient les tendances spirituelles ; et sans doute y avait-il du vrai dans les deux cas, pour le peu que je comprends des choses italiennes. Mais précisément en guise d’exemple, Ubertin avait été accueilli comme aumônier du cardinal Orsini lorsque, devenu le plus écouté des spirituels, il courait le risque d’être accusé comme hérétique. Et le cardinal lui-même lui avait servi de bouclier en Avignon. Cependant, comme il arrive en de tels cas, d’un côté Ange et Ubertin prêchaient selon la doctrine, de l’autre de grandes masses de simples acceptaient cette prédication et se répandaient à travers le pays, au-delà de tout contrôle.
C’est ainsi que l’Italie fut envahie par ces fraticelles ou frères de la vie pauvre que beaucoup jugèrent dangereux. Il était désormais malaisé de distinguer les maitres spirituels, qui gardaient le contact avec les autorités ecclésiastiques, et leurs partisans les plus simples, qui simplement se trouveraient dorénavant en dehors de l’ordre, demandant l’aumône et vivant au jour le jour du travail de leurs mains, sans s’approprier absolument rien. Ce sont là ceux que la rumeur publique appelait désormais fraticelles, peu différents des béguins français, qui s’inspiraient de Pierre de Jean Olivi. Célestin V fut remplacé par Boniface VIII, et ce pape se hâta de manifester une très faible indulgence pour spirituels et fraticelles en général : tout juste dans les dernières années du siècle touchant à sa fin, il signa une bulle, Firma cautela , dans laquelle il condamnait en vrac bizoches, quêteurs errants qui gravitaient à la limite extrême de l’ordre franciscain, et les spirituels mêmes, autrement dit ceux qui se retranchaient de la vie de l’ordre pour s’adonner à la vie érémitique. Les spirituels tentèrent ensuite d’obtenir l’accord d’autres pontifes, comme Clément V, pour pouvoir se détacher de l’ordre d’une manière non violente.
Je crois qu’ils y auraient réussi, mais l’avènement de Jean XXII leur ôta tout espoir. En 1316, quand il fut élu, il écrivit au roi de Sicile pour qu’il expulsât ces frères hors de ses terres, car nombre d’entre eux s’étaient réfugiés là-bas : et il fit mettre aux fers Ange Clarino et les spirituels de Provence. Ce ne dut pas être une entreprise facile, et beaucoup s’y opposèrent dans la curie. Le fait est qu’Ubertin et Clarino obtinrent de décider librement d’abandonner l’ordre, et ils furent accueillis l’un par les bénédictins, l’autre par les célestins. Mais pour ceux qui s’obstinèrent à mener leur vie en toute liberté, Jean fut impitoyable et les fit persécuter par l’inquisition : beaucoup furent brûlés. Il avait cependant compris que pour détruire l’ivraie des fraticelles, qui minaient à sa base l’autorité de l’Église, il fallait condamner les propositions sur lesquels ils fondaient leur foi. Eux, ils soutenaient que Christ et les apôtres n’avait eu aucune propriété ni individuelle ni communautaire, et le Pape condamna comme hérétique cette idée. Chose stupéfiante, parce qu’on ne voit pas pour quelle sorte de raison un pape se doit de juger perverse l’idée que Christ fût pauvre : mais c’est que précisément un an auparavant avait eu lieu le chapitre général des franciscains à Pérouse, qui soutenait cette opinion, et en condamnant les uns, le pape condamnait l’autre aussi. Comme je l’ai déjà dit, le chapitre portait grand préjudice à sa lutte contre l’empereur, c’est un fait. Ainsi depuis lors de nombreux fraticelles, qui ne savaient rien ni d’empire ni de Pérouse, moururent brûlés.
Demain Le nom de la Rose - 6 - 1er jour Sexte 3ème partie
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