lundi 23 novembre 2020

Umberto Eco - Le nom de la Rose - 14/53 - 2ème jour Tierce


Le nom de la Rose

Lu par François Berland

14/53

Deuxième jour Tierce


 

Où l’on assiste à une rixe entre personnes vulgaires, Aymaro d’Alexandrie fait plusieurs allusions et Adso médite sur la sainteté et sur l’excrément du démon. Ensuite Guillaume et Adso retournent dans le scriptorium, Guillaume voit quelque chose d’intéressant, il y a une troisième conversation sur le caractère licite du rire, mais en définitive ne peut regarder là où il voudrait.


Avant de monter au scriptorium, nous passâmes aux cuisines pour nous restaurer, car nous n’avions encore rien pris depuis que nous nous étions levés. Je me revigorai aussitôt en prenant une écuelle de lait chaud. La grande cheminée méridionale ardait déjà comme une forge, tandis que dans le four se préparait le pain du jour. Deux chevriers déposaient la dépouille d’un mouton à peine égorgé. Parmi les cuisiniers je vis Salvatore, qui me sourit avec sa gueule du loup. Et je vis qu’il prenait sur une table un reste de poulet de la veille au soir et le passait furtivement aux chevriers, qui le cachaient dans leurs sarraux de peau en ricanant de satisfaction. Mais le chef cuisinier s’en aperçut et réprimanda Salvatore : 

« Cellérier, cellérier, dit-il, ton devoir est d’administrer les biens de l’abbaye, pas de les dissiper ! 

— Filii Dei, ils sont, dit Salvatore. Jésus a dit que vous faisez pour lui ce que vous faisez à un de ces puères !

 — Fraticelle de mes braies, péteur de minorite ! lui cria alors le cuisinier. Tu n’es plus avec tes gueux de frères ! C’est la miséricorde de l’abbé qui pourvoiera aux enfants de Dieu ! » 

Salvatore s’assombrit et, hors de lui, fit volte-face : 

« je ne suis pas un fraticelle minorite ! Je suis le moine Sancti Benedicti ! Merdre à toy, bogomile de merde ! 

— Bogomile la ribaude que t’encules la nuit, avec ta verge hérétique, porc ! » cria le cuisinier. 

Salvatore fit sortir en toute hâte les chevriers, et en passant il nous regarda avec préoccupation : 

« Frères, dit-il à Guillaume, défends toi-même ton ordre qui n’est pas le mien, dis-lui que les filios Francisci non ereticos esse ! » 

Puis il me souffla à l’oreille : 

« Ille menteur, pouha », et cracha par terre. 

Le cuisinier vint le bouter dehors méchamment et lui claqua la porte dans le dos. 

« Frère, dit-il à Guillaume avec respect, je ne disais pas de mal de votre ordre et des très saints hommes qui en font partie. Je m’adressais à ce faux minorite et faux bénédictin qui n’est ni chair ni poisson. 

— Je sais d’où il vient, dit Guillaume conciliant. Mais maintenant, il est moine comme toi et tu lui dois un respect fraternel. 

— Mais lui, il fourre son nez là où il ne doit pas le mettre, parce qu’il est protégé par le cellérier, et se croit lui-même le cellérier. Il use de l’abbaye comme si c’était sa chose à lui, de jour et de nuit ! 

— Pourquoi de nuit ? » demanda Guillaume. 

Le cuisinier fit un geste comme pour dire qu’il ne voulait pas parler de choses peu vertueuses. Guillaume ne lui demanda rien d’autre et termina de boire son lait. Ma curiosité était de plus en plus excitée. La rencontre avec Ubertin, les bruits sur le passé de Salvatore et du cellérier, les allusions toujours plus fréquentes aux fraticelles et aux minorites hérétiques que j’entendais faire ces jours-là, cette réticence du maître à me parler de fra Dolcino… Une série d’images commençait à se recomposer dans mon esprit. Par exemple, tandis que nous accomplissions notre voyage, nous avions rencontré au moins deux fois une procession de flagellants. Une fois la population du lieu les regardait comme des saints, une autre fois elle commençait à murmurer que c’étaient des hérétiques. Et pourtant il s’agissait toujours des mêmes gens. Ils allaient en procession deux par deux, par les rues de la ville, les pudenda seules recouvertes, passant outre à tout sentiment de vergogne. Chacun avait en main un fouet aux lanières de cuir et ils se frappaient les épaules, jusqu’au sang, versant d’abondantes larmes comme s’ils voyaient de leurs yeux la passion du Sauveur, ils imploraient avec un chant plaintif la miséricorde du Seigneur et l’aide de la Mère de Dieu. Non seulement le jour, mais aussi la nuit, avec des cierges allumés, dans la rigueur du froid hivernal, en foule ils allaient d’église en église, se prosternaient humblement devant les autels, précédés par des prêtres munis de cierges et d’étendards, et point uniquement des hommes et des femmes du peuple, mais aussi de nobles matronnes, et des marchands… On assistait alors à de grands actes de pénitence, ceux qui avaient volé restituaient leurs appropriations malhonnêtes, d’autres confessaient leurs crimes… Mais Guillaume les avait regardés avec froideur et m’avait dit que ce n’était pas là vraie pénitence. Il s’était plutôt exprimé comme il venait déjà de le faire ce matin même : l’époque du grand lavement pénitentiel était révolue, et ça, c’était la manière dont les prédicateurs eux-mêmes organisaient la dévotion des foules, justement pour qu’elles ne succombent pas sous le joug d’un autre désir de pénitence qui – celui-là – était hérétique, et faisait peur à tous. Mais je ne parvenais pas à saisir la différence, si toutefois différence il y avait. Il me semblait que la différence ne venait pas de gestes de l’un ou de l’autre, mais du regard avec lequel l’Église jugeait l’un et l’autre geste. Je me rappelais la discussion avec Ubertin. Il ne faisait pas de doute que Guillaume avait été insinuant, il avait cherché à lui dire que la différence était minime entre sa foi mystique (et orthodoxe) et la foi altérée des hérétiques. Ubertin en avait pris ombrage, comme quelqu’un qui voyait parfaitement la différence. L’impression que j’en avais retirée était que lui se trouvait être différent précisément parce qu’il était celui qui savait voir la différence. Guillaume s’était soustrait aux devoirs de l’inquisition parce qu’il ne savait plus voir cette différence. C’est pourquoi il n’arrivait pas à me parler de ce mystérieux fra Dolcino. Mais alors, d’évidence (me disais-je) Guillaume a perdu l’assistance du Seigneur qui non seulement enseigne à faire la différence, mais pour ainsi dire investit ses élus de cette capacité de discernement. Ubertin et Claire de Montfaucon (qui était aussi entourée de pécheurs) étaient restés saints justement parce qu’ils savaient discriminer. La sainteté est cela et rien d’autre. Mais pourquoi Guillaume ne savait-il pas discriminer ? C’était pourtant un homme suprêmement subtil, et pour ce qui concernait les faits de la nature, il savait percevoir la moindre dissemblance et la moindre parenté entre les choses… J’étais plongé dans ces pensées, et Guillaume finissait de boire son lait, quand nous nous entendîmes saluer. C’était Aymaro d’Alexandrie, dont nous avions déjà fait la connaissance dans le scriptorium, et dont m’avait frappé l’expression du visage, empreint d’un perpétuel ricanement, comme s’il ne parvenait jamais à admettre tout à fait la vanité de tous les êtres humains, et cependant n’attribuait pas grande importance à cette tragédie cosmique. 

« Alors, frère Guillaume, vous vous êtes déjà habitué à ce repère de déments ? 

— Ce lieu me semble rempli d’hommes admirables de sainteté et de doctrine, dit prudemment Guillaume. 

— Il le fut. Quand les abbés étaient des abbés et les bibliothécaires des bibliothécaires. Vous l’avez vu à présent, là-haut (et il montrait l’étage supérieur), cet Allemand à demi mort avec des yeux d’aveugle qui écoute dévotement les divagations de cet Espagnol aveugle avec des yeux de mort, on dirait que doit arriver l’Antéchrist chaque matin, on gratte les parchemins, mais il entre très peu de livres nouveaux… Nous, nous sommes installés ici, et là-bas dans les villes on agit… Jadis, depuis nos abbayes, on gouvernait le monde. Aujourd’hui, vous le voyez, l’empereur nous utilise pour envoyer ici ses amis rencontrer ses ennemis (j’ai eu vent de votre mission, les moines parlent, parlent, ils n’ont rien d’autre à faire), mais s’il veut contrôler les affaires de ce pays, il s’en tient aux villes. Nous en sommes à la récolte du blé et à l’élevage de la volaille, et làbas ils échangent des aunes de soie contre des coupons de lin, et des coupons de lin contre des sacs d’épices, et le tout contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Nous veillons sur notre trésor, quand làbas on les accumule, les trésors. Et les livres aussi. Et plus beaux que les nôtres. 

— Certes dans le monde il se passe tant de choses nouvelles. Mais pourquoi pensez-vous que la faute revienne à l’Abbé ? 

— Parce qu’il a remis la bibliothèque aux mains des étrangers et qu’il mène l’abbaye comme une citadelle dressée pour la défense de la bibliothèque. Une abbaye bénédictine dans cette contrée italienne devrait être un lieu où des Italiens décident pour des choses italiennes. Que font les Italiens, aujourd’hui qu’ils n’ont plus même un pape ? Ils s’adonnent au commerce, et ils bâtissent, et ils sont plus riches que le roi de France. Et alors, faisons pareillement nous aussi ; si nous savons faire de beaux livres, fabriquons-en pour les universités, et occupons-nous de ce qui se passe en bas dans les vallées, je ne dis pas de l’empereur, avec tout mon respect pour votre mission, frère Guillaume, mais de ce que font les Bolonais ou les Florentins. Nous ne pourrions contrôler d’ici le passage des pèlerins et des marchands, qui vont de l’Italie à la Provence et vice versa. Ouvrons la bibliothèque au texte en langue vulgaire, et jusqu’à nous monteront aussi ceux qui n’écrivent plus en latin. En revanche nous sommes contrôlés par un groupe d’étrangers qui continuent de diriger la bibliothèque comme s’il y avait encore à Cluny le bon Odilon, abbé… 

— Mais l’Abbé est Italien, dit Guillaume. 

— L’Abbé ici ne compte pour rien, dit Aymaro toujours en ricanant. À la place de la tête, il a une armoire de la bibliothèque. Il est vermoulu. Pour agacer le pape, il laisse envahir l’abbaye par les fraticelles… je veux dire les hérétiques, frère, les transfuges de votre saint ordre… et pour flatter l’empereur, il appelle ici des moines de tous les monastères du nord, comme si nous n’avions pas chez nous d’excellents copistes, et des hommes qui savent le grec et l’arabe, et qu’il n’y avait pas à Florence ou à Pise des fils de marchands, riches et généreux, qui entreraient volontiers dans l’ordre, si l’ordre offrait la possibilité d’augmenter la puissance et le prestige de leur père. Mais ici, l’indulgence pour les choses du siècle, on la pratique seulement quand il s’agit de permettre aux Allemands de… oh, Seigneur Dieu, foudroyez ma langue, car je vais dire des choses peu convenables ! 

— Dans l’abbaye, il se passe donc des choses peu convenables ? demanda distraitement Guillaume, en se versant encore un peu de lait. 

— Le moine est homme aussi » prononça Aymaro en manière de sentence. Après quoi il ajouta : « Mais ici ils sont moins hommes qu’ailleurs. Et ce que j’ai dit, il est clair que je ne l’ai pas dit. 

— Très intéressant, dit Guillaume. Et ce sont là des opinions à vous ou celles d’un grand nombre qui pense comme vous ? 

— D’un grand nombre, d’un grand nombre. D’un grand nombre qui maintenant se désole pour le malheur du pauvre Adelme, mais si quelqu’un d’autre était tombé dans le précipice, un qui rôde dans la bibliothèque plus qu’il ne devrait, les mêmes n’en auraient pas été mécontents. 

— Qu’entendez-vous par là ? 

— J’ai trop parlé. Ici nous parlons trop, vous vous en serez déjà rendu compte. Ici, le silence plus personne ne le respecte, d’un côté. D’un autre côté, on le respecte trop. Ici, au lieu de parler ou de se taire, on devrait agir. À l’âge d’or de notre ordre, si un abbé n’avait pas une trempe d’Abbé, une belle coupe de vin empoisonnée, et voilà la succession ouverte. Je vous ai dit ces choses, cela s’entend frère Guillaume, non pas pour médire de l’Abbé ou des autres frères. Dieu m’en garde, par bonheur je n’ai pas le vilain vice de la médisance. Mais je ne voudrais pas que l’Abbé vous eût prié d’enquêter sur moi ou sur un autre comme Pacifico de Tivoli ou Pierre de Sant’Albano. Nous, avec les histoires de la bibliothèque, nous n’avons rien à voir. Mais nous aimerions aller y voir un peu plus souvent. Or donc, découvrez au grand jour ce nid de serpent, vous qui avez brûlé tant d’hérétiques. 

— Moi, je n’ai jamais brûlé personnes, répondit Guillaume dans ton sec. 

— C’était une façon de parler, admit Aymaro avec un grand sourire. Bonne chasse, frère Guillaume, mais faites attention la nuit. 

— Pourquoi pas le jour ? 

— Parce qu’ici le jour on soigne le corps avec les bonnes herbes et la nuit on rend l’esprit malade avec les herbes mauvaises. Ne croyez pas qu’Adelme ait été précipité dans l’abîme par des mains criminelles ou que des mains criminelles aient mis Venantius dans le sang. Ici, on ne veut pas que les moines décident tout seuls où aller, que faire et que lire. Et on se sert des forces de l’enfer, ou des nécromants amis de l’enfer, pour bouleverser les esprits curieux… 

— Vous parlez du père herboriste ? 

— Séverin de Sant’Emmerano est une brave personne. Naturellement, Allemand lui, Allemand Malachie… » 

Et après avoir démontré une fois de plus qu’il n’était pas disposé à la médisance, Aymaro monta travailler.

 « Qu’aura-t-il voulu nous dire ? demandai-je. 

— Tout et rien. Une abbaye est toujours un lieu où les moines sont en lutte entre eux pour s’assurer le gouvernement de la communauté. À Melk aussi, mais sans doute en tant que novice, tu n’auras pas eu l’occasion de t’en rendre compte. Seulement dans ton pays, conquérir le gouvernement d’une abbaye signifie enlever une place d’où l’on traite directement avec l’empereur. Dans ce pays la situation est différente, l’empereur est loin, même quand il descend jusqu’à Rome. Il n’y a point de cour, pas même celle du pape, désormais. Il y a les villes, tu t’en seras rendu compte. — Certes, et j’en ai été frappé. La ville en Italie est une chose différente par rapport à mon pays… Elle n’est pas seulement un lieu où habiter : c’est un lieu où décider, ils sont toujours tous sur la place, les magistrats citadins comptent plus que l’empereur ou le pape. Elles sont… comme autant de royaumes… 

— Et les rois en sont les marchands. Et leur arme est l’argent. L’argent a une fonction, en Italie, différente par rapport à ton pays, ou au mien. Où l’argent circule partout, mais où une grande partie de la vie est encore dominée et réglée par l’échange des biens, poulets ou gerbes de blé, ou une faucille, ou un chariot, et l’argent sert à se procurer ces biens. Tu auras remarqué que dans la ville italienne, au contraire, les biens servent à se procurer de l’argent. Et les prêtres mêmes, et les évêques, et jusqu’aux ordres religieux, tous doivent compter avec l’argent. C’est pour cela, naturellement, que la rébellion contre le pouvoir se manifeste comme appel à la pauvreté, et que se rebellent contre le pouvoir ceux qui sont exclus du rapport avec l’argent, et que tout appel à la pauvreté suscite tant de tensions et tant de débats, et que la ville entière, de l’évêque au magistrat, ressent comme son propre ennemi celui qui trop prêche la pauvreté. Les inquisiteurs sentent l’odeur puante du démon là où quelqu’un a réagi contre la puanteur de l’excrément du démon. Et alors tu comprendras aussi à quoi pense Aymaro. Une abbaye bénédictine, aux temps dorés de l’ordre, était le lieu d’où les pasteurs contrôlaient le troupeau des fidèles. Aymaro veut qu’on revienne à la tradition. Seulement la vie du troupeau est changée, et l’abbaye ne peut revenir à la tradition (à sa gloire, à son pouvoir d’autrefois) que si elle accepte les nouvelles coutumes du troupeau, en devenant différente. Et comme aujourd’hui on domine le troupeau ici non pas avec les armes ou la splendeur des rites, mais avec le contrôle de l’argent, Aymaro veut que toute la fabrique de l’abbaye, et la bibliothèque même, deviennent atelier, et fabrique d’argent. 

— Et quel rapport tout cela avec les crimes, ou avec le crime ? 

— Je ne le sais pas encore. Mais j’aimerais monter. Viens. » 

Les moines étaient déjà au travail. Dans le scriptorium régnait le silence, mais ce n’était pas ce silence qui résulte de la paix fertile des coeurs. Bérenger, qui nous avait de peu précédés, nous accueillit avec embarras. Les autres moines levèrent la tête de leur travail. Ils savaient que nous étions là pour découvrir quelque chose au sujet de Venantius, et la direction même de leurs regards fixa notre attention sur une place vide, sous une fenêtre qui s’ouvrait à l’intérieur sur l’octogone central. Bien que la journée fût très froide, dans le scriptorium la température était assez douce. Ce n’est pas par hasard s’il avait été disposé au-dessus des cuisines d’où provenait une chaleur suffisante, pour cette raison supplémentaire que les conduits des cheminées des deux fours situés au-dessous passaient à l’intérieur des piliers qui soutenaient les deux escaliers à vis placés dans les tours occidentale et méridionale. Quant à la tour septentrionale, du côté opposé à la grande salle, elle ne renfermait pas d’escalier, mais une grande cheminée qui ardait en répandant une agréable tiédeur. En outre le pavement avait été recouvert de paille, qui rendait nos pas silencieux. En somme, le coin le moins réchauffé était celui de la tour orientale et de fait, je remarquai que, comme il restait des places libres par rapport au nombre de moines au travail, tous tendaient à éviter les tables installées dans cette direction. Lorsque plus tard je me rendis compte que l’escalier à vis de la tour orientale était le seul qui menait et en bas au réfectoire, et en haut à la bibliothèque, je me demandai si un calcul savant n’avait pas réglé le chauffage de la salle, de façon que les moines fussent dissuadés de fureter de ce côté-là et qu’il fût plus facile au bibliothécaire de contrôler l’accès à la bibliothèque. Mais sans doute exagérais-je dans mes soupçons, devenant le pauvre singe de mon maître, car je songeai aussitôt que ce calcul n’eût pas été très fructueux en été – à moins (me dis-je) qu’en été ce côté ne fût le plus ensoleillé et donc encore une fois le plus évité. La table du pauvre Venantius tournait le dos à la grande cheminée, et était probablement l’une des plus convoitées. J’avais alors passé une petite partie de ma vie dans un scriptorium, j’en passai une grande par la suite et je sais combien il en coûte de souffrance au scribe, au rubricaire et au chercheur de rester à sa table les longues heures d’hiver, avec les doigts qui s’engourdissent sur le stylet (quand déjà avec une température normale, après six heures d’écriture, les doigts sont pris de la terrible crampe du moine et que le pouce fait mal comme s’il avait été écrasé). Et cela explique pourquoi nous trouvons souvent en marge des manuscrits des phrases laissées par le scribe comme témoignage de souffrance (à la limite de la patience) telle que : « Grâce à Dieu, il ne va pas tarder à faire sombre », ou bien : « Oh, si j’avais un bon verre de vin ! » ou encore : « Aujourd’hui il fait froid, la lumière est faible, cette peau est pleine de poils, quelque chose ne colle pas. » Comme dit un ancien proverbe, trois doigts tiennent la plume, mais le corps entier travaille dur. Et endure. Mais je parlais de la table de Venantius. Plus petite que les autres, comme du reste celles qui étaient placées autour de la cour octogonale, destinées à des chercheurs, tandis qu’elles étaient plus larges sous les fenêtres des murs extérieurs, car destinées aux enlumineurs et aux copistes. D’ailleurs Venantius aussi travaillait avec un lutrin, parce qu’il consultait probablement des manuscrits en prêt à l’abbaye, dont il faisait la copie. Sous la table était disposé un rayonnage bas, où étaient entassées des feuilles non reliées, et comme elles étaient toutes en latin, j’en déduisis qu’il s’agissait de ses traductions les plus récentes. Elles étaient écrites de façon hâtive, ne constituaient pas les pages d’un livre et auraient dû être confiées ensuite à un copiste et à un enlumineur. Raison pour moi elles étaient difficilement lisibles. Entre les feuilles, quelques livres, en grec. Un autre livre grec était ouvert sur le lutrin, l’ouvrage sur lequel Venantius accomplissait ces jours derniers son travail de traducteur. À cette époque je ne connaissais pas encore le grec, mais mon maître lu le titre et dit que c’était d’un certain Lucien et qu’il s’agissait de l’histoire d’un homme transformé en âne. Je me souvins alors d’une fable analogue d’Apulée, qui d’habitude était sévèrement déconseillée aux novices. 

« Comment se fait-il que Venantius avait en cours cette traduction ? demanda Guillaume à Bérenger qui était à nos côtés. 

— C’est le seigneur de Milan qui l’a demandé à l’abbaye, et l’abbaye en retirera un droit de préemption sur la production de vin de plusieurs domaines qui se trouvent à l’Orient », Bérenger indiqua une direction lointaine d’un geste de la main. Pour ajouter aussitôt : 

« Ce n’est pas que l’abbaye se prête à des travaux vénaux pour les laïcs. Mais le commettant s’est employé pour que ce précieux manuscrit grec nous fût prêté par le doge de Venise qui le reçut de l’empereur de Byzance, et quand Venantius aurait eu terminé son travail nous aurions fait deux copies, une pour le commettant et une pour notre bibliothèque. 

— Qui ne dédaigne donc pas de recueillir aussi des fables païennes, dit Guillaume. 

— La bibliothèque est témoignage de la vérité et de l’erreur », dit alors une voix dans notre dos. C’était Jorge. Encore une fois je m’étonnai (mais j’aurais encore beaucoup à m’étonner les jours suivants) de la façon inopinée dont ce vieillard apparaissait soudain, comme si nous ne le voyons pas lui et que lui nous voyait nous. Je me demandai aussi ce que pouvait bien faire un aveugle dans le scriptorium, mais je me rendis compte par la suite que Jorge était omniprésent dans toute l’abbaye. Et souvent il se trouvait dans le scriptorium, assis sur un faudesteuil près de la cheminée, et il avait l’air de suivre tout ce qui se passait dans la salle. Une fois que je l’entendis demander à haute voix de sa place : 

« Qui monte ? » 

Et il s’adressait à Malachie qui, les pas étouffés par la paille, prenait le chemin de la bibliothèque. Tous les moines l’avaient en grande estime et s’adressaient souvent à lui pour la compréhension des passages difficiles, le consultant à propos d’une scolie ou lui demandant ses lumières sur la manière de représenter un animal ou un saint. Et il lui regardait dans le vide avec ses yeux éteints, comme s’il fixait des pages toujours vives dans sa mémoire et il répondait que les faux prophètes sont habillés comme des évêques et que des grenouilles sortent de leur bouche, ou bien qu’elles étaient les pierres qui devaient orner les murs de la Jérusalem céleste, ou que les arimaspes se doivent figurer dans les cartes géographiques près de la terre du prêtre Jean – recommandant de ne point exagérer en les faisant séduisants dans leur monstruosité, car il suffisait qu’ils fussent représentés de façon emblématique, reconnaissables, mais non désirables, ou repoussants jusqu’au rire. Une fois je l’entendis conseiller un scoliaste sur la manière d’interpréter la récapitulatio dans les textes de Tychonius selon l’esprit de saint Augustin, afin qu’on évitât l’hérésie donatiste. Une autre fois je l’entendis donner des conseils sur la façon de distinguer, en commentant, les hérétiques des schismatiques. Ou encore, dire à un chercheur perplexe, quel livre il devrait chercher dans le catalogue de la bibliothèque, et à peu près à quelle page il en trouverait mention, lui assurant que le bibliothécaire le lui remettrait certainement parce qu’il s’agissait d’un ouvrage inspiré par Dieu. Enfin, je l’entendis dire une autre fois qu’il ne fallait pas rechercher certain livre, car il existait, c’est vrai, dans le catalogue, mais il avait été saccagé par les rats cinquante ans plus tôt, et se pulvérisait désormais sous les doigts de qui le touchait. Il était en somme la mémoire de la bibliothèque et l’âme du scriptorium. Parfois il tançait les moines qu’il entendait bavarder : « Hâtez-vous de laisser un témoignage de la vérité, car les temps sont proches ! » Et il faisait allusion à la venue de l’Antéchrist. 

 « La bibliothèque est témoignage de la vérité et de l’erreur, déclara donc Jorge. 

— Indubitablement Apulée de Madaure eut une renommée de magicien, dit Guillaume. Mais cette fable contient, sous le voile de ses fictions, une bonne morale aussi, parce qu’elle enseigne combien il en coûte de se tromper, et en outre je crois que l’histoire de l’homme transformé en âne fait allusion à la métamorphose de l’âme qui tombe dans le péché. 

— Il se peut, dit Jorge. 

— Mais alors je comprends maintenant pourquoi Venantius, au cours de cette conversation dont il me parla hier, portait un tel intérêt aux problèmes de la comédie ; de fait, les fables de ce type-là aussi peuvent être assimilées aux comédies des antiques. L’une et l’autre ne racontent pas l’histoire d’hommes qui existèrent vraiment, comme les tragédies mais, dit Isidore, sont des fictions : « “Fabulae poetae a fando nominaverunt quia non sunt res factae sed tantum loquendo fictae”… » 

Tout d’abord je ne compris pas pourquoi Guillaume s’était engagé dans cette docte discussion et précisément avec un homme qui paraissait ne pas goûter fort de semblables sujets, mais la réponse de Jorge me dit combien mon maître avait été subtil. « Ce jour-là, on ne discutait pas de comédie, mais seulement du caractère licite du rire », dit Jorge en s’assombrissant. Et de mon côté je me rappelais parfaitement que quand Venantius avait mis sur le tapis cette discussion, pas plus tard que la veille, Jorge avait affirmé ne point s’en souvenir. 

« Ah, laissa tomber Guillaume avec négligence, je croyais que vous aviez parlé des mensonges des poètes et des énigmes subtiles… 

— On parlait du rire, dit Jorge d’un ton sec. Les comédies étaient écrites par les païens pour pousser au rire les spectateurs, et ils faisaient mal. Notre Seigneur Jésus-Christ ne raconta jamais de comédies ni de fables, mais de limpides paraboles seulement qui nous instruisent allégoriquement sur la façon de mériter le paradis, et ainsi soit-il. 

— Je me demande, dit Guillaume, pourquoi vous êtes tellement contre la pensée que Jésus ait jamais ri. Moi je crois que le rire est une bonne médecine, comme les bains, pour soigner les humeurs et les autres affections du corps, en particulier la mélancolie. 

— Les bains sont une bonne chose, dit Jorge, et le Docteur Angélique lui-même les conseille pour chasser la tristesse, qui peut être passion mauvaise quand elle ne s’adresse pas à un mal qui se puisse éloigner par l’audace. Les bains restituent l’équilibre des humeurs. Le rire ébranle le corps, déforme les linéaments du visage, rend l’homme semblable au singe. 

— Les singes ne rient pas, le rire est le propre de l’homme, il est le signe de sa rationalité, dit Guillaume. 

— La parole aussi est le signe de la rationalité humaine, et avec la parole on peut blasphémer Dieu. N’est pas nécessairement bon tout ce qui est le propre de l’homme. Le rire est un signe de sottise. Qui rit ne croit pas en ce dont il rit, mais non plus ne le hait. Or donc rire du mal signifie ne pas se disposer à le combattre, et rire du bien signifie méconnaître la force avec laquelle le bien se propage par sa propre vertu. C’est pourquoi la Règle dit : “Decimus humilitatis gradus est si non sit facilis ac promptus in risu, quia scriptum est : stultus in risu exaltat vocem suam.” 

— Quintilien , interrompit mon maître, dit que le rire est à réprimer dans le panégyrique, par dignité, mais qu’il faut l’encourager dans beaucoup d’autres cas. Tacite loue l’ironie de Calpurnius Pison, Pline le jeune écrivit : “Aliquando praeterea rideo, jocor, ludo, homo sum.” 

— C’étaient des païens, répliqua Jorge. La Règle dit : “Scurrilitates vero vel verba otiosa et risum moventia aeterna clausura in omnibus locis damnamus, et ad talia eloquia discipulum aperire os non permittimus.” 

— Cependant quand déjà le Verbe de Christ avait triomphé sur la terre, Synésios de Cyrène dit que la divinité a su combiner harmonieusement comique et tragique, et Aelius Spartien dit de l’empereur Hadrien, homme de moeurs élevées et d’esprit naturaliter chrétien, qu’il sut mêler des moments de gaieté à des moments de gravité. Et enfin Ausone recommande de doser avec modération le sérieux et le plaisant. 

— Mais Paulin de Nole et Clément d’Alexandrie nous mirent en garde contre ces sottises, et Sulpice Sévère dit que jamais personne ne vit saint Martin ni en proie à la colère ni en proie à l’hilarité. 

— Il rappelle pourtant de la part du saint plusieurs réponses spiritualiter salsa, dit Guillaume. — Elles étaient promptes et savantes, pas risibles. Saint Ephrem a écrit une parénèse contre le rire des moines, et dans le De habitu et conversatione monachorum il recommande d’éviter obscénités et saillies comme le poison des aspics ! 

— Mais Hildebert dit : “Admittenda tibi joca sunt post seria quaedam, sed tamen et dignis ipsa gerenda modis .” Et Jean de Salisbury a autorisé une modeste hilarité. Et enfin l’Ecclésiastique, dont vous avez cité le passage auquel se réfère votre Règle, où l’on dit que le rire est le propre du sot, admet au moins un rire silencieux, celui de l’esprit serein. 

— L’esprit n’est serein que lorsqu’il contemple la vérité et se plaît au bien accompli, et ne se rit de la vérité ni du bien. Voilà pourquoi Christ ne riait pas. Le rire est source de doute. 

— Mais parfois il est juste de douter. 

— Je n’en vois pas la raison. Quand on doute, il faut s’adresser à une autorité, aux paroles d’un père ou d’un docteur, et toute raison de douter cesse. Vous m’avez l’air bien imprégné de doctrines discutables, comme celle des logiciens de Paris. Mais saint Bernard su intervenir à bon escient contre Abélard le châtré qui voulait soumettre tous les problèmes à l’examen froid et sans vie d’une raison dénuée de la lumière des Écritures, en prononçant son : “C’est ainsi et ce n’est pas ainsi. ” Certes si quelqu’un accepte ces idées fort périlleuses, il peut aussi apprécier le jeu du sot qui rit de cela dont on doit seulement savoir l’unique vérité, qui a déjà été dite une fois pour toutes. Or en riant, le sot dit implicitement : “Deus non est. ” 

— Vénérable Jorge, vous me paraissez injuste quand vous traitez Abélard de châtré, car vous savez qu’il encourut une aussi triste condition à cause de la mauvaiseté d’un autre… 

— À cause de ses péchés. À cause de son orgueil placé dans la confiance en la raison de l’homme. Ainsi la foi des simples fut moquée, les mystères de Dieu furent sondés (du moins on le tenta, des sots le tentèrent), des questions qui concernaient les choses suprêmes se virent témérairement traitées, on rit des Pères parce qu’ils avaient jugé bon que de telles questions fussent plutôt mises sous le boisseau qu’exposées. 

— Je ne suis pas d’accord, vénérable Jorge. De notre part, Dieu veut que nous exercions notre raison sur les nombreuses choses obscures où l’Écriture nous a laissés libres de décider. Et, lorsque quelqu’un vous invite à croire à une proposition, vous devez d’abord examiner si celle-ci est acceptable, car notre raison a été créée par Dieu, et ce qui agrée à notre raison ne peut pas ne pas agréer à la raison divine, sur laquelle d’ailleurs nous savons seulement ce que, par analogie et souvent par négation, nous en inférons à partir des démarches de notre raison. Et alors vous voyez que parfois, pour saper la fausse autorité d’une proposition absurde qui répugne à la raison, le rire aussi peut-être un instrument juste. Souvent le rire sert même à confondre les méchants et à faire briller leur sottise. De saint Maur on raconte que les païens le mirent dans de l’eau bouillante et qu’il se plaignit que le bain était trop froid ; le gouverneur païen trempa sottement sa main dans l’eau pour vérifier, et se brûla. Belle action de ce saint martyr qui ridiculisa les ennemis de la foi. 

Jorge ricana : 

« Même dans les épisodes que racontent les prédicateurs on trouve beaucoup de contes à dormir debout. Un saint plongé dans l’eau bouillante souffre pour Christ et retient ses cris, il ne joue pas des tours d’enfant aux païens ! 

— Vous voyez ? dit Guillaume. Cette histoire vous paraît contraire à la raison et vous l’accusez d’être ridicule ! Fût-ce tacitement et en contrôlant vos lèvres, vous êtes en train de rire d’une histoire et vous voulez que de mon côté je ne prenne pas cette histoire au sérieux. Vous riez du rire, mais vous riez. » 

Jorge est un geste d’agacement : 

« En jouant sur le rire, vous m’entraînez dans de vains propos. Mais vous savez bien que Christ ne riait pas. 

— Je n’en suis pas certain. Quand il invite les pharisiens à jeter la première pierre, quand il demande de qui est l’effigie sur les pièces à payer en tribut, quand il joue sur les mots et dit : “Tu es Petrus”, je crois qu’il s’agissait de pointes pour confondre les pécheurs, pour soutenir le courage des siens. Il fait de l’esprit quand il dit à Caïphe : “C’est toi qui l’as dit.” Et Jérôme commentant Jérémie, là où Dieu dit à Jérusalem : “Nudavi femora contra faciem tuam” explique : “Sive nudabo et relevabo femora et posteriora tua.” Même Dieu, s’exprime donc avec de bons mots pour confondre ceux qu’il veut punir. Et vous savez parfaitement qu’au moment le plus ardent de la lutte entre clunistes et cisterciens les premiers accusèrent les seconds, pour les rendre ridicules, de ne pas porter de braies. Et dans le Speculum Stultorum on raconte que l’âne Brunel se demande ce qui arriverait si la nuit le vent soulevait les couvertures et que le moine vît ses pudenda… » 

Les moines autour de nous se mirent à rire et Jorge devint furieux : 

« Vous êtes en train de traîner ses frères à une fête des fols. Je sais qu’il est d’usage parmi les franciscains de gagner la sympathie du peuple avec des idioties de ce genre, mais de ces jeux frivoles je vous dirai ce que dit un mot que j’entendis prononcer à un de vos prédicateurs : “Tum podex carmen extulit horridulum.” » 

La réprimande était un peu forte, Guillaume avait été impertinent, mais à présent Jorge l’accusait de lâcher des pets par la bouche. Je me demandai si cette réponse sévère ne devait pas signifier une invitation, de la part du moine âgé, à sortir du scriptorium. Mais je vis Guillaume, si combatif un instant plus tôt, se faire doux comme un agneau. 

« Je vous demande pardon, vénérable Jorge, dit-il. Ma bouche a trahi mes pensées, je ne voulais pas vous manquer de respect. Sans doute ce que vous dites est juste, et j’étais dans l’erreur. » 

Jorge, devant cet acte d’exquise humilité, émit un grognement pouvant aussi bien exprimer la satisfaction que le pardon, et il n’eut d’autre issue que de regagner sa place, tandis que les moines refluaient vers leurs tables de travail, qui au cours de la discussion s’étaient peu à peu approchés. Guillaume s’agenouilla de nouveau devant la table de Venantius et se remit à fouiller dans ses parchemins. Avec sa réponse d’une grande humilité, il avait obtenu quelques secondes de tranquillité. Et ce qu’il vit pendant ces secondes inspira ses recherches de la nuit. Mais ce furent vraiment quelques secondes. Bence s’approcha aussitôt en feignant d’avoir oublié son stylet sur la table quand il s’était joint aux autres pour écouter la conversation avec Jorge, et il murmura à Guillaume qu’il devait lui parler d’urgence, lui donnant rendez-vous derrière les balnea. Il lui dit de s’éloigner le premier qu’il le rejoindrait sans tarder. Guillaume hésita un instant, puis il appela Malachie qui, de sa table de bibliothécaire, près du catalogue, avait suivi tout ce qui était arrivé, et le pria, en vertu du mandat reçu de l’Abbé (et il souligna beaucoup ce privilège) de placer quelqu’un à la garde de la table de Venantius, parce qu’il jugeait utile à son enquête que personne ne s’en approchât durant le jour entier, jusqu’à ce qu’il pût revenir. Il le dit à voix haute, car ainsi il engageait non seulement Malachie à surveiller les moines, mais les moines eux-mêmes à surveiller Malachie. Le bibliothécaire ne put qu’acquiescer et Guillaume s’éloigna avec moi. Tandis que nous traversions le jardin et nous dirigions vers les balnea, qui se trouvaient adossés au bâtiment de l’hôpital, Guillaume observa : 

« On dirait qu’il déplaît à beaucoup que je mette les mains sur quelque chose qui se trouve sur ou sous la table de Venantius. — 

Et qu’est-ce que cela pourra bien être ? 

— J’ai l’impression que ceux à qui cela déplaît ne le savent pas eux-mêmes. 

— Bence n’a donc rien à nous dire et ne fait que nous attirer loin du scriptorium ? 

— C’est ce que nous saurons tout de suite », dit Guillaume. Peu après, en effet, Bence nous rejoignit.

Demain Le nom de la Rose – 15 – 2ème jour Sexte

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