mercredi 31 octobre 2018

mardi 30 octobre 2018

samedi 27 octobre 2018

Mythologie et philosophie - L'Odyssée - 6 Le retour à Ithaque


Luc Ferry
Mythologie et philosophie
L’Odyssée ou le miracle grec
6 Le retour à Ithaque ou la victoire sur l'oubli 


La semaine prochaine : L'Iliade et la guerre de Troie

mercredi 24 octobre 2018

dimanche 21 octobre 2018

Nom de Zeus - Mythologie et philosophie - Luc Ferry



  Je suis tombé sur une pépite, un trésor, une série de conférences de Luc Ferry sur les origines, la signification et les prolongements philosophiques de la mythologie grecque. Dire que c’est passionnant est un faible mot. C’est un festival de culture et d’intelligence, Les grands mythes fondateurs de notre civilisation rapportés au niveau de nos capacités de compréhension, faut pas s’en priver.
  Par dizaines, des expressions issues de la mythologie grecque se sont inscrites dans le langage courant : une « pomme de discorde », un « dédale de rues », prendre le « taureau par les cornes », toucher le « pactole », « tomber de Charybde en Scylla », suivre un « fil d’Ariane », « jouer les Cassandre », etc. Mille références endormies aux Sirènes, à Typhon, Océan, Triton, Python, Sibylle, Stentor, Mentor, Laïus, Argus, Œdipe et à tant d’autres personnages mythiques habitent encore incognito nos conversations de tous les jours.
  Luc Ferry nous propose de les réveiller en racontant les histoires magnifiques qui en sont l’origine. Mais il y a plus. Les grands mythes ne se limitent pas à des « contes et légendes». Ils proposent des leçons de vie et de sagesse d’une profondeur abyssale et désormais accessibles par nous.
A partir de demain je vous propose de suivre Luc Ferry dans la découverte de la théogonie (naissance des dieux) et de la cosmogonie (naissance du monde). A raison de 10/12 minutes par jour cela ne devrait pas être insurmontable...
Donc à partir de demain et pour toute la semaine partons à la découverte de la dimension historique et philosophique de l’Odyssée d’Ulysse.
Suivons le guide...

Contes et légendes

Tous ceux qui ont eu une jeunesse et une adolescence sans réseaux sociaux et sans télévision ont forcément eu entre leurs mains un volume de la collection Contes et Légendes et le graphisme de leurs couvertures est sûrement resté gravé dans leur mémoire. Mais je suis sûr qu’aujourd’hui encore des enfants se laissent prendre à ces courts récits qui aiguisent leur imagination, leur curiosité et installent mine de rien les premières base d’une culture généraliste.
Cette collection pour la jeunesse créée en 1916 par la Librairie Fernand Nathan est toujours publiée aujourd’hui. Chaque livre est un recueil de récits issus de l'histoire ou du folklore de divers pays, régions et de toutes les époques...
En 2010, toutes rééditions confondues, les deux ‘best sellers’’ étaient ‘’Les contes et légendes de la mythologie grecque’’ et ‘’Les contes et légendes de la Table Ronde’’. Nostalgie, nostalgie.
Retour sur quelques couvertures, des plus anciennes aux plus récentes.


mardi 16 octobre 2018

Parisian psycho II


Le garçon habitait un petit studio au 7ème étage d’un vieil immeuble de la rue Pavée. Sans ascenseur. Christian qui montait derrière lui remarqua la largeur de ses épaules sous le sweat, l’étroitesse de ses hanches et la longueur de ses jambes sous le jean délavé et ses Nike immaculées. Un frisson lui parcourut le dos. Le désir et la légère angoisse d’un plaisir inconnu et transgressif. La pensée de ne pas bander lui traversa l’esprit. Arrivé sur le palier, le garçon releva un peu son sweat et décrocha d’un passant de ceinture un petit mousqueton où pendaient 3 ou 4 clés. Il ouvrit la porte et invita Christian à le suivre. A peine entrés il le plaqua contre la porte, prit son visage entre ses mains et l’embrassa. Christian apprécia le contact des lèvres mais eut un mouvement de recul quand il sentit la langue du garçon s’insinuer dans la sienne. Il eut le sentiment d’avoir un morceau de barbaque humide, molle et tiédasse dans la bouche. Il le repoussa un peu brutalement. Le garçon sourit et se rapprocha du lit ! Il enleva son sweat et le tee-shirt qu’il portait dessous. La vue de ce corps blanc et imberbe et des deux tétons brun foncé électrisa Christian. Le garçon fit valser ses Nike à l’autre bout de la pièce et fit tomber son jean et son caleçon. Il était nu à l’exception de ses chaussettes blanches. Il avait le pubis rasé. Christian fut surpris de la taille de son sexe plus grand que le sien. Il n’imaginait pas qu’un garçon aussi fin, presque féminin, put avoir un outil de cette taille. Mais il allait remettre les choses à leur place et lui montrer qui était le mec ! Il enleva sa veste, sa cravate et sa chemise et les jeta en vrac sur le sol ce qui n’était pas vraiment sa manière d’agir. Il défit sa ceinture et son pantalon sur les chevilles il s’approcha du garçon et le poussa sur le lit où il le suivit. Il lui écarta les jambes et les mit sur ses épaules et voulut immédiatement le pénétrer. Mais trop maladroitement. Il n’y arrivait pas. Il n’avait jamais osé un tel geste avec sa femme. Le garçon dut le guider. Quand il eut trouvé son chemin, il le pénétra d’un seul coup, sans ménagement. Le garçon étouffa un petit cri et fit une grimace de douleur. ‘’Doucement’’ dit-il. Y a des capotes et du gel sur la table de nuit’’. Christian s’aperçut que cela l’excitait encore plus. Il accéléra la cadence et la violence de ses coups de reins. Une larme de douleur roula sur la joue du garçon. Et cette vision amena Christian à l’orgasme. Un orgasme brutal comme il n’en avait jamais connu. Il s’effondra à bout de souffle sur le corps du garçon qui voulut l’enserrer dans ses bras. Mais une fois de plus Christian le repoussa et roula sur le côté. Il ne voulait surtout pas de tendresse. Le garçon se redressa sur un coude Et lui dit en souriant :’’ Eh ben dis donc t’es rien pressé toi ! Mais tu sais, un vrai plaisir faut qu’il soit partagé. Tu vas voir. Attends un moment. Tu veux un café ?’’ Il se leva et retira les chaussures et le pantalon de Christian. Celui-ci n’éprouva aucune gêne à être nu. Il lui suffisait que les rôles aient été distribués.

Le café bu, le garçon revint se coucher et ses mains caressèrent le corps de Christian. Il fut surpris d’apprécier les caresses de ces mains grandes, aux doigts longs et fins, aux phalanges marquées et aux ongles larges et soignés. Au bout d’un moment le garçon lui demanda de se retourner pour lui masser le dos. Mais rapidement ses caresses se concentrèrent sur le bas de son dos et ses fesses. Il eut un mouvement de contraction. ‘’Chuttt’’ dit le garçon. Christian sentit un liquide froid glisser entre ses fesses. Les caresses se firent plus précises. ‘’Non’’ fit Christian, mais sans bouger. Il ressentait un plaisir nouveau. Le garçon s’allongea sur son dos, fit passer ses avant-bras sous les aisselles de Christian et le tint aux épaules. Sa bouche était contre son oreille. ‘’Ne crains rien. Laisse-toi faire. Je ne te ferai pas mal’’. Christian sentit le sexe du garçon glisser plusieurs fois entre ses fesses avant de le pénétrer doucement. La douleur le fit se contracter. Le garçon s’arrêta immédiatement. Il resta un long moment sans bouger. Puis il reprit doucement ses mouvements. La douleur disparut peu à peu avant de laisser place à un plaisir totalement inconnu de Christian. Il s’ abandonna totalement. Au bout d’un moment (combien de temps ?) les mouvements du garçon s’accélérèrent et il fit entendre de sourds grognements jusqu’au cri final accompagné de trois, quatre spasmes dans les reins de Christian. Il avait joui. Mais le plus extraordinaire pour Christian c’est qu’il avait joui lui aussi. Comme ça sans qu’on le touche, sans qu’il se touche. Il ne pensait pas que ce soit possible. Le garçon allongé sur son dos lui dit ‘’ Merci, c’était bon. Mais je vois que toi aussi tu as pris ton pied. C’est bien’’ Et il l’embrassa dans le cou. Encore une fois Christian refusa cet instant de tendresse. ‘’Je peux prendre une douche ‘’demanda-t-il ? Il passa dans la salle de bains. Se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo. Et ce qu’il vit lui fit peur.
Appuyé sur la tablette du lavabo, Christian eut du mal à se reconnaître. Les cheveux en bataille avaient eu raison du gel du matin. Les sourcils froncés creusaient une ride profonde au milieu du front. Les yeux bleus étaient devenus presque noirs. Les paupières luisantes et les larges cernes bruns semblaient creuser les orbites d’où jaillissait un regard fiévreux. Les lèvres étaient pincées en une forme de rictus et les dents serrées faisaient jaillir les maxillaires de la mâchoire. Les tendons semblaient ressortir du cou tendu en avant. Sur la peau grisâtre des joues apparaissaient les contours d'une barbe pourtant rasée de frais le matin même.
C’est alors qu’il se rendit compte qu’il avait la migraine. Une migraine qui lui tenaillait le front et lui cognait les tempes à chaque battement de cœur. Depuis quand avait-il mal ? Probablement depuis qu’il était descendu du métro. Cette migraine était accompagnée d’une nausée qui lui tordait l’estomac et qu’il savait ne pas pouvoir éliminer. Elle était nourrie de sentiments qu’il ignorait jusque-là. Le mépris. La honte. La souillure. L’avilissement. Le mépris de ces garçons pour qui la satisfaction de leur vice sexuel devait être facile et immédiate et qui se foutaient des conséquences pour les autres. La honte de lui-même d’avoir désiré le cul d’un homme et d’y avoir cédé. Les mots qu’il entendait en famille ou parmi ses amis lui traversaient l’esprit : pédéraste, inverti, sodomite, tante, jaquette… Il en avait rejoint les rangs. Et tout ça à cause de ce petit mec… Il se sentait souillé d’avoir été possédé par lui, de n’avoir rien dit, d’avoir de lui-même écarté ses jambes. Mais plus que tout il se sentait avili d’y avoir trouvé du plaisir. Cela il ne le lui pardonnerait jamais, pas plus qu’à lui-même. Comment en était-il arrivé là ? Et en à peine plus d’une heure.
Il fallait qu’il prenne une douche brulante pour se laver. Il enleva sa montre et la posa sur le lavabo. Il vit la gravure au dos du boitier. ‘’De Françoise à Christian pour 5 ans de bonheur’’ et la date de leur mariage. Il eut un haut-le-cœur ! Cinq ans de bonheur cette vie fade et tiède ? Ces journées, ces mois, ces années répétitives, toujours identiques ? Ces nuits sans passion ? Ce sexe sans surprises, presque sans désir. Il se rendit brusquement compte qu’il ne supporterait plus cette vie ; et elle pas davantage. Il se pencha sur le lavabo et vomit toute sa bile.
Dix minutes plus tard il revint dans la chambre les cheveux et le corps encore humides. Le garçon était toujours allongé sur le lit les bras croisés au-dessus de la tête, la jambe gauche repliée sous la droite le sexe reposant sur la cuisse. Il souriait. ‘’Tu es très beau. On remets çà ? J’ai envie de toi chéri.’’ Le mot le gifla. Il eut une imperceptible crispation. Il s’avança, monta sur le lit et s’assit à califourchon sur le bassin du garçon et se pencha comme pour l’embrasser. Le sourire du garçon s’élargit. Ce fut la dernière fois que Christian vit son visage. Brusquement Christian saisit l’oreiller et le plaqua sur sa tête. Au bout de 3 secondes le garçon lui tapota le bras comme pour dire’’ Bon ça suffit comme ça.’’ Christian augmenta la pression. Il entendit les cris étouffés par l’oreiller. La panique le gagnait. Il mit ses bras sur les épaules de Christian pour essayer de le repousser. Mais il ne faisait pas le poids. Il se mit à gigoter dans tous les sens. D’un mouvement du bras il renversa la table de nuit et la lampe de chevet. Entre les jambes de Christian son corps se cabrait comme un cheval pour désarçonner son cavalier. En se cambrant le bassin du garçon venait cogner l’entre jambe de celui qui était en train de le tuer. Et plus le garçon se débattait plus Christian bandait. Combien de temps cela dura-t-il ? Une éternité ! 25 secondes, peut-être 30. Puis tout s’arrêta. Les mouvements cessèrent. Christian fut alors pris de tremblements. L’orgasme lui déchira le bas-ventre et les reins. Il jouit longuement sur le ventre blanc, imberbe et sans vie du garçon. Il se releva, ramassa une serviette de toilette au pied du lit et s’essuya. Il s’aperçut tout de suite du changement opéré en lui. Sa migraine avait disparu et il avait le sentiment d’avoir retrouvé la maîtrise de son corps et de ses esprits. Il devait maintenant quitter rapidement les lieux.
Rhabillé, il se dirigea vers la porte d’entrée. Il se retourna une dernière fois. Il vit le garçon le coussin toujours sur sa tête, étendu les bras et les jambes en croix, le ventre souillé de son sperme. Il ouvrit la porte, sortit et la referma doucement derrière lui. Au même moment la porte d’en face sur le palier s’entrouvrit. Une vieille dame aux cheveux blancs passa la tête :’’J’ai entendu du bruit chez monsieur Kevin. Tout va bien ?’’ Christian descendit rapidement les escaliers. Il se retrouva rue Pavée qu’il suivit jusqu’à la rue Saint Antoine et la station de métro Saint Paul le Marais. Tout avait commencé là et tout finissait là. Il monta dans la troisième voiture de la rame et s’assit à sa place habituelle à droite sur le strapontin. Il s’aperçut qu’il avait oublié dans le studio son Libé et Les Echos. C’est à ce moment-là qu’il se rendit compte, avec un frisson glacé dans le dos, qu’il avait également laissé sa montre avec sa dédicace, sur la tablette du lavabo.

lundi 15 octobre 2018

Parisian psycho I

Je voulais savoir si je pouvais écrire une scène de 

sexe et une scène de meurtre...



Lundi matin. 7h30. Métro Bastille. Ligne n°1. Château de Vincennes-la Défense. Quai aérien, là où le métro sort de terre venant de la Gare de Lyon pour replonger immédiatement vers St Paul le Marais. Il est là comme tous les matins, à l’emplacement de la troisième voiture pour être directement face à la bonne sortie à Esplanade de la Défense où il travaille pour une banque d’affaires. 32 ans, il n’est pas très grand, mais on devine un corps robuste modelé par la pratique régulière du squash et la fréquentation des salles de gymnastique. Le cheveu très noir et dru, sa peau mate font ressortir les yeux bleus qu’il tient de sa mère et quand il laisse le col de sa chemise ouvert la petite touffe de poils noirs qui démarre à la base du cou ne laisse aucun doute, pense-t-il sur sa virilité. Il a l’allure parfaite du yuppie. Costume sombre, mocassins noirs, chemise blanche poignets mousquetaire, serviette en cuir un peu déformée, elle lui vient de son père, une montre de prix au poignet, mais il est plutôt Piaget que Rolex, légèrement vulgaire à son goût. Les seules notes de fantaisie, de couleur, sont ses cravates, offertes par sa femme pour son anniversaire et Noël. C’est devenu comme un jeu. Il est curieux à chaque fois de ce qu’elle osera pour lui… Il est marié depuis 5 ans. Il aime sa femme raisonnablement et ne l’a jamais trompée. Elle est belle, élégante, intelligente, du même milieu que lui. Ils ont un petit garçon adorable de 5 ans, ils habitent boulevard Henri IV, un grand appartement au dernier étage d’un immeuble donnant sur la place de la Bastille et le port de l’Arsenal. Ils passent l’été dans une propriété dans le Lubéron qu’elle tient de ses parents. Aux yeux de sa famille et de ses amis, il ne lui manque rien pour être heureux.
La rame entre dans la station. Il monta dans le troisième wagon. A cette heure-là ce n’était pas encore la cohue et il put s’asseoir sur le strapontin directement à droite ! Il ouvrit Libé. Les Echos ce serait pour le bureau. A la station suivante, St Paul le Marais, les gens qui montaient l’obligèrent à se lever. Il replia son journal en quatre pour continuer à lire. En tournant la tête, il fût arrêté par un regard posé sur lui fixement, à la fois intense et étrangement vide. Il ressentit un léger choc à l’estomac. C’était un jeune homme d’environ 20 ans. Il ne voyait de lui qu’un visage allongé, une tignasse blonde, un sweat avec une capuche et ces yeux verts, si verts. Il détourna le regard. Station Hôtel de Ville. Le mouvement des passagers l’obligea à se reculer un peu vers le centre de la plate-forme. Il s’accrocha à la barre métallique verticale. Il avait bousculé plusieurs voyageurs et en se retournant pour s’excuser il vit le regard vert posé sur lui. ‘’Excusez-moi’’. Le jeune homme lui répondit par un petit sourire qu’il trouva un peu équivoque et posa sa main sur le montant métallique, juste au-dessus de la sienne. Il en fut énervé, regarda fixement la porte devant lui et resta immobile jusqu’à la station suivante. Louvre. Il profita du va et vient pour lâcher le montant et s’écarter un peu. Il pût se replonger dans son journal. Louvre-Rivoli. Le flux des voyageurs ramena le garçon au sweat juste derrière lui. Le démarrage un peu brusque de la rame le déséquilibra et l’obligea à faire un pas en arrière. Il ne s’excusa pas mais il vit dans le reflet de la vitre le visage du garçon qui avait un grand sourire. ‘’Le petit con…’’. Tuileries. On lui tapota légèrement sur l’épaule. C’était le sweat. ’’Excusez-moi, je descends ici’’. Il se glissa entre lui et un autre voyageur. Pendant une seconde ils furent collés l’un à l’autre, leurs visages à peine séparés de quelques centimètres. Il haussa les épaules et sourit d’un air de dire ‘’Désolé, je ne peux pas faire autrement’’. Puis il sortit. Mais au lieu de prendre l’escalator en face de lui, il se posta devant la voiture et le regarda fixement, sans sourire jusqu’à ce que la rame démarre. ‘’ Quel petit con. Il me drague ou quoi ? Il se prend pour qui ?’’ Il était furieux et gêné. Il regarda autour de lui. Il lui semblait que tout le monde dans le wagon s’était rendu compte de son manège. A Concorde, il avait décidé de ne plus y penser. Et il n’y pensât plus. Jusqu’au soir où il reprit le métro en sens inverse. Il ne pût s’empêcher de regarder les passagers qui montaient à Tuileries et descendaient à Saint Paul le Marais. Mais que lui avait-il pris à ce gamin, il devait avoir à peine 20 ans ! Ce devait être un pédé. Ça ne le dérangeait pas plus que ça ! C’était pas ce qui manquait dans le quartier Bastille-Marais. ‘’Mais pourquoi moi ?’’ se dit-il. ‘’Il a quand même pas cru que moi….’’ Ça ne lui avait jamais traversé l’esprit.
Ce soir, il ferait l’amour à sa femme.
Mardi matin. 7h30. Métro Bastille. Il est là comme tous les jours. Seules la chemise et la cravate ont changé. Sans vraiment s’en rendre compte, il a pris un soin particulier dans le choix de sa cravate. Celle qui lui semblait la plus décalée avec son costume, la plus ‘’fun’’. Son Libé et Les Echos sous le bras il monte dans la troisième voiture et s’installe à sa place habituelle, tout de suite à droite, sur le strapontin.

Il eut un petit choc à l’estomac quand, à St Paul le Marais, il vit le garçon au sweat monter dans la voiture. Cette fois il resta près de la portière, s’accrochant de la main droite à la barre, et l’obligeant, lui, à se mettre debout. Il tourna la tête vers lui, toujours ces yeux verts, si verts, et lui dit à voix basse ‘’Bonjour’’ avec un petit sourire. Il fut incapable de répondre, le visage comme statufié. Le garçon était de profil à une vingtaine de centimètres de lui. Il avait une tignasse blonde, mi-longue, bouclée qu’il devait avoir du mal à domestiquer le matin. Le sourcil était épais, d’un blond plus foncé et les cils incroyablement fournis. ’’Trop pour un homme’’ se dit-il. Le nez était un peu long avec une petite bosse au milieu et les narines fines. En dessous les lèvres étaient charnues. ‘’Trop féminin ça aussi’’. Les joues et le menton étaient lisses, vierges de tout poil. ‘’Il ne doit pas passer beaucoup de temps à se raser le matin. Et ça doit être comme ça sur tout le corps’’. Il fut brusquement gêné par cette pensée et la vision d’un corps imberbe. Pour se ressaisir il se racla la gorge et en changeant de jambe d’appui, il frôla le bras du garçon qui tourna la tête et lui adressa un grand sourire. Les deux incisives du haut se chevauchaient légèrement. ‘’Il va quand même pas croire que je l’ai fait exprès ce petit con.’’ Mais le fait est que le ‘’petit con’’ ne semblait plus lutter contre les à-coups du métro et se laissait aller contre son corps. ‘’Mais qu’est-ce qu’il fait là, je peux quand même pas lui foutre une baffe et lui demander de me laisser tranquille comme une femme qui se fait peloter les fesses !’’ Cela dura jusqu’à Tuileries. Et comme hier il resta sur le quai à le regarder partir en souriant. Ce jour-là il eut un peu de mal à évacuer cela de ses pensées ! Mais les images du matin revinrent en force dans le trajet du retour. Il décida que ce soir aussi il ferait l’amour à sa femme.

Mercredi matin. 7h30. Métro Bastille. Devant l’emplacement de la troisième voiture, il a sa tête des mauvais jours. Hier soir cela a été un fiasco. La panne ! Malgré ses efforts et les propos rassurants de sa femme. Il est effondré. C’est la première fois. A 32 ans c’est pas normal ! Il avait mal dormi ne pouvant chasser de son esprit la vision d’une tignasse blonde et d’un corps imberbe. ‘’Bon ça suffit maintenant. Je vais pas me pourrir la vie avec ces conneries. Je suis pas une midinette. Au premier geste équivoque, je lui rentre dedans ’’.

St Paul le Marais. Les portes s’ouvrent. Personne, il n’est pas là. Et loin d’être rassuré, il est tout décontenancé. Toute son agressivité est tombée. Les portes se referment et il le voit qui arrive en courant et lui faire un sourire triste en haussant les épaules et en écartant les bras. Il reste tout penaud contre son strapontin. Et il se rend compte brusquement que ce petit parcours raté de trois stations de métro va lui pourrir sa journée.. Et soudain, il se fige, incrédule, tétanisé. Il bande. Il bande comme ça, pour trois fois rien. Juste pour un petit mec à la tignasse blonde et aux yeux verts qui a raté son métro ! Il sait qu’il ne pensera qu’à ça toute la journée.

Jeudi matin. 7h30. Métro Bastille. Il n’a pas fermé l’œil de la nuit. Il a une boule au creux de l’estomac. Il regarde sa montre pour être sûr que c’est la bonne rame et il s’installe contre son strapontin relevé. La rame plonge dans le tunnel. St Paul le Marais. Il est là, tout sourire. Il bouscule deux personnes pour s’installer à son côté. ‘’Bonjour’’. Il réussit à articuler : ‘’Bonjour’’. ‘’Désolé pour hier. J’ai pas couru assez vite’’. ‘’C’est pas grave’’. ‘’Tu m’as manqué’’. Il déglutit et réussit à dire : ‘’Vous aussi’’. C’est alors qu’il sent la main du garçon caresser la sienne. Il est tout surpris de ne pas retirer sa main. Au contraire il lui rend cette caresse. Tout va alors très vite. Hôtel de Ville. Les portes s’ouvrent. Le garçon le prend par le bras et lui dit : ‘’Viens, on descend’’. 20 secondes plus tard le train repart et ils restent sur le quai. ‘’Moi c’est Kevin’’, ‘’Christian’’. ‘’Je suis content. Viens’’. Il le prend par le coude et Christian, sans volonté se laisse entraîner vers la sortie.
‘’ Je bosse à l’Inter-Continental, rue de Castiglione. Je suis off aujourd’hui. Mais je me suis levé quand même. Je ne voulais pas te louper une deuxième fois. Et toi ?’’ Ils étaient sur le trottoir en face du BHV. Christian se demandait ce qu’il faisait là, à cette heure-là, sur le pavé de Paris. ‘’ Je travaille à la Défense’’. Il avait répondu sans réfléchir. Il avait le sentiment de ne plus s’appartenir totalement. ‘’Cool. Ça se voit. T’as vraiment l’air d’un cadre sup’’. Un long silence suivit. Christian était incapable de dire quelque chose. ‘’ Tu sais, relança le garçon, c’est pas trop mon truc de draguer les mecs comme ça. Mais là ça a été plus fort que moi et puis j’ai senti que t’étais réceptif’’. Il lui lança un clin d’œil. ‘’ Je ne sais pas. Ce genre de chose ne m’arrive pas souvent. C’est même la première fois.’’ ‘’ T’es pas gay ?’’ ‘’Non !’’ Le garçon écarquilla ses yeux verts et eut un large sourire. ‘’Wouahh. Quel pied ! Un bel hétéro puceau avec les hommes…T’es un rêve de gay tu sais ?’’ Le fait d’être considéré comme un bon coup le dégrisa brusquement. ‘’Arrête tes conneries s’il te plait’’. Le garçon fit machine arrière. ‘’ Excuse-moi. C’est pas ce que j’ai voulu dire’’. Christian eut le sentiment de reprendre la main. Il préférait ça. Le passage d’une arroseuse municipale les obligea à faire un pas de côté. ‘’ Ne restons pas là, dit le garçon. Tu veux pas venir boire un café chez moi, j’habite tout près.’’ ‘’Non. Je bosse. Je suis pas off moi.’’ ‘’ Dis leur que tu arriveras en retard’’. Dans la tête de Christian le choix fut vite fait. Dire oui l’entraînerait il ne savait pas trop où, mais il savait qu’il regretterait d’avoir dit non. Il prit son portable dans sa poche et composa un numéro. ‘’ Marie ? C’est moi. J’ai un problème. Rien de grave mais je ne serai pas au bureau ce matin. Décalez mes rendez-vous. A tout à l’heure’’ Il allait raccrocher…’’ Ah Marie. N’essayez pas de m’appeler. Je serai injoignable.’’ ‘’Eh ben voilà’’ fit le garçon. ‘’Viens’’ lui dit-il pour la seconde fois.
A suivre... demain

Prenons le temps de Trenet - Maman ne vends pas la maison

Lundi, un coup de mou !!! Un Trenet et ça repart!
Maman ne vends pas la maison
Charles et Johnny
1935

jeudi 11 octobre 2018

Les enquêtes de Sherlock Holmes - Le chien des Baskerville - III et fin


Il n’y a rien à la télé , écoutez la radio.
Les enquêtes de Sherlock Holmes
Le chien des Baskerville épisode 3
RTF le 16 novembre 1959

mercredi 10 octobre 2018

Les enquêtes de Sherlock Holmes - Le chien desBaskerville - II


Il n’y a rien à la télé , écoutez la radio.
Les enquêtes de Sherlock Holmes
Le chien des Baskerville épisode2
RTF le 9 novembre 1959

mardi 9 octobre 2018

Les enquêtes de Sherlock Holmes - Le chien des Baskerville - I

Il n’y a rien à la télé , écoutez la radio.
Les enquêtes de Sherlock Holmes
Le chien des Baskerville épisode 1
RTF le 2 novembre 1959
 A demain...

lundi 8 octobre 2018

Les enquêtes de Sherlock Holmes



Certains se souviennent encore avec nostalgie des premières notes de musique à l'orgue de barbarie du générique d'une émission de radio diffusée, chaque lundi soir, sur la RTF à partir de 1958. Il s'agissait des "Enquêtes de Sherlock Holmes", ‘’mises en ondes’’ avec la même équipe qui réalisera un peu plus tard les Aventures d’Arsène Lupin
38 épisodes furent réalisés avec Maurice Teynac (puis Michel Etcheverry et Georges Descrières) dans le rôle de Sherlock Holmes, et Pierre Mondy (puis René Clermont et Pierre Destailles) dans celui du docteur Watson. Plusieurs tentatives de production d'une collection ont avorté pour des raisons de droits d'auteur, semble-t-il (un désaccord avec un ayant-droit d'un comédien assurant un petit rôle dans l'émission, aurait bloqué l'édition de l'intégralité de la série).
Unique rescapée de ce blocage, la seule aventure diffusée en 3 épisodes, la plus célèbre des enquêtes de Sherlock Holmes, ‘’Le chien des Baskerville’’.
Donc à partir de demain départ pour le Devonshire, pour Dartmoor plus précieusement, une région de brouillard et de tourbières meurtrières, hantée par un chien monstrueux crachant le feu, de légendes mystérieuses, de vengeance passant les siècles…
Une fois encore s’il n’y a rien à la téle, redevenez de ‘’chers auditeurs’’

Prenons le temps de Trenet - J'ai mordu dans le fruit

Lundi, un coup de mou !!! Un Trenet et ça repart!
J'ai mordu dans le fruit...


dimanche 7 octobre 2018

Une (més)aventure de Sherlock Holmes 3 Suite et fin

L'affaire résolue, Holmes n'était pas sorti de ses affres. Le poison de la passion continuait de lui brûler l’âme, le cœur et les reins. Il n’avait pas supporté de voir Gabrielle Valladon emmenée à la prison d’Inverness entre deux gendarmes. Cependant l’affaire était d’importance, car Mycroft Holmes, ‘’missus dominicus’’ du Premier Ministre Robert Gascoyne-Cecil, était venu pour en suivre les développements. Bien sûr il rencontra son frère. Que se sont-ils dit ? Nul ne le sait, mais l’explication fut orageuse. Au bout de deux heures, Mycroft sortit violemment de la pièce apparemment fort mécontent. Holmes lui semblait épuisé, la mine plus défaite que jamais. De quel argument avait-il usé, quel moyen de pression possédait-il, quel chantage avait-il utilisé ? Je l’ignore. Mais le fait est qu’au bout de ces deux heures, Gabrielle Valladon était libre avec pour seule obligation de quitter le territoire dans les 48 heures et de n’y plus jamais remettre les pieds. Holmes tint à lui annoncer lui-même la nouvelle. L’entretien ne dura qu’un quart d’heure, mais il en sortit bouleversé. Si cela n’avait pas été Holmes, j’aurais juré qu’il avait pleuré. Le soir même Gabrielle Valladon quittait le Drumossie Hôtel. Du balcon de sa chambre Holmes regardait la calèche s’éloigner en remontant la grande allée du parc de l’hôtel. Son visage tendu vers l’avant, ses mains serraient la balustrade à s’en blanchir les jointures. Soudain, comme un point lumineux l’ombrelle blanche de Gabrielle s’ouvrit et se ferma à intervalles calculés. Mon passé militaire m’avait initié au morse. Je pus comprendre le message. Il tenait en trois mots :’’ Serez-vous là ?’’.
N’ayant plus rien à faire à Inverness, nous rentrâmes à Londres. Holmes faisait semblant de reprendre le cours normal de ses activités. Mais je n’étais pas dupe. Quelque chose s’était brisé en lui.
Une semaine plus tard il reçut une lettre. Il la lut, impassible, et la jeta dans le feu de la cheminée. Se levant de son fauteuil, il me dit :
‘’Watson, je pars’’.
‘’Comment ça vous partez. Et pour où ?
‘’Je ne sais pas encore. Probablement en Europe.’’
‘’Et pour combien de temps ? Donnerez-vous de vos nouvelles ?’’
‘’Je pars pour 6 mois, 8 mois, un an. On verra. Vous n’aurez pas de mes nouvelles directement, mais lisez les pages ‘’culture’’ du Times vous verrez l’annonce des concerts que donnera un nouveau violoniste de talent’’.
Et Holmes disparut pendant huit mois. Je suivis en effet le parcours de ce nouveau violoniste, de grand talent à en croire les critiques. Paris, Madrid, Rome, Naples, Athènes, Istanbul, Moscou, Prague, Vienne… Et tout s’arrêta à Baden-Baden. Le violoniste disparut aussi vite qu’il était apparu, et Holmes rentra à Londres au bout de huit mois. Pas en meilleur état que lors de son départ. Peu à peu je lui arrachai des bribes de confidences. Il était bien parti avec Gabrielle Valladon. Leur périple avait été émaillé de disputes et de réconciliations de plus en plus violentes jusqu’à Baden-Baden. Là, elle l’avait ‘’plaqué’’, il utilisait le mot en français, en quelques secondes pour un prince austro-hongrois ou moldo-valaque il ne savait plus. Il en avait bien entendu beaucoup souffert, mais il m’assura qu’il entrait dorénavant en convalescence. Ce fut le cas, et quelques-unes de ses plus célèbres enquêtes datent de cette époque-là.
Trois ans après cet épisode malheureux, il y a donc à peu près deux ans, nous reçûmes la visite d’un important personnage, le Maharadjah de Jalipour. Personnage très en vue de la société londonienne. Il voulait qu’Holmes retrouve les bijoux qui lui avaient été volés dans le coffre de son hôtel particulier de Bayswater. De nombreux joyaux d’exceptionnelle qualité, dont le fabuleux rubis gros comme une poire, ‘’La larme sanglante de Jalipour’’ surnommé ainsi à cause de la succession de drames qui jalonnaient son histoire. L’affaire semblait assez simple, le trésor ayant disparu en même temps que la maîtresse du maharadjah, une certaine comtesse Irène de Kesselback. Le maharadjah souhaitait bien sûr que l’on retrouve sa cassette, mais aussi que l’on punisse la voleuse et qu’on la brûle dans un sari de coton non écru. Le tout pour des honoraires dont je tairai le montant, mais qui étaient à la mesure de la fortune du volé. Holmes accepta les honoraires mais fit valoir qu’en Angleterre depuis longtemps on ne brûlait plus personne sur la place publique.
Il ne lui fallut que deux jours pour découvrir sous le nom d’Irène de Kesselback, Gabrielle Valladon et trois pour la retrouver à la ‘’Shakespeare Inn’’ de Stradford upon Avon. Le malheur voulut qu’il passât la nuit avec elle dans la chambre ‘’Lady Macbeth’’ qu’elle occupait. Et que le sortilège opérât encore. Au petit matin elle avait obtenu un nouveau visa de sortie, un dédommagement du montant des honoraires d’Holmes et en petit cadeau un diamant de la taille d’une cerise. Holmes, une fois de plus se chargea d’étouffer l’affaire auprès des autorités et du maharadjah.
Comme dans certaines maladies, la rechute fut plus grave que la première attaque de la maladie. Mais cette fois ci je pris les choses en mains. Je cachai sa boite de seringues et son maudit flacon de solution à 7% et le soignai avec des méthodes plus traditionnelles. Sa robuste constitution, le travail, mes soins amicaux et la bienveillante attention de Mme Hudson, le remirent peu à peu sur pieds. Jusqu’à ce jour où il m’annonçait le retour de Gabrielle Valladon.
‘’Comment l’avez-vous appris ?’’
Et il me raconta cette nouvelle histoire d’une voix lasse :
‘’Il y a cinq jours, le journal annonçait l’arrestation à Brighton alors qu’elle allait s’embarquer sur un voilier à destination de la France d’une certaine Madeline Smith, alias Irène de Kesselback, une aventurière interdite de séjour en Angleterre. Je télégraphiai au constable de Brighton, que je connais par ailleurs, pour avoir un supplément d’informations. Ce n’était qu’une simple arrestation à la suite d’une enquête pour une banale affaire de grivèlerie. L’importance de la prise n’apparut qu’après l’arrestation. En votre absence et sans votre aide, mon cher Watson, je fus repris par mes vieux démons et je sombrai à nouveau dans l’état que vous constatez aujourd’hui. Et le pire est arrivé à midi. Un télégramme de Brighton m’a annoncé l’évasion rocambolesque ce matin de Gabrielle, après qu’elle eût séduit et soudoyé son gardien. On a perdu sa trace à la gare de Brighton. Elle arrive Watson. Que voulez-vous qu’elle fasse d’autre ? Elle est aux abois. Elle n’a plus que moi pour la sauver encore une fois. Ne m’abandonnez pas mon ami. Elle est en route. Elle a pris le train pour Londres à 15h37. Le trajet est de 2H10. Cela nous fait donc 17H47. Dix minutes pour trouver un cab. 17H57. A cette heure-ci il faut compter 20 minutes de trajet entre la gare et Baker Street. Cela nous amène à 18H17. Quelle heure est-il Watson ?’’
Je regardai la pendule, vérifiai avec ma montre. ‘’18H15’’ dis-je.
Quelques secondes plus tard nous entendîmes une voiture s’arrêter devant la maison. Nous nous précipitâmes à la fenêtre juste à temps pour voir une femme vêtue de noir le visage caché par une voilette sortir du cab et monter les deux marches du perron. Le grelot de la sonnette retentît dans la maison. Holmes arrangea au mieux sa robe de chambre, mit ses pieds nus dans ses chaussons, passa sa main dans ses cheveux, s’assit, raide, dans son fauteuil. ‘’Quoiqu’il arrive Watson, ne me quittez pas.’’ Et nous attendîmes. Une minute, deux minutes. Rien. Holmes me regarda d’un œil interrogatif. Puis il se le va brusquement, ouvrit la porte et cria :’’ Mme Hudson… Hudson !’’. Mme Hudson arriva en trottinant comme à son habitude. ‘’Oui, M. Holmes.’’
‘’Eh bien Mme Hudson, qu’est-ce que vous attendez ? Faites entrer.’’
‘’Qui donc M. Holmes ?’’
‘’Mais la personne qui vient de sonner’’.
‘’C’est une visite pour moi. C’est une vieille amie de passage à Londres qui est venue me voir.’’
Sur ce, elle tourna les talons et repartit en trottinant. Homes referma la porte. C’était comme si il avait reçu une gifle. En un instant son aspect physique changea. Les muscles de son corps et de son visage reprirent leur forme habituelle. Il se dirigea vers sa chambre, se retourna vers moi et me dit d’un ton sec :’’ Et Watson, pas un mot de tout cela ! A qui que ce soit’’.
Un mois plus tard un entrefilet dans le Times annonçait le départ de Southampton pour Rio de Janeiro du S/S Amazonia avec à son bord don Luis Peña, le roi du café brésilien et de sa nouvelle épouse française née Gabrielle de Plessis-Brissac. Holmes jeta le journal à terre.
‘’A personne Watson, à personne ! Effacez tout ça de votre mémoire et de vos carnets’’ !

samedi 6 octobre 2018

Une (mes)aventure de Sherlock Holmes - 2


Il faut, ici, faire un sort à toutes les rumeurs qui ont pu courir sur le type de rapports que nous aurions pu avoir Sherlock et moi. Rien n’a jamais pu être prouvé. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, jusqu’à ce médecin viennois qu’Holmes était allé consulter. En ce qui me concerne j’ai toujours refusé de m’allonger sur un divan et même de m’asseoir sur une chaise en présence de ce charlatan. Durant les années où j’ai servi l’Empire britannique en Inde ou en Afrique du Sud, j’ai eu mon compte de relations avec des femmes de plus ou moins grande qualité. J’ai d’ailleurs remarqué que la qualité de ces rapports était inversement proportionnelle avec la qualité de ces dames. Mais pour tout dire je dois avouer que cela n’a jamais été mon activité favorite. Jusqu’au jour où, pendant des ébats, j’ai surpris mon reflet dans un miroir. Je me suis trouvé tellement ridicule que j’ai pris une décision immédiate. Je me suis retiré, je me suis rhabillé, j’ai présenté mes excuses et mes hommages à la dame et je suis parti sans me retourner. Un an après je quittais l’armée et rentrais à Londres. Six mois après je rencontrais Holmes. Et toutes ces fadaises ne m’ont plus jamais travaillé ni l’esprit, ni le corps.
Pour ce qui est d’Holmes, près de quinze années de vie près de lui ne m’ont rien appris de sa vie privée. Je ne lui ai connu ni passion, ni flirt, ni même, en dehors de ses enquêtes, inclination un peu marquée pour le beau sexe. Il semblait leur préférer sa cohorte de jeunes voyous qui lui servaient d’indicateurs. Aux soirées mondaines et aux parquets de danse, il préférait les salles de gymnastique de l’East End où il perfectionnait sa technique de la boxe anglaise, de la savate, de l’épée et du bâton. Jusqu’au jour où il fit la rencontre de Gabrielle Valladon.
C’était un soir de juin, il y a six ou sept ans. Deux policemen nous amenèrent une jeune femme qu’ils venaient de repêcher dans la Tamise. Elle semblait amnésique et ne cessait de répéter : ‘’Holmes, Baker Street…’’ Compte tenu de la réputation de mon ami, ils l’avaient directement conduite chez nous. Malgré son apparence de chat mouillé, ses cheveux blonds collés sur son front et sa robe de quatre sous, je fus frappé par sa remarquable beauté. De son côté Holmes la dévisageait d’un air que je lui avais rarement vu ! Et chose extraordinaire, il demanda à Madame Hudson de préparer du thé, des scones, la chambre d’ami du deuxième étage et d’aller faire chercher des vêtements secs pour la jeune femme. Peu à peu le mémoire de celle-ci lui revint. Elle s’appelait Gabrielle Valladon. Elle était partie en vacances en Ecosse avec son mari. Celui-ci avait disparu lors d’une promenade qu’il avait faite seul sur les bords du Loch Ness. Il avait avec lui tous leurs papiers et leur argent. Seule et désemparée elle s’était adressée à la police locale qui l’avait rapatriée vers Londres où elle disait vouloir rencontrer le célèbre détective privé Sherlock Holmes. Et puis elle s’était retrouvée sur ce pont sur la Tamise, puis dans l’eau. S’y était-elle jetée d’elle-même ? L’y avait-on poussée ? Elle l’ignorait. Dans son fauteuil Holmes fixait la jeune femme avec un regard d’une incroyable intensité. Il était absolument immobile. Le seul mouvement visible était celui de ses joues aspirant et refoulant la fumée de sa pipe. Mais moi qui le connaissais bien j’avais deviné que son esprit et son âme étaient la proie d’une formidable excitation. Cela se voyait à la légère teinte rosée qui était apparue sur ses pommettes. Ce n’est qu’après que le thé eut été servi et que madame Valladon eut enfilé des vêtements secs qu’il dit :
‘’Vous allez rester ici. Un dîner vous sera servi dans votre chambre à 19h30. Nous reparlerons de tout cela demain après une bonne nuit de repos.’’
Dès que madame Valladon se fut retirée, après nous avoir chaleureusement remerciés et avoir voulu embrasser la main de Holmes qu’il retira brusquement comme sous l’effet d’une brûlure, l’agitation se mit à regagner les membres de mon ami. D’un bond il fut sur pied et ordonna :
‘’Watson, allez me chercher ‘’l’Inverness Courier’’ d’aujourd’hui et de chaque jour de la semaine dernière. Je veux savoir ce qu’ils disent de cette disparition sur le Loch Ness’’.
Une heure après, ses journaux sous le bras, Holmes s’enferma dans son bureau. Je ne devais le revoir que le lendemain quand il confirma à madame Valladon qu’il allait s’occuper de cette affaire. Mais madame Valladon ne devait pas être une personne tout à fait anodine car le lendemain Mycroft Holmes, frère de Sherlock, fit le déplacement de son club de Pall Mall Street, ‘’le Diogène’’ à Baker Street. Evènement aussi extravagant que si une femme s’était avisée d’aller prendre un petit verre de Xeres dans les salons du ‘’Diogène Club’’ ! Mycroft, qui occupait des fonctions mal définies au sein du gouvernement de sa Majesté, était venu ‘’recommander’’ à son frère de ne pas se mêler de cette affaire. Vous devinez qu’il n’en fallait pas plus pour piquer la curiosité d’Holmes et le conforter dans sa volonté d’aller plus loin. Et il est en effet allé très loin puisque cette enquête l’a amené à croiser Nessie, le montre du Loch Ness, des nains, de mystérieux oiseaux morts, la reine Victoria elle-même et approcher un secret d’état qui devait assurer pour des décennies la maîtrise des mers à la Royal Navy. Maîtrise qui était l’obsession de leurs gracieuses Majestés depuis la grande frayeur qu’elles avaient eue de l’Invincible Armada. Mais ce secret était convoité par le Kaiser qui dans ce domaine ne s’embarrassait pas de relations de cousinage avec la couronne britannique. Et pour arriver à ses fins il avait choisi une intrigante, une aventurière de haut vol, Gabrielle Valladon.
Pour Holmes le choc fut terrible. J’avais vu son attitude évoluer à l’égard de Gabrielle. A son contact il s’était presque humanisé dans la mesure où il laissait ses sentiments affleurer. Toujours aussi rigoureux et rationnel dans son travail d’enquête il s’accordait des moments de détente. Je l’ai même entendu rire à des traits de Gabrielle. Pour la première fois je le voyais heureux. A l’évidence il était amoureux. Etait-il payé de retour ? Je l’ignore. Une fin d’après- midi je les ai surpris assis sur un banc de pierre dans les bosquets du jardin du Drumossie Hôtel d’Inverness où nous séjournions. La vue sur le Loch était magnifique et romantique à souhait. Je me suis retiré discrètement. Que s’est-il passé dans ce bosquet ? Nous ne le saurons jamais ; pas plus que nous ne saurons ce qui s’est passé entre Marie-Antoinette et Axel de Fersen dans les bosquets de Trianon. La déception et le désarroi furent cruels pour Holmes quand il découvrit la vérité. Il en conçût une triple blessure. Que l’on ait pu s’attaquer aux intérêts et à la sécurité du royaume par un acte d’espionnage le touchait dans l’amour qu’il portait à la couronne et le respect qu’il avait pour sa souveraine. Blessure sentimentale et affective d’avoir été trahi par une femme à laquelle il avait porté plus d’attention qu’à aucune autre auparavant. Et enfin, peut-être la plus douloureuse, une blessure d’amour propre. Son orgueil avait été bafoué. Lui, Sherlock Holmes, que l’on disait être la plus belle intelligence de l’empire britannique avait été manipulé. Et par une femme ! Il ne pourrait ni oublier ni pardonner.
A suivre ... demain

vendredi 5 octobre 2018

Les jeux de l'été - Quizz - Ecrivains réalisateurs

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A la manière de...Une (més)aventure de Sherlock Holmes -1

Je rentrais d’un petit déplacement de cinq jours dans le Pays de Galles, à Penarth dans le comté de Glamorgan, auprès d’une de mes cousines, Elizabeth, qui mariait sa fille Anne, accessoirement ma filleule. Anne est une belle fille qui va gaillardement sur ses 35 ans ! Probablement vierge et incontestablement rousse, elle a épousé Mortimer, un policeman d’environ 50 ans veuf et père de trois enfants, dont deux vivaient encore chez lui. Ce mariage avait fait la joie de tout le monde. De Mortimer d’abord qui avait trouvé une compagne de robuste constitution qui lui tiendrait sa maison, ferait la cuisine, repasserait ses chemises et s’occuperait, autant que de besoin, de ses enfants. D’Anne ensuite qui allait connaître enfin les joies et les plaisirs, du moins l’espérait-elle, de l’hymen, de la vie conjugale et des enfants sans les douleurs de l’enfantement. La joie d’Elizabeth enfin de voir sa fille casée. Car Anne, malgré son grand cœur et ses bons sentiments, avait quand même une allure un peu chevaline et des gestes brusques propres à refroidir tout autre qu’un policeman qui en avait vu d’autres ! Le mariage avait été arrosé de bonnes pintes de bière galloise, pour les proches d’un magnifique welsh whisky ‘’Penderyn’’ et bien sûr de cette pluie fine qui rend la campagne si verte et les terres si grasses. Ce petit crachin m’avait accompagné tout le long du voyage de retour jusqu’à Victoria Station et il tombait encore quand le cab me déposa devant le 221b Baker Street. Avant de sonner à la porte je jetai machinalement un coup d’œil aux fenêtres du premier étage, juste le temps d’entr’ apercevoir derrière le rideau légèrement écarté la silhouette de mon ami. Il fit immédiatement un pas en arrière laissant retomber le fin voilage. Madame Hudson vint m’ouvrir au bout de quelques secondes.
‘’ Ah, Docteur Watson ! Quel plaisir de vous revoir. J’attendais votre retour avec impatience.’’
‘’Que se passe-t-il donc ?’’ demandai-je avec un petit sourire.
‘’C’est lui, là-haut. Je ne m’y ferai jamais. Quand il est dans cet état, il me fait peur. Il n’est pas sorti de chez lui depuis votre départ. Sa porte est fermée à clé. Il refuse toute nourriture. Même les petits scones que je lui prépare et qu’il aime tant avec son thé. Le thé est la seule chose qu’il accepte. Je dépose le plateau devant sa porte. Il le remet dehors quand la théière est vide. Et quand il en veut encore, de la cuisine je l’entends hurler :’’ Mme Hudson ! Du thé !’’ C’est peut-être un grand homme, mais il me rendra folle’’
Je lui tapotai doucement l’épaule pour la calmer.
‘’Par contre, il fume ! Cinq jours sans aérer… ça doit être irrespirable. Je sens l’odeur de tabac quand je me baisse pour glisser son courrier sous la porte ! Et puis ce morceau de violon qu’il joue tous les soirs à la tombée de la nuit. Vous savez celui qui est si beau et si triste…’’
‘’La méditation de Thaïs ?’’
‘’Oui, c’est ça ! A chaque fois ça me fait pleurer. Comme il doit être malheureux.’’
‘’Calmez-vous Mme Hudson. Je suis là, tout va s’arranger. Allez donc nous préparer un thé avec quelques scones s’il vous en reste.’’
Et Mme Hudson s’éloigna visiblement soulagée de retourner à des tâches qui entraient mieux dans ses responsabilités.
Je montai l’escalier et laissai mon bagage sur le palier. Mais avant de toucher à la poignée de la porte j’entendis une voix étouffée mais calme dire : ‘’Watson, entrez, c’est ouvert.’’
L’atmosphère était en effet irrespirable. Le fauteuil à oreillettes dans lequel était assis mon ami, face à la fenêtre et dos à la porte, disparaissait presque dans un nuage de fumée. Le tabac que fumait Holmes d’habitude avait une odeur plutôt agréable. Mais là il vous agressait la gorge, le nez et les yeux. Je me débarrassai rapidement de mon manteau et m’approchai de la grande fenêtre.
‘’Holmes, vous ne pouvez pas rester comme ça. Vous allez mourir étouffé. Laissez-moi ouvrir la fenêtre.’’
Puis je me retournai vers mon ami. Il était assis, légèrement affaissé. Ses bras reposaient sur les accoudoirs, de sa main droite il tenait sa pipe fumante. Son visage était gris, encore plus émacié qu’à l’accoutumée, ses yeux étaient injectés de sang et son regard fixe, aux pupilles dilatées, était fixé sur moi sans me voir ! Sa mise était négligée, une robe de chambre mal fermée sur un pyjama débraillé. La manche gauche de la robe de chambre était remontée jusqu’au coude. A droite du fauteuil sur un petit guéridon victorien en bois, un verre, quelques morceaux de coton et une longue boite en fer blanc que je ne connaissais que trop bien. Je jetai rapidement un coup d’œil sur le haut de la bibliothèque où il mettait son flacon de solution à 7%. Il n’y était pas. Un regard circulaire me le fit découvrir sur le tapis à côté des pieds, nus, de mon ami. Cette nudité me procura un choc que je ne saurais décrire. Elle me parût de la plus haute indécence et me révéla l’abime de déchéance dans lequel il semblait être tombé. Je me penchai sur lui et mes mains sur ses épaules, je me mis à le secouer.
‘’Holmes, mon cher ami, que se passe-t-il ? Réveillez-vous, secouez-vous. Par Saint Georges dites-moi quelque chose’’.
Un cliquetis de verres entrechoqués me fit lever la tête. Madame Hudson se tenait dans l’encadrement de la porte, un plateau entre ses mains et tremblant comme une feuille.
‘’ Eh bien, Madame Hudson, vous n’allez pas vous évanouir ! Ce n’est pas le moment. Posez le plateau sur la table ! Finalement nous aurons plus besoin de café que de thé. Soyez assez gentille de nous en préparer un. Mais pas la lavasse habituelle. Un vrai, à l’italienne, un espresso. Prenez ce qu’il faut dans ma réserve personnelle. (Ma carrière militaire m’avait permis de voyager dans de nombreux pays, chacun ayant une manière particulière de préparer le café. Et le breuvage que l’on buvait dans le Royaume-Uni était celui qui de loin méritait le moins le nom de café.)
Madame Hudson mit une main sur sa bouche pour étouffer un sanglot et repartit en trottinant vers sa cuisine.
C’est alors que je sentis une main se poser sur mon avant-bras. Je baissai les yeux vers Holmes. Son regard reflétait un profond désespoir. Et il répéta tout doucement :
‘’Watson, Elle est revenue !...’’
‘’Watson, Elle est revenue !’’
‘’Mais qui donc Holmes ?’’
‘’Gabrielle Valladon !’’
Et là c’est moi qui ai eu besoin de m’asseoir. Ainsi donc pour la troisième fois elle réapparaissait dans la vie de Sherlock Holmes.
A suivre... demain...