lundi 17 août 2020

Hervé Bazin - Vipère au poing - Ch. XI

 

Hervé Bazin

Vipère au poing

chapitre XI

Lu par Pierre Vaneck

 

  Le 14 juillet 1927 — mais oui, elle avait tenu si longtemps ! — le 14 juillet, jour anniversaire de " leur " république et fête de la liberté, Mme Rezeau se piqua vainement trois fois. Un calcul plus gros que les autres, engagé dans le canal cholédoque, se refusait à passer. Cacor, cette fois, fut impératif.

   — En fait de vésicule, madame, vous n'avez plus qu'un sac de sable. Sans opération immédiate, je ne réponds plus de rien.

   Folcoche se débattit en vain. Au bout de sept heures de crise, elle capitula. Mais, avant de partir pour la clinique, elle tint à nous faire, en public, les plus sanglantes menaces pour le cas où nous abuserions de son absence. B VI fut dûment chapitré. Mille recommandations et objurgations furent faites à notre père, descendu sans enthousiasme de son grenier à insectes et promu lieutenant général du royaume. Fine reçut les clefs indispensables, mais les autres restèrent accrochées dans l'armoire anglaise fermée à double tour. Ses adieux consistèrent en trois baisers, jetés du bout des lèvres, comme trois signes de ponctuation, au milieu du front de chacun de nous. Comme d'habitude, elle y ajouta la petite croix : papa la traçait avec le gras du pouce, Folcoche avec la pointe de l'ongle. Enfin, toutes précautions prises, la mégère (nous venons d'ajouter ce terme à notre collection d'épithètes en cours) consentit à monter dans l'ambulance, qui s'éloigna par l'allée des platanes.

   Nos V. F. la saluaient au passage. Selon le rite, nous nous portâmes tous, par un raccourci, à un endroit du parc qui borde la route et où les voitures doivent repasser pour prendre la direction d'Angers. Au commandement, nos mouchoirs furent agités : ils étaient absolument secs. Plus tard, au collège, il m'arrivera de trouver déserte une salle de classe surpeuplée de camarades anonymes, et je la sentirai se remplir d'une intense présence à la seule entrée du préfet d'études. Ce n'est pas le nombre des vivants, c'est leur autorité qui meuble une maison.

   Folcoche partie, La Belle Angerie parut désaffectée. Les portes claquaient dans le silence comme des coups de maillet sur une futaille vide. Cette voix criarde qui assassinait les échos pour appeler " les enfants ", comme s'il s'agissait de démontrer que ces vauriens avaient franchi le périmètre légal, cette voix qui affirmait à tout propos, alors que nous n'avions pas la moindre intention de la contredire : " C'est vrai, puisque je te le dis ", cette voix qui couvrait toutes les autres, même quand elle se réduisait à un murmure, cette voix... sa voix... la voix de Folcoche nous manquait. Certes, nous étions satisfaits. Heureux, non. On ne construit pas un bonheur sur les ruines d'une longue misère. Notre joie n'avait pas de boussole. Nous étions désorientés. J'imagine assez le désarroi des adorateurs de Moloch ou de Kali, soudain privés de leurs vilains dieux. Nous n'avions rien à mettre à la place du nôtre. La haine, beaucoup plus encore que l'amour, ça occupe.

   Le lieutenant général se montrait nerveux. Il n'aimait point les responsabilités et, surtout, il en détestait le détail. Au souper, devant un certain relâchement de mains et de dos, il crut nécessaire de s'impatienter :

  — Ne profitez pas de l'absence de votre mère pour vous tenir comme des singes.

   Mais il n'insista pas. Très occupé à se couper des tartines de beurre — de ce beurre sacro-saint dont lui seul touchait une demi-livre par semaine pour suralimenter ses veilles studieuses —, " le vieux " ne desserra plus les dents. Je dis : le vieux, parce que ce mot vient d'entrer dans notre vocabulaire. Les moustaches grises le rendaient maintenant légitime. Nous ne dirons " la vieille " que dix ans plus tard.

   Ce 14 juillet, qui est à peine une fête légale en pays craonnais (où la fête nationale est plutôt celle de Jeanne d'Arc), s'achevait par un crépuscule radieux. Le soleil entrait de biais par les fenêtres, qui sont orientées de telle sorte que ce phénomène ne peut se produire qu'aux jours les plus longs de l'année. D'un dernier effort et pour quelques secondes seulement, l'extrême pointe d'un rayon de bonne volonté vint toucher la plus précieuse tapisserie de la salle à manger : Amour et Psyché. Le fait est rare, et une vieille tradition, datant de l'époque où les Rezeau étaient réellement une famille, une vieille tradition, naturellement abolie depuis la mort de grand-mère, veut qu'en pareille occasion toute l'assistance se lève pour se donner le baiser de paix. Soudain papa s'aperçut de la chose... Son regard oscilla de la tapisserie à la chaise vide de Mme Rezeau. Personne ne bronchait. Il fit timidement :

   — Mais, les enfants ! le soleil est sur l'Amour !

   Husch, comme disent les Anglais (dont, ce soir-là, nous avions oublié de parler la langue), duel léger des prunelles, l'ange frais qui passe. Non, le baiser de paix n'eut pas lieu. Mais le mépris du tendre, pour un instant, devint seulement la pudeur du tendre. Notre père... Notre père qui étiez si peu sur la terre, quel souvenir ressuscitait en vous ? Quelle vision d'une Belle Angerie, peuplée de jeunes filles, vos sœurs, vos amies, parmi lesquelles votre cœur avait peut-être choisi ? Ce fut tout. Déjà, Fine enlevait les assiettes sales. Déjà, le soleil glissait sous l'horizon, s'éteignait. Déjà, les chauves-souris, sur leurs ailes de peau, venaient remplacer les hirondelles. L'examen de conscience n'eut pas lieu.

   Je surpris le coup d'œil entre B VI et papa. Comme Marcel se mettait à genoux, l'oblat intervint :

  — Vous êtes maintenant trop grands pour vous confesser en public. Vos aveux pourraient quelquefois nous gêner. Conservez toutefois, mes enfants, l'habitude de vous confesser directement au bon Dieu, je propose à cet effet deux minutes de silence, après quoi nous prierons pour la guérison de votre maman.

   Une chouette cria : je crus entendre la protestation de Folcoche. Mais son vol feutré s'éloignait dans la nuit, agacée par les récriminations des grenouilles de l'Ommée. Et la " reconquête " continua.

   Dès le lendemain, le périmètre fut forcé. L'oblat fournit lui-même l'argument nécessaire.

  — Vos fils ont besoin de muscles, monsieur. Ils ont depuis longtemps franchi l'âge du boulier.

   Le parc entier nous redevint accessible. Je poussai même des reconnaissances jusqu'aux fermes. Les pissenlits étoilèrent les allées, oubliées par nos raclettes. De passage à Segré, papa se laissa convaincre (indirectement par B VI) de la nécessité de nous acheter des galoches. Nos cheveux repoussèrent avec son autorisation. Fait curieux, les migraines paternelles s'espaçaient. Toujours friand de sirphides, M. Rezeau nous confia ses filets, avec mission de ramasser toutes les mouches sans distinction.

  — Je trierai ensuite !

   Il fit mieux encore : il nous embaucha dans ses travaux d'étalage et de piquage. Nous eûmes l'honneur de manier ses épingles, ses loupes et ses ampoules de sulfure de carbone. Quatre mouches inconnues, récemment expédiées du Chili par un de ses correspondants aux fins de détermination, reçurent les noms de "Jacobi, Ferdinand ( ?), Johannis et Marcelli Rezeau ". A son sens, M. Rezeau ne pouvait nous donner nulle preuve plus péremptoire de sa tendresse. A vrai dire, nous préférions les séances de pêche au carrelet ou les savantes approches de la bâche sous les ans, tandis que l'oblat tenait le bateau et que nous ribotions furieusement. J'avais déniché de vieilles nasses rouillées dans le grenier, naguère interdit, et, tous les matins au petit jour, avant la messe, je me tirais du lit avec enthousiasme pour aller les relever. Elles étaient rarement vides. J'y voyais se débattre dards et tanches, brochets et gardons, parfois même une couleuvre d'eau égarée. Tout cela puait la vase, mais les paysans, moins délicats que nous (qui pourtant ne l'étions guère sur ce chapitre), les acceptaient volontiers. En échange, on m'offrait quelques pots de rillettes.

   Mme Rezeau avait oublié de laisser la clef de l'armoire aux confitures. A propos de Mme Rezeau, je dois vous dire qu'elle n'allait pas mieux. L'ablation de la vésicule biliaire n'avait point suffi. Les chirurgiens se penchaient sur son cas, aggravé par une négligence sans nom envers sa propre santé. Elle avait d'abord refusé toute visite, hormis celle de son mari. Je gage que Folcoche ne tenait pas à paraître devant nous la malade, la vaincue du moment. Enfin, au bout de trois mois, elle changea d'avis et nous réclama. Papa décida de lui donner satisfaction en deux fournées. Je fis partie de la première, avec Frédie.

   Les trente-trois kilomètres qui séparent La Belle Angerie d'Angers me parurent courts. Au fond, nous étions inquiets pour nos cheveux, qui avaient insolemment repoussé, et nous n'avions pas tort, car à peine avions-nous franchi la porte de sa chambre que Folcoche s'écria : 

  — Mais, Jacques, vous avez oublié de les faire tondre. Ces enfants ne sont pas présentables.

     — Maman, répondis-je aussitôt, papa estime que nous sommes désormais trop grands pour être tondus.

   Folcoche ne sourcilla pas. Je m'assis, le dos volontairement bien calé contre la chaise. J'espérais des reproches qui ne vinrent pas. Notre mère venait de comprendre que la position horizontale lui enlevait toute majesté, toute puissance. Se donner le ridicule de déployer ses foudres en cet état, pas si bête ! Un de ses sourires (le mondain) fleurit bientôt autour de ses lèvres décolorées. Quand mon père, reprenant son chapeau et ses gants, lui annonça la visite prochaine de Cropette, elle protesta poliment :

  — C'est inutile, mon ami. Je rentrerai bientôt. Dieu merci !

   Elle ne devait pas rentrer avant plusieurs mois. Mais l'alerte fut chaude. Le soir, au dîner, papa se montra maussade, l'oblat absorbé, mes frères soucieux. Frédie renversa la soupière.

  — Vous en prenez un peu trop à votre aise depuis quelque temps ! tonna le vieux, qui se vengea sur le beurre (il lui fallait maintenant sa livre par semaine). Cependant, une fois la prière du soir expédiée, l'insouciance naturelle des enfants reprit le dessus, notre père se dérida et consentit même à faire un pont. Cette expression, propre au jargon familial, peut se traduire par le verbe pronominal " se promener ", avec une nuance de va-et-vient. La grande allée des platanes, en effet, bifurque devant le manoir et descend jusqu'à la rivière, qu'elle traverse sur un pont solennel. Elle perd alors son nom pour devenir l' " allée rouge ", qui file vers La Bertonnière, entre deux rangées de hêtres pourpres. La saison s'avançait. Papa s'enveloppa dans sa vieille peau de bique, pelée aux coudes et au derrière, remonta son col, s'enfonça dans la nuit avec nous. L'oblat suivait, à quelques mètres, égrenant son rosaire.

   La dissertation commença. Je ne saurais vous dire sur quel sujet. Faire un pont avec ses enfants et leur faire un cours avaient dans l'esprit de notre père sensiblement le même sens. Il y avait en lui un professeur sans élèves, dont ces occasions de pérorer décongestionnaient la cervelle. M. Rezeau lisait beaucoup, non des romans, mais des ouvrages scientifiques. Son érudition, servie par une prodigieuse mémoire, ouvrait au hasard ce que Frédie appellera plus tard " la discothèque du vieux ". Certains disques revenaient souvent. D'autres, les plus intéressants généralement, ne se sont fait entendre qu'une ou deux fois. Faisait-il beau ? Notre père, excité par les étoiles, se lançait dans la cosmographie. Sirius, qui fut Sothis, Bételgeuse, les rois mages, Proxima du Centaure, que l'on ne voit pas à l'œil nu, mais qui semble être notre voisine immédiate, Vénus et quelques autres clous du ciel me percent depuis lors la sclérotique, avec la même familiarité dont usaient les hiboux pour nous percer le tympan. Allait-on s'asseoir, quelques instants, sous le grand chêne du Puits-Philippe ? Nous apprenions immédiatement que cet arbre n'était pas de la variété Quercus robur, mais bien le Quercus americana, qu'il ne fallait pas confondre avec le Quercus cerrys, à glands hirsutes, dont un exemplaire figurait parmi les tulipiers (Lyrodendron tulipiferus) de la futaie. Le pissenlit, l'edelweiss, l'if, le cyprès, je cite en vrac, se nomment encore pour moi Taraxacum dens leottis, Gnaphalium leontopodium, Taxas viridis, Cupressus lamberciana.

   Une allusion, un nom historique jeté dans la conversation, et nous voilà aiguillés vers le glorieux passé des Rezeau, du Craonnais et de la France (dans l'ordre d'importance). A bas Michelet ! Vive Lenotre, Funck-Brentano et Gaxotte ! Nous sommes tout près de la politique, nous la frôlons, nous ne l'éviterons pas. M. Rezeau se préparait des fils bien-pensants. Un coup de canne bien placé, éteignant un vers luisant, faisant voler un caillou, ponctuait ses arguments. La bête noire, l'opprobre de ce temps, le génie malfaisant de la franc-maçonnerie s'appelait M. Herriot, l'homme qui avait eu le toupet de dire, en plein congrès radical tenu par bravade en la bonne ville blanche d'Angers, que le coffre-fort dans l'Ouest est souvent scellé d'une hostie. Le radicalisme représentait pour mon père l'opinion sérieuse, mais détestable de la boutiquaillerie française. Ne parlons pas des communistes, ni même des socialistes : on ne discute pas le bien-fondé des sentiments politiques que peuvent avoir les voleurs et les assassins. Or, ces gens-là, que sont-ils d'autre ?

   Le parti de son cœur, M. Rezeau ne le nommait jamais. Depuis sa condamnation par le pape, L'Action française avait disparu de La Belle Angerie. On n'y lisait plus que La Croix, où, parfois, le grand-oncle pondait un leader. Ce magma de connaissances nous était présenté, il faut le reconnaître, dans une langue très pure, qui avait la vertu des très bonnes sauces : elle faisait passer chaque bouchée, elle nous garantissait de l'indigestion. Un léger excès d'imparfait du subjonctif, une pointe de déclamation sorbonarde me faisaient cependant tiquer. Au surplus, nous n'avions pas le droit d'interrompre le conférencier :

   — Tais-toi. Tu me fais perdre le fil de mes idées, criait-il.

   Tout au plus pouvions-nous, lorsqu'il reprenait le souffle, risquer une question respectueuse, demander des éclaircissements. A la seule condition qu'il ne s'agit point d'une objection déguisée, M. Rezeau répondait, souvent de biais. Puis, il remontait le gramophone et nous accablait d'aphorismes. Le bon ton, le bon goût, les bonnes manières, le droit, le droit canon, tous les substantifs précédés de l'adjectif bon ou de l'adverbe bien, tous les jugements rectifiés, tous les imprimatur, tous les nihil obstat de cette encyclopédie du nom qui s'appelle l'Index, toute l'honorable décalcomanie des images d'Épinal trouvaient en lui leur meilleur champion.

   Cependant, n'en doutez pas, les Rezeau sont à l'avant-garde de la science et du progrès. Les Rezeau sont l'élite de la société contemporaine, le frein, le régulateur, le volant de sécurité de la pensée moderne. La noblesse est une caste vaine qui a trahi sa mission historique et ne présente plus que l'intérêt de relations ou d'alliances flatteuses. " Ces bons à rien... ", disait mon père, qui enchaînait je ne sais comment et finissait par dire avec orgueil : " Nous descendons des barons de Saint-Elme et des vicomtes de Cherbaye. "

   Quant à la bourgeoisie (dont il ne vit jamais qu'elle était en train de trahir, à son tour, sa mission historique), M. Rezeau la subdivisait en castes et sous-castes, à la tête desquelles, nous le répétons, marchait la nôtre, la bourgeoisie spirituelle, la vraie, la pure, la très vaticane, la non moins patriote, le sel de la terre, la fleur des élus. Trente familles au plus, mettons quarante pour être généreux, en font partie. Au-dessous d'elle, il y a la bourgeoisie des professions libérales. On trouve, à côté de cette dernière, la bourgeoisie financière, dont font, hélas ! partie les Pluvignec. (Sous-entendez : " Vous, mes propres enfants, vous n'êtes, somme toute, que des métis de cette variété. ") Enfin il y a la bourgeoisie commerçante. Les négociants sont donc des bourgeois, d'une qualité inférieure cependant. Le cas des pharmaciens est extrêmement discutable. On peut à la rigueur les recevoir, mais il est tout à fait impossible de fréquenter un épicier, même en gros. Le peuple, il y a aussi le peuple, qui fait si grossièrement fi de l'humanisme, qui boit du vin rouge sans y mettre d'eau, qui a du poil sur la poitrine et dont les filles se conduisent mal avec les étudiants... le peuple, à qui fut accordé par les radicaux le privilège exorbitant d'avoir par tête de pipe autant de droits civils et politiques qu'un Rezeau, le peuple, non pas populus, mais plebs, ce magma grouillant d'existences obscures et désagréablement suantes... le peuple (à prononcer du bout des lèvres comme " peu " ou même comme " peuh ! "), le peuple, cela se considère comme l'entomologiste étudie la termitière, en faisant des tranchées et des coupes, qui écrabouillent quelques insectes pour le plus grand bien de la science et de l'humanité. Bien sûr, il faut aimer le peuple et lui venir en aide, lorsqu'il est raisonnable. La conférence de Saint-Vincent de Paul, la visite des ouvroirs, l'intégrité dans l'établissement des fiches de paie, la rédaction d'opuscules édifiants, le tricot pour layettes, la fermeté des tribunaux, l'indulgence envers les conscrits, les assurances sociales qui sont toutefois inférieures aux sociétés de secours mutuels, le droit de grève limité par la grève du droit, le " bonjour, mon brave ", le verre de vin au facteur sur le seuil de la cuisine... tels sont les aspects de la sollicitude qui peut lui être vouée. Le reste, c'est du bolchevisme.

   Ainsi documentés sur les valeurs sociales, nous étions rejetés incontinent dans les valeurs scientifiques, non négligeables, certes, mais considérablement surfaites. M. Rezeau s'exaltait :

  — Constater l'admirable harmonie de l'univers — car je ne crains pas, vous le voyez, de citer cet affreux Voltaire —, découvrir les lois physiques pour s'en servir au mieux-être des hommes, classer, étiqueter, comme je le fais pour les sirphides, les plantes et les animaux, en vertu des services qu'ils peuvent rendre et des maux qu'ils peuvent causer à notre race, instituée par Dieu propriétaire de ce globe, tirer de toutes ces connaissances des arguments valables pour la dialectique de la Foi, la seule véritable science, tel est le rôle historique de notre famille. Si tous les hommes étaient sincères, si la plupart d'entre eux n'étaient pas les dupes ou les complices de la franc-maçonnerie, ils troqueraient toutes les encyclopédies contre une apologétique.

   Confondus par tant d'éloquence, nous trottions aux côtés de notre père, tandis que l'oblat suivait toujours à cinq mètres. Nous marchions quelque temps en silence, méditant ces hautes spéculations de l'esprit. Mais, généralement, M. Rezeau tombait de la métaphysique dans la migraine.

  — Il se fait tard, disait-il soudain, allons nous coucher.

   Et la fleur des élus, Rezeau le père, Rezeau le fils aîné, Rezeau cadet, Rezeau benjamin, suivis d'un saint oblat de petite extraction, rentraient à La Belle Angerie, tandis que les chats-huants, gavés de mulots, poussaient de grands éclats de rire. 

A suivre... 

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