vendredi 31 août 2018

Opéra - La démesure

Verdi – Aïda – Marche triomphale


Les Rois maudits - La reine étrangléeb- Prologue

 
PROLOGUE

 
Le 29 novembre 1314, deux heures après vêpres, vingt-quatre chevaucheurs sous la livrée de France sortaient au galop du château de Fontainebleau. La neige blanchissait les chemins de la forêt ; le ciel était plus sombre que la terre ; il faisait déjà nuit, ou plutôt, par suite d’une éclipse de soleil, il n’avait pas cessé de faire nuit depuis la veille. Les vingt-quatre chevaucheurs ne prendraient pas de repos avant le matin, et ils galoperaient encore tout le lendemain et les journées suivantes, qui vers la Flandre, qui vers l’Angoumois et la Guyenne, qui vers Dole en Comté, qui vers Rennes et Nantes, qui vers Toulouse, vers Lyon, Aigues-Mortes, réveillant sur leurs routes baillis et sénéchaux, prévôts, échevins, capitaines, pour annoncer à chaque ville ou bourgade du royaume que le roi Philippe IV le Bel était mort. Dans chaque clocher, le glas se mettrait à retentir ; une grande onde sonore, sinistre, irait s’élargissant jusqu’à ce qu’elle ait atteint toutes les frontières. Après vingt-neuf années d’un gouvernement sans faiblesse, le Roi de fer venait de trépasser, frappé au cerveau. Il avait quarante-six ans. Sa mort suivait, à moins de six mois, celle du garde des Sceaux Guillaume de Nogaret, et, à sept mois, celle du pape Clément V. Ainsi semblait se vérifier la malédiction lancée le 18 mars, du haut du bûcher, par le grand-maître des Templiers, et qui les citait tous trois à comparaître au tribunal de Dieu avant qu’un an soit écoulé. Souverain tenace, hautain, intelligent et secret, le roi Philippe avait si bien empli son règne et dominé son temps qu’on eut l’impression, ce soir-là, que le cœur du royaume s’était arrêté de battre. Mais les nations ne meurent jamais de la mort des hommes, si grands qu’ils aient été ; leur naissance et leur fin obéissent à d’autres raisons. Le nom de Philippe le Bel ne serait guère éclairé dans la nuit des siècles que par les flammes des brasiers où ce monarque jetait ses ennemis, et par le scintillement des pièces d’or qu’il faisait rogner. On oublierait vite qu’il avait muselé les puissants, maintenu la paix autant qu’il était possible, réformé les lois, bâti des forteresses afin qu’on pût semer à l’abri, unifié les provinces, convié les bourgeois à s’assembler, veillé en toutes choses à l’indépendance de la France. À peine sa main refroidie, à peine éteinte cette grande volonté, les intérêts privés, les ambitions déçues, les rancunes, les appétits d’honneurs, d’importance, de richesse, longtemps bridés ou contrariés, n’allaient pas manquer de se déchaîner. Deux groupes s’apprêtaient à se combattre sans merci pour la possession du pouvoir : d’un côté, le clan de la réaction baronniale conduit par Charles de Valois, frère de Philippe le Bel ; de l’autre le parti de la haute administration dirigé par Enguerrand de Marigny, coadjuteur du roi défunt. Pour éviter le conflit qui couvait depuis des mois, ou pour l’arbitrer, il eût fallu un souverain fort. Or le prince de vingt-cinq ans qui accédait au trône, Louis de Navarre, paraissait aussi mal doué pour régner que mal servi par la fortune. Il arrivait précédé d’une réputation de mari trompé et du triste surnom de Hutin. La vie de son épouse, Marguerite de Bourgogne, emprisonnée pour adultère, allait servir d’enjeu aux deux factions rivales. Mais les frais de la lutte seraient également supportés par ceux qui ne possédaient rien, étaient sans action sur les événements, et n’avaient même pas de rêves à faire… De plus, cet hiver de 1314-1315 s’annonçait comme un hiver de famine.


Mes cent (autres) films - 199 - La femme du boulanger


La femme du boulanger ( 1938) Marcel Pagnol
Raimu, Ginette Leclerc,

Le boulanger n'aime que faire son pain et regarder sa jolie femme. Le jour ou celle-ci s'enfuit avec un berger des environs, il n'a plus la force de faire son pain. Alors tout le village se mobilise pour retrouver la femme du boulanger.

"Ah te voila, toi ? Regarde la voila, la Pomponnette...Garce, salope, ordure, c'est maintenant que tu reviens ? Et le pauvre Pompon, dis, qui s'est fait du mauvais sang pendant trois jours!"…
Cette réplique mythique de l’éblouissant Raimu qui s'adresse à son chat, pour faire des reproches à Ginette Leclerc, outrageusement maquillée, boudeuse, qui a fugué quelques jours, est ancrée dans l'histoire du cinéma! Adaptation très libre de l'oeuvre de Jean Giono, "Jean le bleu", "La femme du boulanger" connut en 1938 un succès égal à celui de la trilogie! Tout le petit monde de Marcel Pagnol est rassemblé là: commerçant au verbe haut, soiffards impénitents, vieilles filles acariâtres, maître d’école en conflit permanent avec le curé. Ses comédiens habituels (Raimu, Charpin, Robert Vattier...) donnent vie à une galerie de personnages à la fois drôles et émouvants ! Ce chef d'oeuvre de générosité accompagne avec une verve truculente le drame du pauvre boulanger, cocu magnifique tiraillé entre l’égoïsme et la générosité, la balourdise et l’abnégation! Un must...


jeudi 30 août 2018

Les Rois maudits le retour


A partir de demain le retour des ‘’Rois maudits’’ avec le tome 2 de la saga: ‘' La Reine étranglée’’.
Dans ce tome, le temps se couvre pour Marguerite de Bourgogne dans sa cellule du Château-Gaillard. Elle refuse de signer l’acte de reconnaissance de sa vie adultère permettant ainsi l'annulation du mariage avec celui qui est devenu roi de France. Louis X veut se remarier. Il faut un pape pour casser le mariage; mais de pape il n'y en a pas... Le destin de Marguerite est scellé. 
La situation ne s’améliore guère pour Robert d’Artois malgré les bénéfices de la mort de Philippe le Bel. Sa lutte avec sa cousine Mahaut sera féroce. 
Au sommet de l'état, avec un roi faible et velléitaire, deux hommes s'affrontent pour la possession du pouvoir, Charles de Valois et Enguerrand de Marigny, au détriment du bien du royaume. 
 Le crime demeure au cœur de l’intrigue. La malédiction du Grand Maitre de l'Ordre du Temple continue de planer sur le trône de France.
Pendant ce temps le gentil et charmant Guccio va se trouver mêlé à toutes ces intrigues. De Naples, où il sera de l'ambassade auprès de la future reine de France, à Avignon où il assistera au plus près à l'élection du nouveau pape, délaissant malgré lui la douce Marie qui se languit dans son château de Cressay. Mais là aussi l'Histoire, la grande, viendra briser des destins...

Mes cent (autres) films - 198 - Les valseuses


Les Valseuses (1974) Bertrand Blier
G. Depardieu, P. Dewaere, Miou-Miou

Liés par une forte amitié, deux revoltés en cavale veulent vivre à fond leurs aventures. Cette fuite sera ponctuée de provocations et d'agressions mais également de rencontres, tendres instants de bonheur éphémères.

Bertrand Blier a son meilleur. "On n'est pas bien là ? Paisibles, à la fraîche, décontractants du gland, et on bandera quand on aura envie de bander..." Ce chef d'oeuvre, à la fois tonique et douloureux, fit l'effet d'une véritable bombe lors de sa sortie en salles. "Les valseuses" est une oeuvre provocante. Le trio d'acteur, Gérard Depadieu, Patrick Dewaere, Miou-Miou est tout simplement mythique. Trois comédiens époustouflants qui portent le film d’un bout à l’autre, sans interruption dans le rythme, sans ennui. Et quels seconds rôles... Isabelle Huppert, Brigitte Fossey ou Jeanne Moreau! Et quelques scènes inoubliables...Cultissime !!!


mercredi 29 août 2018

La Fausta IV - Fausta


En revenant dans le logis d’Antonetta, Maddalena fut transportée aux antipodes de la chambre de la comtessa. La différence lui sauta aux yeux et aux nez. Ici pas d’effluves délicates de chèvrefeuille, mais l’odeur forte, âcre de la maladie et de la misère. Pas de lit moelleux et d’édredon de plume, mais un vilain galetas et une vilaine paillasse, éclairée par deux bougies, sur laquelle Antonetta délirait les yeux révulsés. Le docteur s’approcha d’elle. Il posa sa main sur son front, releva une paupière sans rien voir d’autre que le blanc de l’œil. Il palpa délicatement son ventre et remarqua sur le matelas des traces fraîches de sang. La moue qu’il fît était explicite. Se retournant vers Madalena il lui dit :
‘’Pas bon tout ça ! Va faire chercher don Ciccio. Dans l’état où elle est, elle aura autant besoin de lui que de moi ce soir.’’
‘’Va à la cure chercher le padre, dit Maddalena à une des deux femmes en noir prostrées apeurées sur une chaise près de la cheminée. Et ramène le ici. Vite, vite !’’
La femme se leva, ouvrit la porte et se mit à descendre la ruelle en courant. On aurait dit un corbeau de mauvais augure prenant son envol.
Le docteur posa sa trousse sur la table et l’ouvrit. Il en sortit un flacon.
‘’Ton lait de pavot ne suffira pas à apaiser les souffrances qu’elle va avoir à subir’’.
Puis il aligna côte à côte quelques instruments de chirurgie en acier qui luisaient sous la lumière faible des bougies et du feu qui brûlait dans la cheminée. Deux scalpels, une paire de ciseaux, des aiguilles de taille différentes et du fil noir.
‘’Dans son état, elle ne pourra pas accompagner le travail. L’enfant ne sortira pas seul. Il faudra aller le chercher’’. Essaye de trouver du linge propre, peut-être une éponge et tiens l’eau à température’’.
‘’Sais-tu si Antonetta a encore du linge propre ici ?’’ demanda Maddalena à la deuxième femme en noir.
‘’Non tout est en sang. Mais j’en ai chez moi. Et une éponge aussi. Je vais les chercher’’.
Maddalena était à chaque fois surprise de ce que ces pauvres gens qui ignoraient ce qu’était le superflu, étaient prêts à partager leur strict nécessaire.
Elle entendit Antonetta s’agiter sur son lit. Le docteur se précipita.
‘’Maddalena apporte moi un verre d’eau avec 10 gouttes de laudanum. La fiole sur la table. Cette petite souffre !’’
Il essaya de la faire boire en lui soulevant doucement la tête. Elle avait du mal à avaler et la moitié du liquide coula sur sa joue. Mais au bout d’une minute la potion fit son effet et le corps d’Antonetta s’apaisa, le souffle devint plus régulier. Maddalena approcha une chaise et s’assit près du lit. Elle posa ses mains sur le ventre gonflé d’Antonetta à la fois pour la rassurer, transmettre un peu de sa chaleur et de sa force à ce corps épuisé et calmer l’enfant à venir. Elle resta ainsi une dizaine de minutes. Puis la porte s’ouvrit doucement. Don Ciccio fit son entrée suivit des deux femmes en noir dont l’une tenait dans ses mains un grand drap blanc et une éponge. Don Ciccio était en tenue de ‘’travail’’. Barette sur la tête, étole noire brodée de fils d’argent autour du cou et dans les mains un ciboire devant contenir le nécessaire pour administrer le sacrement des mourants. Don Ciccio connaissait Antonetta et son mari Pietro, mais ne les avait pas vus souvent à la messe du dimanche. D’un coup d’œil circulaire il inspecta la petite pièce. Il aperçut un crucifix avec son rameau d’olivier au-dessus du lit. Rassuré il fit deux pas en avant posa sa barette et le ciboire sur la table. Il eut un petit mouvement de recul quand il vit les instruments de chirurgie. Puis il alla saluer le docteur et Maddalena.
‘’Don Ciccio, merci d’être venu si vite. Antonetta va avoir autant besoin de moi que de vous. C’est très mal engagé. Nous aurons de la chance si nous sauvons l’enfant’’
‘’Désirez-vous que je lui administre les saintes huiles maintenant ?’’
‘’Faîtes, don Cicccio ! Pendant ce temps-là Madalena et moi allons nous préparer.’’
Don Ciccio remit sa barette et le vase aux saintes huiles dans les mains se rapprocha du lit et commença son office. De son côté le docteur alignait ses instruments et découpa en large bandes le drap blanc. Devant le regard désespéré de la femme en noir il lui dit :
‘’Ne t’inquiète pas ! Demain je te donnerai deux draps de lin pour celui-là.’’
Le docteur entendit s’agiter derrière lui. C’était la voix apeurée de don Ciccio.
‘’Docteur, venez vite !’’
Le docteur se précipita.
‘‘Poussez-vous don Ciccio. C’est à nous maintenant. Et priez pour elle !’’
Don Ciccio se recula vers l’âtre, prit une chaise et s’assit le dos au lit. Il ne voulait ni voir ni savoir ce qui allait se passer. Il entendit les cris de douleur monter du lit et les paroles échangées entre le docteur et Maddalena. Mais il ne voulait rien entendre non plus. Il ferma les yeux à s’en faire mal et se mit à prier très fort pour essayer de s’extraire de cette pièce. Les deux femmes en noir, affolées, se mirent à genoux à droite et à gauche de leur padre.
Combien de temps cela dura-t-il ? Don Ciccio ne le savait pas ! Ce qui l’avait sorti de son état second c’était le brusque silence qui s’était abattu dans la pièce. Un silence de vingt secondes, puis un bruit comme une petite claque. Et un son, pas un vagissement, pas un cri, une note. Un mi-bémol se dit don Ciccio qui était aussi organiste. Une note inouïe, cristalline, un pur moment de beauté après l’enfer. Il se retourna. Il vit le docteur les manches retroussées, les avants bras ensanglantés et Maddalena tenir devant elle un petit corps tout taché de sang.
‘’C’est une fille’’ dit Maddalena en riant. La vie plus forte que la mort.
‘’Je n’ai rien pu faire pour Antonetta. Vous pourrez dire la prière des morts après que je l’aie rendue présentable’’ dit le docteur.
Maddalena de son ôté s’était approchée de l’évier en pierre pour laver l’enfant. Elle la nettoya avec l'éponge plongée dans une eau tiède, faisant apparaitre une petite chevelure d'un roux flamboyant, de petites taches de rousseur sur l'arête et les ailes du nez un peu retroussé. elle ouvrit les yeux et Maddalena vit deux grands yeux verts. Du même vert que sa mère. L'iris semblait manger tout le blanc de l'œil. Maddalena, qui n'avait pas d'enfant sentit monter une boule d'amour dans sa gorge. '' Il faut sortir cette enfant de ce taudis. Lui donner une chance que n'a pas eu sa mère.'' pensa-t-elle. Une idée germa dans sa tète...
Une heure après tout semblait à peu près en ordre. Antonetta reposait sur son lit enfin apaisée, même si le docteur n’avait pu complètement effacer les traces de la douleur sur son visage. Don Ciccio avait rempli son office et le docteur avait promis cent sous à chacune des femmes en noir pour veiller la morte jusqu’à l’arrivée du ‘’beccamorto’’ le lendemain matin. Et l’enfant , propre, dormait, enroulée dans le châle de Maddalena.
‘’Comment va-t-on l’appeler ?’’ demanda-t-elle. ‘’Antonetta n’avait rien dit. Quel est le saint du jour padre ?’’
‘’Le 18 septembre dans notre région c’est la fête de la bienheureuse Fausta’’
‘’Je te baptise Fausta ma petite avant que don Ciccio le fasse dans son église.’’
Et le docteur de reprendre : ‘’Don Cicccio vous noterez dans vos registres que le 18 septembre 1830, en votre présence et celle du docteur Mancini, est née à Bergame–le-Bas de Pietro et Antonetta….(vous rajouterez le nom de famille) tous deux décédés, dont la mère ce même jour, un enfant de sexe féminin prénommée Fausta. Voilà c’est fait. Cette enfant a une identité. ‘’
Il se retourna vers Maddalena. Elle n’avait pas dit un mot depuis un bon moment et elle regardait fixement l’enfant.
‘’A quoi pensez-vous ? Bougez-vous un peu et aller demander au père Grandini de tirer du lait de sa chèvre. Il faut lui donner à manger à cette enfant maintenant qu’elle est là’’.
Le visage de Maddalena se ferma.
‘’ Fausta ne boira pas du lait de chèvre. Laissez-moi, je sais ce que je fais. Je connais là-haut une nourrice qui a les mamelles assez lourdes et assez pleines de lait pour nourrir deux bébés.’’
Et avant que quiconque ait pu réagir elle prit l’enfant dans ses bras et sortit. Une fois dehors elle regarda la colline vers Bergame le haut. La nuit avait été longue, le ciel s’était dégagé et on voyait les premières lueurs du jour poindre à l’est.
Maddalena se mit en route d’un pas décidé vers l’hôtel du comte et de la comtesse di Marzi. Elle serrait sur son cœur, comme si c’était son enfant, Fausta, la Fausta ! Elle l’emmenait vers un destin que, même dans ses rêves les plus fous, elle n’aurait pu imaginer.
L’ histoire de La Fausta de Bergame à la Fenice reste à écrire… un jour peut-être...


Mes cent (autres) films - 197 - Ivanhoé

Ivanhoé (1953) Richard Thorpe
R. Taylor, E. Taylor, J. Fontaine, G. Sanders

Parti combattre en Terre Sainte, le roi d'Angleterre, Richard Cœur de Lion, disparaît mystérieusement. Son fidèle chevalier, Ivanhoé, part alors à sa recherche et retrouve sa trace en Autriche où le souverain est retenu captif par le redoutable duc Léopold. Aidé par son allié, Robin des Bois, le courageux cavalier va tout mettre en œuvre pour libérer son roi.

Sans aucun doute l'un des plus beaux films de chevalerie! Le mythe de Richard Coeur de Lion suscita un grand nombre de films de pure aventure médiévale et légendaire dont "Ivanhoé" de Richard Thorpe, illuminé par une intrigue flamboyante et des costumes somptueux! Une osmose totale entre le cinéaste et Robert Taylor qui interprète le rôle titre avec beaucoup de panache! Deux magnifiques rôles féminins, Liz Taylor et Joan Fontaine, et notre ‘’méchant’’ préféré George Sanders ! serait de la distribution! En plus de l'action, de la romance et du suspense, le film plaide pour la tolérance religieuse! La scène du tournoi est aussi inoubliable que l'attaque du château de Torquilstone ou le combat final entre Ivanhoé et Bois-Guilbert. Une grande aventure de cape et d’épée médiévale du cinéma hollywoodien des années 50...


mardi 28 août 2018

La Fausta III - Les Marzi


Sur la Piazza Vecchia, face à l’église Santa Maria Maggiore, Maddalena frappa à l’huis de l’hôtel particulier des Marzi. Au bout d’une trentaine de secondes le concierge vint lui ouvrir. Elle pénétra dans un hall d’entrée où un valet était en train d’allumer les bougies d’un grand lustre en verre filé de Murano et de différents candélabres posés sur les guéridons. Au mur de grands miroirs démultipliaient la lumière des chandelles. A droite et à gauche, deux hautes portes desservaient le grand salon et la salle à manger. Au fond, un escalier en marbre amenait aux pièces du premier étage.
‘’Monsieur le comte est en haut dans le petit salon. Le docteur est déjà auprès de madame la comtesse. Ils vous attendent.’’
Maddalena monta rapidement la volée de marches et prit le couloir qui s’ouvrait devant elle. Dans la première pièce à gauche elle vit le comte di Marzi assis dans un fauteuil qui fumait nerveusement un cigare. C’était un homme d’une cinquantaine d’années légèrement empâté par l’âge. Mais on voyait encore qu’il avait été un bel homme. Son port de tête gardait de la noblesse. Sa chevelure grisonnante était abondante et bouclée. Sous des sourcils marqués, le regard noir et intense avait dû brûler le cœur de bien des femmes. Sous un nez légèrement aquilin, la moustache cachait le haut de la bouche mais laissait à découvert une lèvre inférieure que l’on devinait gourmande et sensuelle. Lorenzo di Marzi avait déjà été marié. Mais sa femme était morte il y a cinq ans le laissant veuf et sans enfant. Sa nature profonde, son besoin d’avoir une femme près de lui et dans son lit, la nécessité d’avoir un héritier lui firent chercher une seconde épouse. Il la trouva en la personne d’Isabella Caccavelli fille d’un roturier mais richissime propriétaire terrien à qui il ne manquait qu’un titre nobiliaire dans sa famille pour être totalement heureux. En échange de ce titre, sa fille apportait en dot un nombre conséquent d’hectares de bonne terre dans la vallée du Pô, une petite fortune en pièces d’or et une ravissante villa palladienne à Vincenza. Malgré tout cela le mariage semblait heureux et devait connaître son aboutissement dans la naissance de l’héritier tant souhaité par le comte.
‘’Ah ! Maddalena vous êtes là ! Le docteur est en face dans la chambre de la comtesse. Rejoignez le vite et venez me prévenir aussitôt que cela sera fait.’’
Traversant le couloir, Maddalena frappa doucement à la porte de la chambre. Paulina vint lui ouvrir. Elle vit le docteur penché sur le lit de la comtesse. Il se releva en l’entendant entrer.
‘’Tu arrives à temps Maddalena. La comtesse vient de perdre les eaux. Ca ne devrait plus tarder. Tout devrait bien se passer. J’ai demandé à Paulina du linge propre et de faire chauffer de l’eau. Tu étais chez Antonetta ? Comment va-t-elle ?’’
‘’ Pas bien du tout. Je suis inquiète. On va avoir besoin de vous en bas. Prenez vos outils. L’enfant se présente par le siège. Il ne passera pas sans qu’on l’aide.’’
Le docteur hocha la tête douloureusement. Maddalena regarda autour d’elle. On était à mille lieues de la misérable chambre d’Antonetta. Elle était vaste, richement meublée. Un brûle-parfum en bronze dispensait une délicate odeur de chèvrefeuille. La comtesse reposait dans un grand lit à baldaquin sous un édredon de plumes, sa tête soutenue par deux oreillers de duvet de canard. Elle était belle, mais d’une beauté un peu fade, sans beaucoup d’expression. Les émotions devaient glisser sur son visage comme l’eau sur le duvet du canard de ses oreillers. Même au moment des douleurs des contractions, les crispations de son visage auraient pu passer pour des rides de contrariété. ‘’La douleur est injuste. Elle ne frappe pas équitablement’’ se dit Maddalena. La comtesse était ronde, potelée. Mais l’œil exercé de Maddalena se rendit compte que ce n’était pas uniquement dû aux kilos de la grossesse. C’était sa nature profonde. ’’Elle aura beaucoup de mal à les perdre. Beaucoup.’’
‘’C’est pour maintenant, s’écria le docteur. Viens vite Maddalena. Paulina les linges, l’eau chaude vite.’’
Dans le petit salon le comte di Marzi entendit le vagissement de l’enfant et immédiatement un cri de femme. Il bondit sur ses pieds mais n’osa pas franchir le couloir et entrer dans la chambre. C’est Paulina qui vint le prévenir.
‘’Mes félicitations, monsieur le comte. C’est un garçon’’.
Le comte se signa rapidement.
‘’C’est ma femme que j’ai entendu crier ?’’
‘’ Oui.’’
‘’Que s’est-il passé ?’’
‘’Tout va bien monsieur le comte. On lave l’enfant et je viens vous chercher’’, dit Paulina en retournant dans la chambre.
Le comte se rassit dans son fauteuil et se mit à triturer sa moustache en l’enroulant autour de son index. Quelques minutes plus tard, Paulina revint le chercher. La première chose qu’il vit en entrant ce fut sa femme en larmes au fond de son lit. Il s’approcha d’elle.
‘’Que se passe-t-il ma chérie ?’’
Incapable de parler, elle ne put que fondre à nouveau en larmes. Le comte regarda autour de lui. Tout le monde était silencieux et gardait les yeux baissés.
‘’Où est mon fils. Montrez le moi !’’
Paulina s’approcha tenant l’enfant enroulé dans une fine couverture. Elle le tendit au comte qui le prit dans ses bras. Comme pour s’assurer qu’il s’agissait bien d’un garçon il le posa sur le lit et écarta la couverture. L’enfant qui gesticulait de ses quatre membres était bien un garçon. Mais ce que vit le père le figea sur place. Cet enfant, SON fils avait un bec-de-lièvre et un pied bot. Il se tourna vers sa femme qui s’était arrêtée de pleurer guettant sa réaction. Ils échangèrent un long regard. La comtesse plongea sa main sous son oreiller, récupéra son mouchoir de fine batiste, l’écrasa de ses deux poings sur sa bouche et son nez et se remit à sangloter. Un soupçon d’irritation passa dans le regard du comte. Paulina reprit l’enfant et voulut le poser sur la poitrine de la comtesse.
‘’Il doit avoir faim, madame.’’
La comtesse eut un brusque recul.
‘’ Non ! Non ! Je ne pourrai pas l’allaiter. Pas avec cette… ce… Je ne pourrai pas. Paulina tu devais être sa nourrice. Alors un peu plus tôt, un peu plus tard… emporte le.’’
Maddalena qui était à côté du comte le vit serrer les poings jusqu’ à en blanchir les jointures. Paulina se recula, l’enfant dans les bras. En passant près du comte il lui reprit son enfant. Il le posa doucement dans le creux de son bras gauche et avec sa main droite écarta la petite couverture. C’est alors qu’il remarqua que son enfant était beau. Il avait une peau douce et blanche comme le lait. Ses cheveux noirs comme l’ébène avaient des reflets bleus. Et son regard ! Sombre comme le sien à lui avec des paupières déjà ourlées de cils. Il caressa la joue de son fils du revers de son index. L’enfant lui sourit en le regardant et le père vit avec fierté qu’une petite dent perçait sous la gencive. Il approcha au plus près son visage de celui de son fils et lui murmura afin que nul n’entende :
‘’ Fabrizio, mon fils ! Ce sera plus dur pour toi, mais tu n’en monteras que plus haut ! Je te le promets’’
Et il le rendit à Paulina.
‘’Tu m’en réponds sur ta vie !’’
Après avoir remercié le docteur et Maddalena et embrassé sa femme sur le front, il tourna les talons et sortit.
Ce fut au tour du docteur de s’approcher du lit.
‘’Je suis triste pour vous et monsieur le comte. Mais c’est la volonté divine et il faut s’y soumettre. Don Ciccio saura trouver les mots lors de votre confession de samedi’’.
La main de la comtesse replongea sous l’oreiller pour y remettre le mouchoir de batiste et récupérer un petit chapelet de buis.
‘’Je reviendrai demain. Votre femme de chambre sait ce qu’il faut faire et a tout ce qu’il faut pour vous soulager. Mais pour l’instant je dois aller avec Maddalena retrouver Antonetta qui doit accoucher cette nuit aussi.’’
‘’La pauvre petite. Comment va-t-elle faire sans mari. Il faut que je pense à lui envoyer une ou deux pièces demain. Demandez à Giuseppe de vous atteler la carriole pour vous descendre.’’
Un quart d’heure après ils étaient en route.
‘’Quelle soirée’’ dit le docteur.
Je crains que le pire soit à venir’’ soupira Maddalena.

Mes cent (autres) films - 196 - Les aventures de Robin des Bois

Les aventures de Robin des Bois (1936) M. Curtiss
E. Flynn, O. de Haviland, B. Rathbone

Parti pour les croisades, le roi Richard Coeur-de-Lion est fait prisonnier par Léopold d'Autriche qui demande une rançon. Plutôt que de payer, le Prince Jean, frère du roi, s'installe sur le trône d'Angleterre. Robin de Locksley, archer de grande valeur, refuse de reconnaître l'usurpateur et organise dans la forêt la résistance pour sauver son roi.

Un chef d'oeuvre fabuleux et le nec plus ultra du film d'aventures d'antan! Budget colossal, technicolor merveilleux, photographie à tomber, distribution exceptionnelle, mise en scène magistrale, tout concorde à faire de "The Adventures of Robin Hood" un monument du 7ème art qui conserve encore 80 ans après toute sa magie! Pour beaucoup, cet immense classique représente la meilleure version jamais tournée de « Robin des bois » et surtout la quintessence du cinéma américain des annèes 30! Scenario simpliste mais diablement efficace et spectaculaire avec des morceaux de bravoure inoubliables: l'apparition insolente de Robin au château de Nottingham, son duel amical sur la rivière avec Petit-Jean, l'attaque du convoi de Sir Guy, le tournoi de la Flèche d'or, la bataille finale et le duel mythique entre Flynn et Rathbone! Tous sont d'admirables et fracassants moments de cinéma! De plus, c'est un classique qui fit entrer Errol Flynn dans la postérité avec un panache et une allure inégalables! Film de pure aventure peut-être considéré comme un joyau éternel du cinèma! Pour mesurer les qualités de cette version de 1938 la comparer aux versions ultérieures...


lundi 27 août 2018

Prenons le temps de Trenet - Un rien me fair chanter


Lundi, un coup de mou !!! Un Trenet et ça repart
Un rien me fait chanter
''La romance de Paris'' 1941

La Fausta II - Maddalena



Maddalena serra son foulard sur sa tête. Le temps se gâtait. L’air avait une couleur. Une couleur de nuit en plein jour. Un violet sombre, presque noir. Des nuages roulaient d’un bout à l’autre de l’horizon bousculés par un vent violent qui descendait de la montagne. On sentait l’orage proche. Déjà des éclairs blancs éclataient dans la masse nuageuse l’éclairant de l’intérieur comme en ombre chinoise. Les nuages prenaient alors une profondeur inquiétante comme s’ils avaient recouvert la terre entière. Le fracas du tonnerre arrivait encore assourdi, mais on l’entendait qui peu à peu se rapprochait. Sous cet éclairage et dans cette atmosphère, accroché au sommet de la colline, le haut Bergame avait des allures de burg germanique. Maddalena s’enroula dans son châle et pressa le pas. Il fallait qu’elle arrive avant que l’orage éclate. A peine avait-elle pensé cela, qu’un éclair blanc, métallique relia un dixième de seconde la terre aux nues. Dans le même moment un fracas brutal, propre, net, sans bavure sembla crever les nuages libérant un véritable déluge. En trente secondes la ruelle que Maddalena gravissait fut transformée en ruisseau puis en torrent. Elle était heureusement arrivée. Elle monta deux petites marches en pierre et frappa à une porte basse. La vieille femme en noir qui lui ouvrit s’effaça pour la laisser entrer. Maddalena dût se baisser pour franchir le seuil du logis. Le logis était en fait une salle commune d’une quinzaine de mètres carrés avec à main droite un petit évier en pierre, un renfoncement dans le mur avec deux étagères où étaient rangés quelques bols et assiettes en terre cuite et une cheminée dans laquelle on avait mis à chauffer un chaudron plein d’eau. Au centre de la pièce une table et trois chaises en bois. Et à main gauche un lit et une malle ! Une petite fenêtre donnait sur la ruelle et une meurtrière derrière sur les champs.
Dès son entrée Maddalena avait été saisie par l’odeur qui régnait dans la pièce. Une odeur qu’elle connaissait bien, mêlée de transpiration, de sang, de souffrance. Une odeur qu’elle ne voulait pas nommer. Par superstition. Maddalena faisait office de sage-femme et avait été appelée au chevet d’Antonetta. Elle la connaissait bien l’Antonetta. Une belle et brave fille, travailleuse, courageuse. Sa seule famille c’était son mari Pietro. Mais Pietro était mort le printemps dernier de cette saleté de malaria attrapée en travaillant sur les champs du comte di Marzi du côté de Piacenza dans la plaine du Pô. Et même enceinte, Antonetta avait continué à travailler, presque deux fois plus. Malgré les avertissements de Maddalena. Et voilà le résultat, se disait-elle. Antonetta était là, couchée sur ce lit. Presque maigre malgré son gros ventre. Exsangue à cause d’une hémorragie qu’on avait eu du mal à stopper. Des cernes noirs sous ses paupières fermées cachant des yeux verts qui avaient été lumineux. Des cheveux blond-roux sales de transpiration collés sur son front et sur l’oreiller.
Il y a trois jours Antonetta était venue la voir. Elle avait senti son enfant bouger, beaucoup. Maddalena avait palpé son ventre et avait fait une grimace ! L’enfant semblait s’être retourné. Elle avait ordonné à Antonetta de rentrer chez elle se coucher et de ne plus bouger avant l’accouchement. Ses deux voisines s’étaient proposées pour la veiller. Aujourd’hui la situation ne s’était pas améliorée. Une petite hémorragie avait pu être maitrisée par le docteur appelé en urgence. Mais la pauvre en était sortie encore plus affaiblie. Maddalena aurait bien aimé que le docteur soit là avec elle. Mais il était là-haut, dans l’hôtel particulier du comte di Marzi où la comtesse attendait aussi d’être délivrée d’une grossesse qui, elle, ne posait aucun problème. Maddalena devait d’ailleurs monter les rejoindre en sortant d’ici. Elle se résolut à confier Antonetta aux deux petites vieilles avec deux ou trois conseils.
‘’ Mettez lui régulièrement des compresses d’eau fraîche sur le front’’.
Elle sortit de son cabas une petite fiole.
‘’Donnez-lui toutes les deux heures un peu de tisane avec quatre gouttes de cette potion. C’est du lait de pavot. Mais pas plus. Ca va calmer un peu la douleur, mais elle doit rester consciente. Et si il y a quoique ce soit envoyez vite le petit Nicolo me prévenir. Mais je pense que je serai de retour avant que le travail commence. La nuit va être longue pour cette pauvre petite’’.
Elle retira son châle de devant l’âtre où elle l’avait mis à sécher et elle l’enroula autour de ses épaules. Elle revint vers le lit. Elle prit la main d’Antonetta dans la sienne.
‘’Je vais revenir bientôt avec le docteur. Ne crains rien tout va bien se passer. Essaye de dormir un peu.’’
Elle se pencha vers elle et déposa un baiser sur un front brûlant. Puis elle se dirigea vers la porte et sortit dans la ruelle. L’orage s’était calmé mais une pluie fine et drue continuait à tomber. Elle leva les yeux vers la ville là-haut, au sommet de la colline. Il lui faudrait une bonne demi-heure pour y arriver. Elle prit une grande inspiration et se mit en route.
 
A suivre demain

Mes cent (autres) films - 195 - Lola Montes

Lola Montès (1955) Max Ophüls
Martine Carol, Peter Ustinov

Anoblie par le roi de Bavière, Lola Montès était l'une des courtisanes les plus en vue de son époque. Dans ce cirque de New Orleans, sa déchéance ne lui permet d'être qu'une artiste de second plan.

Si ce très grand film baroque à l’esthétique foisonnante appartient à la légende du cinéma, c'est aussi parce qu'il se livre à une critique visionnaire du monde du spectacle! Car à travers l'histoire de Lola Montès, courtisane déchue transformée en femme objet, c'est une société voyeuriste assoiffée de scandales que dénonce déjà Max Ophüls! Totalement ‘’déglamourisée’’, mise à nu, Martine Carol, idole des années 50, s'y révèle bouleversante. Les scènes du cirque, magnifique Peter Ustinov en Mr Loyal, avec leur foisonnement et leur entassement plastique presque morbide sur fond de gouffre et de coulisses obscures, constituent le meilleur de "Lola Montès"! Une oeuvre poétique aux somptueuses couleurs.


dimanche 26 août 2018

René Gruau - Ca c'est Paris...

René Gruau (1909-2004) est un illustrateur, affichiste, peintre franco-italien célébré pour ses dessins et peintures dans les domaine de la mode et de la publicité. A quinze ans il publie ses premiers dessins de mode pour un magazine italien, Il travaillera pour des magazines allemands et anglais.
A cette époque les magazines privilégient les dessins aux photographies.
En 1930 il réalise sa première illustration pour Balmain. Il travaillera ensuite pour les plus grands noms de la couture: Balmain, Balenciaga Fath, Rochas, Givenchy, Grès, Patou… et Dior bien sûr. Ils se sont connus en 1930, jeunes illustrateurs, au Figaro. Ils ne se quitteront plus . Outre les dessins de mode, la lingerie, les gants Dior, Gruau signera toutes les publicités des parfums Dior de Miss Dior en 1947 à Jules dans les années 80.
Il reste de Gruau des dessins d’une beauté et d’une grâce infinies, l’image d’un parisianisme mondain détaché et isolent. Avec ses trois couleurs fétiches le rouge, le noir et le blanc il a contribué à la représentation et à la renommée la Parisienne ‘’chic’’.
Florilège

La Fausta - I - La Fenice


L’événement était d’importance et mettait la Sérénissime en émoi. Fausta Cavalieri, La Fausta, reprenait ce soir à la Fenice le rôle qu’elle avait marqué de son empreinte, celui de Floria Tosca. Puccini semblait l’avoir écrit pour elle. Elle était dans la vie cette diva d’opéra belle, talentueuse, capricieuse jusqu’à l’extravagance, amoureuse passionnée et possessive, excessive, jalouse prête à tout pour celui qu’elle aimait mais séductrice cruelle et sans pitié lorsqu’elle n’aimait plus. Les directeurs des plus grandes scènes lyriques lui avaient offert des ponts d’or pour qu’elle chante chez eux : la Scala, la Fenice, San Siro, l’opéra Garnier, le Bolchoï, le théâtre Marinsky, Covent Garden, le Licéò, le Met, le théâtre Colòn… et ce magnifique écrin perdu au fond de la jungle amazonienne, dont les administrateurs, ses admirateurs, lui avaient envoyé un somptueux bateau à roues pour lui faire remonter le fleuve jusqu’à Manaus.
Partout où elle passait, elle déchaînait la passion et les passions. Et pourtant elle ne possédait pas une de ces grandes voix à l’égal de la Melba, de la Patti, de la Malibran et de sa sœur Pauline Viardot. Cependant la couleur de sa voix lui avait permis de s’affirmer dans ses trois rôles fétiches Norma, Traviata et Tosca. Mais ce qui, chez elle, emportait tout c’était son tempérament, son engagement scénique, ses talents de comédienne qui faisaient qu’elle habitait ces personnages d’amoureuses tragiques et passionnées. Et sa beauté hors du commun rendait ces incarnations crédibles. On comprenait la passion qu’elle pouvait inspirer à Pollione, Alfredo, Mario ou Scarpia et celle qu’éprouvaient à son égard rois, princes, grands ducs banquiers ou chevaliers d’industrie. Grande, mince, un port de reine bien loin des canons de beauté des divas de son époque. Dans l’ovale de son visage on remarquait avant tout de grands yeux d’un vert profond, puis ses pommettes légèrement saillantes, son nez droit terminé par une petite boule qui lui donnait un petit air ‘’coquin’’. Sa bouche enfin, large épaisse avec une lèvre inférieure légèrement plus forte que la supérieure, était comme une invitation au plaisir et au péché. Le cou était un peu court, taille des cordes vocales oblige, mais ouvrait sur un décolleté somptueux fait pour les parures et les rivières de diamants et l’on voyait bien que la poitrine, fièrement portée en avant ne devait rien aux artifices des costumiers. Certains privilégiés avaient pu entr’apercevoir ses jambes longues et finement galbées dans une reprise ‘’unique’’, dans tous les sens du terme, de ‘’la Belle Hélène’’.
Mais Fausta Cavalieri c’était avant tout une invraisemblable chevelure rousse, une cascade de mèches flamboyantes. Elle en avait fait sa marque distinctive et refusait par contrat de porter une perruque en scène. Cette chevelure, indomptable comme elle, agissait sur les hommes à la manière d’’un aphrodisiaque. Et Fausta savait en user, en abuser même. Elle connaissait les hommes et leurs faiblesses et avait décidé de les utiliser à son profit. Dans son sillage les frasques succédaient aux scandales. Tel banquier qui s’était battu en duel pour elle portait sa blessure et son bras en écharpe comme la plus belle des décorations. Le duc de M… avait quitté pour elle femme et enfants, avait été exclu du Jockey Club à la suite du scandale, ruiné on l’avait retrouvé pendu sous un pont de la Seine. Le tout en moins d’un an ! Un soir au théâtre Marinsky à Saint Petersbourg, le grand-duc Wladimir, cousin du tsar, jeta sur scène à la fin de la représentation un collier de diamant. Lancé un peu fort et mal dirigé le collier érafla l’épaule de la diva faisant une égratignure d’où perla une goutte de sang. Elle ramassa le collier et le jeta dans la fosse d’orchestre et lança d’une voix de poitrine :’’ Specie di stronzo ! Non voglio d’un collana macchiato del rosso di mio sangue’’. Le scandale fut énorme. D’un, jamais on n’avait traité un grand-duc de ‘’stronzo’’ en public. Et de deux le collier avait appartenu à la grande Catherine. Le lendemain le grand-duc fut expédié en Sibérie Orientale commander une escouade de cosaques. Entre temps Fausta avait quand même envoyé sa femme de chambre récupérer le collier auprès du chef d'orchestre! Le lendemain, bonne fille, elle restituait le collier à l'émissaire du tsar contre deux fois sa valeur en francs-or...
A l'époque, les gazettes firent leurs choux gras de la rencontre explosive de Fausta Cavalieri et de Caroline Otéro dans la grande salle du casino de Monte Carlo. Assises face à face à la table de la roulette leurs amants se tenaient derrière elles : don Luis Peña, roi brésilien du café, pour Fausta et le prince Ottavio Orsini, play-boy et dilettante, pour Caroline. L’ambiance était électrique. Pas un mot ne fut échangé entre elles mais les regards étaient lourds de sous-entendus. Nul ne sait qui, la première, jeta une poignée de jetons au visage de l’autre. Mais brusquement les deux tigresses en vinrent aux mains et roulèrent par terre. Les inspecteurs des jeux eurent toutes les peines du monde à les séparer tandis que leurs chevaliers servants s’échangeaient soufflets et cartes de visite. Le duel eut lieu le lendemain matin dans le jardin exotique du Rocher. Pendant ce temps les deux femmes, qui avaient renvoyé leurs amants, prenaient un chocolat au restaurant de l’hôtel de Paris où elles logeaient. Certain groom aurait même affirmé qu’elles avaient terminé la nuit ensemble. Peut-être s’étaient-elles reconnues sur leur commun mépris des hommes. Fausta s’était retrouvée une fois sous la domination et l’emprise d’un homme et s’était juré de ne plus connaître cela. Jamais!
Malgré sa notoriété, les origines de Fausta restaient mystérieuses. On ne savait rien de sa naissance, de ses parents. La seule détentrice de tous les secrets était sa camériste Maddalena. Elle seule avait suivi Fausta Cavalieri de sa naissance à Bergame à cette soirée à la Fenice.

A suivre demain

Mes cent (autres) films - 194 - Ouragan sur le Caine

Ouragan sur le Caine (1954) Edward Dmytrick
H. Bogart, Van Johnson, F. McMurray

Le lieutenant-commandant Queeg est le capitaine du dragueur de mine "Le Caine". Il est relevé de son commandement contre son gré durant un violent typhon. Il décide alors de faire juger ses officiers pour mutinerie...

Avant d'être un classique du cinèma, "The Caine Mutiny" est un roman à succès d'Herman Wouk! Publié en 1951, il est couronné du prestigieux Prix Pulitzer! Pour s'assurer de la réussite de l'entreprise, le producteur Stanley Kramer s'adjoint les services d'un homme de confiance, Edward Dmytryk, avec qui il a déjà travaillé, et qu'il impose dès l'origine du projet! Kramer convoque également un casting de prestige! Rapidement, il obtient l'accord de Van Johnson, Fred MacMurray, José Ferrer, distribués dans les trois seconds rôles du film! A ses yeux, un seul comédien était capable de tenir le rôle du capitaine Queeg: Humphrey Bogart, arrogant et pitoyable, qui montre l’étendue de son talent dans une prestation complexe et inattendue ! Réalisé avec une certaine habileté, ce classique des années 50 vaut avant tout pour son interprétation splendide de Bogart, qui confère au personnage hanté, obsédé, tyrannique du capitaine Queeg toute la profondeur de sa vie ingrate!


samedi 25 août 2018

Flash Gordon - Les soldats de l'espace - ch13 et fin - Voyage vers la Terre



Mes cent (autres) films - 193 - La mariée était en noir

La mariée était en noir (1968) François Truffaut
Jeanne Moreau, Michel Bouquet

Le jour de son mariage, alors qu'elle sort à peine de l'église, Julie voit son mari assassiné sous ses yeux... Personne ne sait pourquoi l'homme était la cible de cette balle. La veuve va alors entreprendre un voyage pour se venger de ceux qui ont tué son mari. Elle tient une liste des cinq responsables et elle compte les éliminer un par un.

Véritable hommage au « maître du suspens », sir Alfred , François Truffaut nous offre ici un très beau polar qui, même s’il n’arrive pas à la cheville d’Hitchcock, aura le mérite de nous avoir offert un très beau film noir, avec pour thème principal : la vengeance, celle d’une femme qui, le jour de ses noces, voit son mari se faire abattre. Mise en scène relativement calme pour un film de ce genre, avec une élégante distribution (Jeanne Moreau, Michel Bouquet, Jean-Claude Brialy, Michael Lonsdale et Claude Rich) et un twist ending brillant ! On savait que Quentin Tarantino vouait une admiration pour Truffaut, on s’en rend compte rapidement quand on sait que son diptyque Kill Bill 1 & 2 possède la même trame scénaristique que ce film là !


vendredi 24 août 2018

Flash Gordon - Les soldats de l'espace - ch12 - Prisonniers de la tourelle



Mes cent (autres) films - 192 - Docteur Folamour

Docteur Folamour (1964) Stanley Kubrick
P. Sellers, G. C. Scott, S. Hayden

Le général Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d'empoisonner l'eau potable des États-Unis, lance sur l'URSS une offensive de bombardiers B-52 en ayant pris soin d'isoler la base aérienne de Burpelson du reste du monde. Pendant ce temps, Muffley, le Président des Etats-Unis, convoque l'état-major militaire dans la salle d'opérations du Pentagone et tente de rétablir la situation.

Avec "Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb", Stanley Kubrick réalise un chef d'oeuvre d'humour noir sur la bombe atomique où Peter Sellers, qui ne peut s'empêcher de faire le salut hitlérien et qui interprète plusieurs rôles, donne libre cours à une fantaisie ravageuse et lègendaire! Kubrick fait de ce film délirant une comédie noire aux dialogues tordants sur le sujet le plus tragique qui soit: la fin du monde! Quelques séquences sont inoubliables comme ce gag d'anthologie, le plus noir que la comédie nous ait offerte au cinéma où l'on voit le pilote d'un avion, à califourchon sur une bombe atomique, tombant sur l'U.R.S.S dans une sorte de frénésie joyeuse! "Dr. Folamour" fût mal accueilli au moment de la sortie car il ridiculisait le président des Etats-Unis et se moquait des moyens mis en oeuvre pour empêcher une catastrophe nucléaire! Une oeuvre unique et des comédiens en ètat de grâce (Peter Sellers, George C.Scott, Sterling Hayden)...


jeudi 23 août 2018

Tango mon amour -Balada para mi muerte


Balada para mi muerte - Astor Piazzola
Chanté par la grandissime Susana Rinaldi
Carlos où que tu sois je ne t’oublierai jamais, pas plus que je n’oublierai cette soirée au Théâtre de la Ville où tu m’as fait découvrir Susana Rinaldi.