mardi 30 juin 2015

Et Dieu dans tout ça.....

J.S.Bach – aria de la suite en ré

Il y a quelques années dans le cadre de mes activités professionnelles, j'ai organisé plusieurs années de suite, à Cologne, une participation d'industriels français dans un salon professionnel. Parmi eux un industriel, mélomane et organiste. Il tenait, et encore aujourd'hui je pense, les grandes orgues de l'église abbatiale St Etienne de Caen. Il profitait de ses tournées auprès de ses clients allemands pour donner des concerts. Une impresario s'occupait de lui trouver quelques dates.
On avait souvent parlé de musique ensemble. Un jour il me dit:'' Renaud, ce soir je vais à la cathédrale de Bonn répéter le concert que je donne la semaine prochaine. Ca vous amuserait de venir avec moi?'' Tu parles Charles!!
C'est ainsi que je me retrouve en fin d'après midi, assis seul dans la grande nef de la cathédrale de Bonn. Alain B., mon industriel-organiste, est derrière moi a près de 10 mètres de hauteur, assis devant le pupitre de l'orgue. Quelques gammes, quelques jeux d'orgue, un tutti. L'air tremble autour de moi. Je le ressens physiquement. Puis le concert commence. Bach et César Franck, qu'il m'avait dit aimer particulièrement. Je m'installe aussi confortablement que possible. Je n'étais pas ,encore, très amateur de la musique pour orgue et je ne connaissais rien de César Franck. Mais je ferme les yeux et je me laisse porter, puis envahir par la musique. Une bonne heure après, sur un accord qui met bien une quinzaine de secondes à mourir sous les voûtes de la cathédrale, j'entends sa voix qui tombe:
'' Ca va Renaud? Vous avez aimé?''
''Magnifique''
''Voulez-vous entendre quelque chose de particulier?''
''Non, non! Décidez-vous même!''
''Connaissez-vous la transposition pour orgue de l'aria de la suite en ré de Bach?''
''Je connais cette aria, mais pas cette transposition''
Quelques secondes après s'élève cette musique quasi miraculeuse, extatique, simple et belle comme l'évidence de la sérénité. Quatre minutes de bonheur absolu....
Plus tard dans la voiture, de retour vers Cologne, on parle. Et moi bien sur je finis par poser la question!!!
''Vous êtes croyant?''
La réponse fuse.
''Non pas du tout. Mais vous savez on peut aimer la musique religieuse et ne pas croire en Dieu.''
''Mais par exemple, quand vous jouez cette aria de Bach...''
''Quand je joue ça...''
Dix secondes de silence.

'' Je doute...''

dimanche 28 juin 2015

Cent mille milliards de poèmes...


Le cheval Parthénon s'énerve sur sa frise
Depuis que lord Elgin négligea ses naseaux
Le turc de ce temps là pataugeait dans sa crise
Il chantait tout de même oui mais il chantait faux.

Le cheval Parthénon frissonnait sous la brise
Quand se carbonisait la fureur des châteaux
Nous avions aussi froid que nus sur la banquise
Lorsque pour nous distraire y plantions nos tréteaux.

Du Gange au Malabar le lord anglais zozote
Comme à Chandernagor le mendiant sent la crotte
Lorsqu'il voit la gadoue il cherche le purin.

On mettait sans façon ses plus infectes loques
Cela considérant Ô lecteur tu suffoques
Mais rien ne vaut grillé le morceau de boudin.

samedi 27 juin 2015

Nanar and Co - 3 de la Canebière



Pour inconditionnels absolus de nanars...
Avec un Marcel Merkès qui n'est ni G. Guétary, ni R. Hirigoyen, sans parler de L. Mariano. Jusqu'à la grande Colette Déréal doublée dans ses chansons. C'est encore le générique qu'il y a de mieux... Pour les pescadous, hou hou, de la martia-a-le...


mercredi 24 juin 2015

Opéra imaginaire - Tosca


Pendant quelques semaines , petite promenade dans un imaginaire un peu différent de l'opéra,
On commence avec Tosca ...



vendredi 19 juin 2015

Panne d'inspiration

En panne d'inspiration..... Donnez moi dix mots pour réactiver mes neurones !!!

lundi 15 juin 2015

Robert Mapplethorpe - Is black beautiful?





Une canne mortifère tenue par une main décharnée. Au bout, flotte le visage émacié de Robert Mapplethorpe, les cheveux poivre et sel coiffés en arrière. Une apparition, une vanité, une prophétie : on est en 1988, l’artiste a alors quarante et un ans. Il mourra un an plus tard, victime du sida.
Jeune homme à la beauté solaire, photographe emblématique des années 70/80, célèbre pour ses portraits en noir et blanc très stylisés, ses photos de fleurs et ses nus masculins.
Une série consacrée au corps noir a fait scandale. Le côté abrupte et érotique de ces photographies du sommet de sa carrière a entraîné des polémiques sur la participation publique à de telles expositions.
Is black beautiful ? Voici 10 éléments de réponse... 
 

 
 
 

 Vous vous êtes faits une idée? En tous cas Mapplethorpe est un grand photographe...

 

jeudi 11 juin 2015

Abécédaire - R comme régime


...Comme Régime ! Un mot parmi les plus violents de la langue française. Sa simple évocation suscite des images, des concepts, des pratiques pas forcément agréables ou consensuelles. Nous vivons sous la férule, la contrainte d’un nombre conséquent de régimes qui nous imposent tellement plus d’obligations que de droits… Et ce depuis la nuit des temps avec une litanie sans fin de régimes, aux noms sympathiques : ploutocratique, oligarchique, autocratique, dictatorial (avec ses variantes : régime des militaires ou des mollahs…), monarchique, appelé aussi ‘’Ancien Régime’’, qui par définition en appelle un Nouveau. Mais tous ces régimes se déclinent eux-mêmes en régimes libéral, autoritaire, totalitaire voire concentrationnaire. Ecartez –vous des règles édictées par ces régimes ou combattez-les au nom de vos principes et vous aurez à connaître des régimes pénitentiaire ou carcéral !
Mais, pire, les régimes s’attaquent à ce qui nous est le plus personnel, le plus intime. Notre corps !! Ah le régime alimentaire avec son cortège de gros mots : surcharge pondérale, lipides, glucides, cholestérol, triglycérides, acide urique avec son corollaire la goutte…
En matière alimentaire le nombre de régimes est aussi important qu’en matière politique ! Régimes diététique, jockey, sans sel, végétarien, végétalien, crétois, méditerranéen, hypocalorique, hyper protéiné. Des régimes vont même jusqu’à interdire des régimes, de dattes ou de bananes… Certains font des fortunes sur les bourrelets des autres : Dukan, Cohen, Montignac… Et je ne parle pas du plus scandaleux des régimes…Le régime sec !
Mais ne nous faisons pas d'illusions, qu'ils soient politiques ou alimentaires les régimes finissent tous par nous mettre à la diète...

mardi 9 juin 2015

Images indélébiles - Debra Paget - leTombeau Hindou


 

Je suis en partie ce que le cinéma a fait de moi... Et il y a des images indélébiles.
J'ai revu hier soir ''Le Tigre du Bengale'' et ''Le Tombeau Hindou'' de Fritz Lang. Ceux de ma génération qui aiment le cinéma et ont la nostalgie de l'heureux temps des séances de ciné le jeudi après midi à l'Eden, l'Excelsior, Majestic ou autres Paris-Palace, ne peuvent pas avoir oublié ces somptueux films d'aventures, au technicolor chromo comme on n'en fait plus, à la violence très light mais à l'érotisme flamboyant comme cette ''Danse du Cobra'' avec la sublime Debra Paget magnifiquement érotisée par Fritz Lang dans une improbable danse hindoue...

mardi 2 juin 2015

St Paul - Le marais - Parisian Psycho épisode 2



Le garçon habitait un petit studio au 7ème étage d’un vieil immeuble de la rue Pavée. Sans ascenseur. Christian qui montait derrière lui remarqua la largeur de ses épaules sous le sweat, l’étroitesse de ses hanches et la longueur de ses jambes sous le jean délavé et ses Nike immaculées. Un frisson lui parcourut le dos. Le désir et la légère angoisse d’un plaisir inconnu et transgressif. La pensée de ne pas bander lui traversa l’esprit. Arrivé sur le palier, le garçon releva un peu son sweat et décrocha d’un passant de ceinture un petit mousqueton où pendaient 3 ou 4 clés. Il ouvrit la porte et invita Christian à le suivre. A peine entrés il le plaqua contre la porte, prit son visage entre ses mains et l’embrassa. Christian apprécia le contact des lèvres mais eut un mouvement de recul quand il sentit la langue du garçon s’insinuer dans la sienne. Il eut le sentiment d’avoir un morceau de barbaque humide, molle et tiédasse dans la bouche. Il le repoussa un peu brutalement. Le garçon sourit et se rapprocha du lit ! Il enleva son sweat et le tee-shirt qu’il portait dessous. La vue de ce corps blanc et imberbe et des deux tétons brun foncé électrisa Christian. Le garçon fit valser ses Nike à l’autre bout de la pièce et fit tomber son jean et son caleçon. Il était nu à l’exception de ses chaussettes blanches. Il avait le pubis rasé. Christian fut surpris de la taille de son sexe plus grand que le sien. Il n’imaginait pas qu’un garçon aussi fin, presque féminin, put avoir un outil de cette taille. Mais il allait remettre les choses à leur place et lui montrer qui était le mec ! Il enleva sa veste, sa cravate et sa chemise et les jeta en vrac sur le sol ce qui n’était pas vraiment sa manière d’agir. Il défit sa ceinture et son pantalon sur les chevilles il s’approcha du garçon et le poussa sur le lit où il le suivit. Il lui écarta les jambes et les mit sur ses épaules et voulut immédiatement le pénétrer. Mais trop maladroitement. Il n’y arrivait pas. Il n’avait jamais osé un tel geste avec sa femme. Le garçon dut le guider. Quand il eut trouvé son chemin, il le pénétra d’un seul coup, sans ménagement. Le garçon étouffa un petit cri et fit une grimace de douleur. ‘’Doucement’’ dit-il. Y a des capotes et du gel sur la table de nuit’’. Christian s’aperçut que cela l’excitait encore plus. Il accéléra la cadence et la violence de ses coups de reins. Une larme de douleur roula sur la joue du garçon. Et cette vision amena Christian à l’orgasme. Un orgasme brutal comme il n’en avait jamais connu. Il s’effondra à bout de souffle sur le corps du garçon qui voulut l’enserrer dans ses bras. Mais une fois de plus Christian le repoussa et roula sur le côté. Il ne voulait surtout pas de tendresse. Le garçon se redressa sur un coude Et lui dit en souriant :’’ Eh ben dis donc t’es rien pressé toi ! Mais tu sais, un vrai plaisir faut qu’il soit partagé. Tu vas voir. Attends un moment. Tu veux un café ?’’ Il se leva et retira les chaussures et le pantalon de Christian. Celui-ci n’éprouva aucune gêne à être nu. Il lui suffisait que les rôles aient été distribués.

Le café bu, le garçon revint se coucher et ses mains caressèrent le corps de Christian. Il fut surpris d’apprécier les caresses de ces mains grandes, aux doigts longs et fins, aux phalanges marquées et aux ongles larges et soignés. Au bout d’un moment le garçon lui demanda de se retourner pour lui masser le dos. Mais rapidement ses caresses se concentrèrent sur le bas de son dos et ses fesses. Il eut un mouvement de contraction. ‘’Chuttt’’ dit le garçon. Christian sentit un liquide froid glisser entre ses fesses. Les caresses se firent plus précises. ‘’Non’’ fit Christian, mais sans bouger. Il ressentait un plaisir nouveau. Le garçon s’allongea sur son dos, fit passer ses avant-bras sous les aisselles de Christian et le tint aux épaules. Sa bouche était contre son oreille. ‘’Ne crains rien. Laisse-toi faire. Je ne te ferai pas mal’’. Christian sentit le sexe du garçon glisser plusieurs fois entre ses fesses avant de le pénétrer doucement. La douleur le fit se contracter. Le garçon s’arrêta immédiatement. Il resta un long moment sans bouger. Puis il reprit doucement ses mouvements. La douleur disparut peu à peu avant de laisser place à un plaisir totalement inconnu de Christian. Il s’ abandonna totalement. Au bout d’un moment (combien de temps ?) les mouvements du garçon s’accélérèrent et il fit entendre de sourds grognements jusqu’au cri final accompagné de trois, quatre spasmes dans les reins de Christian. Il avait joui. Mais le plus extraordinaire pour Christian c’est qu’il avait joui lui aussi. Comme ça sans qu’on le touche, sans qu’il se touche. Il ne pensait pas que ce soit possible. Le garçon allongé sur son dos lui dit ‘’ Merci, c’était bon. Mais je vois que toi aussi tu as pris ton pied. C’est bien’’ Et il l’embrassa dans le cou. Encore une fois Christian refusa cet instant de tendresse. ‘’Je peux prendre une douche ‘’demanda-t-il ? Il passa dans la salle de bains. Se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo. Et ce qu’il vit lui fit peur.
Appuyé sur la tablette du lavabo, Christian eut du mal à se reconnaître. Les cheveux en bataille avaient eu raison du gel du matin. Les sourcils froncés creusaient une ride profonde au milieu du front. Les yeux bleus étaient devenus presque noirs. Les paupières luisantes et les larges cernes bruns semblaient creuser les orbites d’où jaillissait un regard fiévreux. Les lèvres étaient pincées en une forme de rictus et les dents serrées faisaient jaillir les maxillaires de la mâchoire. Les tendons semblaient ressortir du cou tendu en avant. Sur la peau grisâtre des joues apparaissaient les contours d'une barbe pourtant rasée de frais le matin même.
C’est alors qu’il se rendit compte qu’il avait la migraine. Une migraine qui lui tenaillait le front et lui cognait les tempes à chaque battement de cœur. Depuis quand avait-il mal ? Probablement depuis qu’il était descendu du métro. Cette migraine était accompagnée d’une nausée qui lui tordait l’estomac et qu’il savait ne pas pouvoir éliminer. Elle était nourrie de sentiments qu’il ignorait jusque-là. Le mépris. La honte. La souillure. L’avilissement. Le mépris de ces garçons pour qui la satisfaction de leur vice sexuel devait être facile et immédiate et qui se foutaient des conséquences pour les autres. La honte de lui-même d’avoir désiré le cul d’un homme et d’y avoir cédé. Les mots qu’il entendait en famille ou parmi ses amis lui traversaient l’esprit : pédéraste, inverti, sodomite, tante, jaquette… Il en avait rejoint les rangs. Et tout ça à cause de ce petit mec… Il se sentait souillé d’avoir été possédé par lui, de n’avoir rien dit, d’avoir de lui-même écarté ses jambes. Mais plus que tout il se sentait avili d’y avoir trouvé du plaisir. Cela il ne le lui pardonnerait jamais, pas plus qu’à lui-même. Comment en était-il arrivé là ? Et en à peine plus d’une heure.
Il fallait qu’il prenne une douche brulante pour se laver. Il enleva sa montre et la posa sur le lavabo. Il vit la gravure au dos du boitier. ‘’De Françoise à Christian pour 5 ans de bonheur’’ et la date de leur mariage. Il eut un haut-le-cœur ! Cinq ans de bonheur cette vie fade et tiède ? Ces journées, ces mois, ces années répétitives, toujours identiques ? Ces nuits sans passion ? Ce sexe sans surprises, presque sans désir. Il se rendit brusquement compte qu’il ne supporterait plus cette vie ; et elle pas davantage. Il se pencha sur le lavabo et vomit toute sa bile.
Dix minutes plus tard il revint dans la chambre les cheveux et le corps encore humides. Le garçon était toujours allongé sur le lit les bras croisés au-dessus de la tête, la jambe gauche repliée sous la droite le sexe reposant sur la cuisse. Il souriait. ‘’Tu es très beau. On remets çà ? J’ai envie de toi chéri.’’ Le mot le gifla. Il eut une imperceptible crispation. Il s’avança, monta sur le lit et s’assit à califourchon sur le bassin du garçon et se pencha comme pour l’embrasser. Le sourire du garçon s’élargit. Ce fut la dernière fois que Christian vit son visage. Brusquement Christian saisit l’oreiller et le plaqua sur sa tête. Au bout de 3 secondes le garçon lui tapota le bras comme pour dire’’ Bon ça suffit comme ça.’’ Christian augmenta la pression. Il entendit les cris étouffés par l’oreiller. La panique le gagnait. Il mit ses bras sur les épaules de Christian pour essayer de le repousser. Mais il ne faisait pas le poids. Il se mit à gigoter dans tous les sens. D’un mouvement du bras il renversa la table de nuit et la lampe de chevet. Entre les jambes de Christian son corps se cabrait comme un cheval pour désarçonner son cavalier. En se cambrant le bassin du garçon venait cogner l’entre jambe de celui qui était en train de le tuer. Et plus le garçon se débattait plus Christian bandait. Combien de temps cela dura-t-il ? Une éternité ! 25 secondes, peut-être 30. Puis tout s’arrêta. Les mouvements cessèrent. Christian fut alors pris de tremblements. L’orgasme lui déchira le bas-ventre et les reins. Il jouit longuement sur le ventre blanc, imberbe et sans vie du garçon. Il se releva, ramassa une serviette de toilette au pied du lit et s’essuya. Il s’aperçut tout de suite du changement opéré en lui. Sa migraine avait disparu et il avait le sentiment d’avoir retrouvé la maîtrise de son corps et de ses esprits. Il devait maintenant quitter rapidement les lieux.
Rhabillé, il se dirigea vers la porte d’entrée. Il se retourna une dernière fois. Il vit le garçon le coussin toujours sur sa tête, étendu les bras et les jambes en croix, le ventre souillé de son sperme. Il ouvrit la porte, sortit et la referma doucement derrière lui. Au même moment la porte d’en face sur le palier s’entrouvrit. Une vieille dame aux cheveux blancs passa la tête :’’J’ai entendu du bruit chez monsieur Kevin. Tout va bien ?’’ Christian descendit rapidement les escaliers. Il se retrouva rue Pavée qu’il suivit jusqu’à la rue Saint Antoine et la station de métro Saint Paul le Marais. Tout avait commencé là et tout finissait là. Il monta dans la troisième voiture de la rame et s’assit à sa place habituelle à droite sur le strapontin. Il s’aperçut qu’il avait oublié dans le studio son Libé et Les Echos. C’est à ce moment-là qu’il se rendit compte, avec un frisson glacé dans le dos, qu’il avait également laissé sa montre avec sa dédicace, sur la tablette du lavabo.

St Paul - Le Marais - Parisian Psycho épisode 1



Lundi matin. 7h30. Métro Bastille. Ligne n°1. Château de Vincennes-la Défense. Quai aérien, là où le métro sort de terre venant de la Gare de Lyon pour replonger immédiatement vers St Paul le Marais. Il est là comme tous les matins, à l’emplacement de la troisième voiture pour être directement face à la bonne sortie à Esplanade de la Défense où il travaille pour une banque d’affaires. 32 ans, il n’est pas très grand, mais on devine un corps robuste modelé par la pratique régulière du squash et la fréquentation des salles de gymnastique. Le cheveu très noir et dru, sa peau mate font ressortir les yeux bleus qu’il tient de sa mère et quand il laisse le col de sa chemise ouvert la petite touffe de poils noirs qui démarre à la base du cou ne laisse aucun doute, pense-t-il sur sa virilité. Il a l’allure parfaite du yuppie. Costume sombre, mocassins noirs, chemise blanche poignets mousquetaire, serviette en cuir un peu déformée, elle lui vient de son père, une montre de prix au poignet, mais il est plutôt Piaget que Rolex, légèrement vulgaire à son goût. Les seules notes de fantaisie, de couleur, sont ses cravates, offertes par sa femme pour son anniversaire et Noël. C’est devenu comme un jeu. Il est curieux à chaque fois de ce qu’elle osera pour lui… Il est marié depuis 5 ans. Il aime sa femme raisonnablement et ne l’a jamais trompée. Elle est belle, élégante, intelligente, du même milieu que lui. Ils ont un petit garçon adorable de 5 ans, ils habitent boulevard Henri IV, un grand appartement au dernier étage d’un immeuble donnant sur la place de la Bastille et le port de l’Arsenal. Ils passent l’été dans une propriété dans le Lubéron qu’elle tient de ses parents. Aux yeux de sa famille et de ses amis, il ne lui manque rien pour être heureux.
La rame entre dans la station. Il monta dans le troisième wagon. A cette heure-là ce n’était pas encore la cohue et il put s’asseoir sur le strapontin directement à droite ! Il ouvrit Libé. Les Echos ce serait pour le bureau. A la station suivante, St Paul le Marais, les gens qui montaient l’obligèrent à se lever. Il replia son journal en quatre pour continuer à lire. En tournant la tête, il fût arrêté par un regard posé sur lui fixement, à la fois intense et étrangement vide. Il ressentit un léger choc à l’estomac. C’était un jeune homme d’environ 20 ans. Il ne voyait de lui qu’un visage allongé, une tignasse blonde, un sweat avec une capuche et ces yeux verts, si verts. Il détourna le regard. Station Hôtel de Ville. Le mouvement des passagers l’obligea à se reculer un peu vers le centre de la plate-forme. Il s’accrocha à la barre métallique verticale. Il avait bousculé plusieurs voyageurs et en se retournant pour s’excuser il vit le regard vert posé sur lui. ‘’Excusez-moi’’. Le jeune homme lui répondit par un petit sourire qu’il trouva un peu équivoque et posa sa main sur le montant métallique, juste au-dessus de la sienne. Il en fut énervé, regarda fixement la porte devant lui et resta immobile jusqu’à la station suivante. Louvre. Il profita du va et vient pour lâcher le montant et s’écarter un peu. Il pût se replonger dans son journal. Louvre-Rivoli. Le flux des voyageurs ramena le garçon au sweat juste derrière lui. Le démarrage un peu brusque de la rame le déséquilibra et l’obligea à faire un pas en arrière. Il ne s’excusa pas mais il vit dans le reflet de la vitre le visage du garçon qui avait un grand sourire. ‘’Le petit con…’’. Tuileries. On lui tapota légèrement sur l’épaule. C’était le sweat. ’’Excusez-moi, je descends ici’’. Il se glissa entre lui et un autre voyageur. Pendant une seconde ils furent collés l’un à l’autre, leurs visages à peine séparés de quelques centimètres. Il haussa les épaules et sourit d’un air de dire ‘’Désolé, je ne peux pas faire autrement’’. Puis il sortit. Mais au lieu de prendre l’escalator en face de lui, il se posta devant la voiture et le regarda fixement, sans sourire jusqu’à ce que la rame démarre. ‘’ Quel petit con. Il me drague ou quoi ? Il se prend pour qui ?’’ Il était furieux et gêné. Il regarda autour de lui. Il lui semblait que tout le monde dans le wagon s’était rendu compte de son manège. A Concorde, il avait décidé de ne plus y penser. Et il n’y pensât plus. Jusqu’au soir où il reprit le métro en sens inverse. Il ne pût s’empêcher de regarder les passagers qui montaient à Tuileries et descendaient à Saint Paul le Marais. Mais que lui avait-il pris à ce gamin, il devait avoir à peine 20 ans ! Ce devait être un pédé. Ça ne le dérangeait pas plus que ça ! C’était pas ce qui manquait dans le quartier Bastille-Marais. ‘’Mais pourquoi moi ?’’ se dit-il. ‘’Il a quand même pas cru que moi….’’ Ça ne lui avait jamais traversé l’esprit.
Ce soir, il ferait l’amour à sa femme.
Mardi matin. 7h30. Métro Bastille. Il est là comme tous les jours. Seules la chemise et la cravate ont changé. Sans vraiment s’en rendre compte, il a pris un soin particulier dans le choix de sa cravate. Celle qui lui semblait la plus décalée avec son costume, la plus ‘’fun’’. Son Libé et Les Echos sous le bras il monte dans la troisième voiture et s’installe à sa place habituelle, tout de suite à droite, sur le strapontin.

Il eut un petit choc à l’estomac quand, à St Paul le Marais, il vit le garçon au sweat monter dans la voiture. Cette fois il resta près de la portière, s’accrochant de la main droite à la barre, et l’obligeant, lui, à se mettre debout. Il tourna la tête vers lui, toujours ces yeux verts, si verts, et lui dit à voix basse ‘’Bonjour’’ avec un petit sourire. Il fut incapable de répondre, le visage comme statufié. Le garçon était de profil à une vingtaine de centimètres de lui. Il avait une tignasse blonde, mi-longue, bouclée qu’il devait avoir du mal à domestiquer le matin. Le sourcil était épais, d’un blond plus foncé et les cils incroyablement fournis. ’’Trop pour un homme’’ se dit-il. Le nez était un peu long avec une petite bosse au milieu et les narines fines. En dessous les lèvres étaient charnues. ‘’Trop féminin ça aussi’’. Les joues et le menton étaient lisses, vierges de tout poil. ‘’Il ne doit pas passer beaucoup de temps à se raser le matin. Et ça doit être comme ça sur tout le corps’’. Il fut brusquement gêné par cette pensée et la vision d’un corps imberbe. Pour se ressaisir il se racla la gorge et en changeant de jambe d’appui, il frôla le bras du garçon qui tourna la tête et lui adressa un grand sourire. Les deux incisives du haut se chevauchaient légèrement. ‘’Il va quand même pas croire que je l’ai fait exprès ce petit con.’’ Mais le fait est que le ‘’petit con’’ ne semblait plus lutter contre les à-coups du métro et se laissait aller contre son corps. ‘’Mais qu’est-ce qu’il fait là, je peux quand même pas lui foutre une baffe et lui demander de me laisser tranquille comme une femme qui se fait peloter les fesses !’’ Cela dura jusqu’à Tuileries. Et comme hier il resta sur le quai à le regarder partir en souriant. Ce jour-là il eut un peu de mal à évacuer cela de ses pensées ! Mais les images du matin revinrent en force dans le trajet du retour. Il décida que ce soir aussi il ferait l’amour à sa femme.

Mercredi matin. 7h30. Métro Bastille. Devant l’emplacement de la troisième voiture, il a sa tête des mauvais jours. Hier soir cela a été un fiasco. La panne ! Malgré ses efforts et les propos rassurants de sa femme. Il est effondré. C’est la première fois. A 32 ans c’est pas normal ! Il avait mal dormi ne pouvant chasser de son esprit la vision d’une tignasse blonde et d’un corps imberbe. ‘’Bon ça suffit maintenant. Je vais pas me pourrir la vie avec ces conneries. Je suis pas une midinette. Au premier geste équivoque, je lui rentre dedans ’’.

St Paul le Marais. Les portes s’ouvrent. Personne, il n’est pas là. Et loin d’être rassuré, il est tout décontenancé. Toute son agressivité est tombée. Les portes se referment et il le voit qui arrive en courant et lui faire un sourire triste en haussant les épaules et en écartant les bras. Il reste tout penaud contre son strapontin. Et il se rend compte brusquement que ce petit parcours raté de trois stations de métro va lui pourrir sa journée.. Et soudain, il se fige, incrédule, tétanisé. Il bande. Il bande comme ça, pour trois fois rien. Juste pour un petit mec à la tignasse blonde et aux yeux verts qui a raté son métro ! Il sait qu’il ne pensera qu’à ça toute la journée.

Jeudi matin. 7h30. Métro Bastille. Il n’a pas fermé l’œil de la nuit. Il a une boule au creux de l’estomac. Il regarde sa montre pour être sûr que c’est la bonne rame et il s’installe contre son strapontin relevé. La rame plonge dans le tunnel. St Paul le Marais. Il est là, tout sourire. Il bouscule deux personnes pour s’installer à son côté. ‘’Bonjour’’. Il réussit à articuler : ‘’Bonjour’’. ‘’Désolé pour hier. J’ai pas couru assez vite’’. ‘’C’est pas grave’’. ‘’Tu m’as manqué’’. Il déglutit et réussit à dire : ‘’Vous aussi’’. C’est alors qu’il sent la main du garçon caresser la sienne. Il est tout surpris de ne pas retirer sa main. Au contraire il lui rend cette caresse. Tout va alors très vite. Hôtel de Ville. Les portes s’ouvrent. Le garçon le prend par le bras et lui dit : ‘’Viens, on descend’’. 20 secondes plus tard le train repart et ils restent sur le quai. ‘’Moi c’est Kevin’’, ‘’Christian’’. ‘’Je suis content. Viens’’. Il le prend par le coude et Christian, sans volonté se laisse entraîner vers la sortie.
‘’ Je bosse à l’Inter-Continental, rue de Castiglione. Je suis off aujourd’hui. Mais je me suis levé quand même. Je ne voulais pas te louper une deuxième fois. Et toi ?’’ Ils étaient sur le trottoir en face du BHV. Christian se demandait ce qu’il faisait là, à cette heure-là, sur le pavé de Paris. ‘’ Je travaille à la Défense’’. Il avait répondu sans réfléchir. Il avait le sentiment de ne plus s’appartenir totalement. ‘’Cool. Ça se voit. T’as vraiment l’air d’un cadre sup’’. Un long silence suivit. Christian était incapable de dire quelque chose. ‘’ Tu sais, relança le garçon, c’est pas trop mon truc de draguer les mecs comme ça. Mais là ça a été plus fort que moi et puis j’ai senti que t’étais réceptif’’. Il lui lança un clin d’œil. ‘’ Je ne sais pas. Ce genre de chose ne m’arrive pas souvent. C’est même la première fois.’’ ‘’ T’es pas gay ?’’ ‘’Non !’’ Le garçon écarquilla ses yeux verts et eut un large sourire. ‘’Wouahh. Quel pied ! Un bel hétéro puceau avec les hommes…T’es un rêve de gay tu sais ?’’ Le fait d’être considéré comme un bon coup le dégrisa brusquement. ‘’Arrête tes conneries s’il te plait’’. Le garçon fit machine arrière. ‘’ Excuse-moi. C’est pas ce que j’ai voulu dire’’. Christian eut le sentiment de reprendre la main. Il préférait ça. Le passage d’une arroseuse municipale les obligea à faire un pas de côté. ‘’ Ne restons pas là, dit le garçon. Tu veux pas venir boire un café chez moi, j’habite tout près.’’ ‘’Non. Je bosse. Je suis pas off moi.’’ ‘’ Dis leur que tu arriveras en retard’’. Dans la tête de Christian le choix fut vite fait. Dire oui l’entraînerait il ne savait pas trop où, mais il savait qu’il regretterait d’avoir dit non. Il prit son portable dans sa poche et composa un numéro. ‘’ Marie ? C’est moi. J’ai un problème. Rien de grave mais je ne serai pas au bureau ce matin. Décalez mes rendez-vous. A tout à l’heure’’ Il allait raccrocher…’’ Ah Marie. N’essayez pas de m’appeler. Je serai injoignable.’’ ‘’Eh ben voilà’’ fit le garçon. ‘’Viens’’ lui dit-il pour la seconde fois.
A suivre... demain

Abédédaire : B comme Bonheur

 ...Comme Bonheur
Le bonheur est dans le pré cours–y vite cours- y vite
Le bonheur est dans le pré cours-y vite il va filer.
Petits bonheurs, bonheurs du jour, bonheurs fugitifs.
Pas plus qu’il n’y a d’amour, il n’y a de bonheur. Et comme il n’y a que des preuves d’amour, il n’y a que des instants de bonheur. Parenthèses dans un quotidien peu souvent satisfaisant. Mais la vie est finalement bien faite ; nous avons une mémoire sélective. Rose pour les filles, bleue pour les garçons, arc-en-ciel pour quelques uns. Et le filtre fonctionne. Que reste-t-il au bout du compte?
La caresse d’une mère, la fierté dans les yeux d’un père, le regard confiant d’un enfant, un réveil alangui dans un lit défait, un souffle sur un cou, une première gorgée de bière, dit-on, un moment de silence, un instant de musique, un ciel flamboyant, une nuit étoilée, un dîner préparé pour des amis que l’on aime, une lecture, un éclat de rire et à l’infini les petits bonheurs de chacun…
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite cours-y vite
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite…il a filé…
Mais le bonheur est un furet. Il est passé par ici, il repassera par là. Il faut juste être à son rendez-vous !