mercredi 20 mars 2019

Les rois maudits - La loi des mâles - 3ème partie - ch 2 - Laissons faire Dieu




II
LAISSONS FAIRE DIEU

  Depuis vingt-quatre heures, la comtesse Mahaut ne décolérait pas. Devant Béatrice d’Hirson qui l’aidait à se vêtir pour le baptême du roi, elle laissa exploser sa rage et son dépit.  
 — On aurait pu croire, dolente comme l’était Clémence, qu’elle ne viendrait pas au terme de ses couches ? On en voit de plus fortes qui avortent en chemin. Non ! Elle a tenu ses neuf mois. Elle pouvait nous donner un enfant mort-né ? Nenni ! Son rejeton vit. Au moins ce pouvait être une fille ? Point ! Il a fallu que ce soit un garçon. Valait-il la peine, ma pauvre Béatrice, d’avoir tant fait et couru si gros périls, qui ne sont point encore écartés, pour être jouées par le sort de pareille façon ! 
  Car Mahaut, maintenant, était profondément convaincue de n’avoir assassiné le Hutin que pour donner à son gendre la couronne de France. Elle regrettait presque de n’avoir pas tué la femme en même temps que le mari, et toute sa haine se tournait à présent contre le nouveau-né qu’elle n’avait pas encore vu, contre le bébé auquel elle allait dans un moment servir de marraine et dont l’existence à peine éclose mettait un frein à ses ambitions. 
  Cette femme, puissante entre les puissants, richissime, despotique, avait une véritable nature de criminelle. Le meurtre était son moyen de prédilection pour infléchir le destin à son profit ; elle aimait en caresser le projet, en respirer le souvenir ; elle y puisait l’excitation des affres, les délectations de la ruse, la joie des triomphes secrets. Si un premier assassinat n’avait pas eu tout le résultat escompté, elle commençait d’accuser le sort d’injustice, se prenait elle-même en pitié, et se mettait tout naturellement à chercher la nouvelle tête qui lui faisait obstacle et qu’elle pourrait abattre. Béatrice d’Hirson, allant au-devant des pensées de la comtesse, dit lentement, en baissant ses longs cils : 
 — J’ai gardé, Madame… un peu de cette bonne farine qui nous a si bien servi pour les dragées du roi… ce printemps. 
 — Tu as bien fait, tu as bien fait, répondit Mahaut ; il vaut mieux être toujours pourvu ; nous avons tant d’ennemis ! Béatrice, qui était pourtant de belle taille, élevait les bras pour arranger la mentonnière de la comtesse et lui poser le manteau sur les épaules. — Vous allez tenir l’enfant, Madame. Vous n’aurez plus, peut-être, cette occasion de sitôt…, reprit-elle. Ce n’est qu’une poudre, vous savez… et qui s’aperçoit à peine sur le doigt. Elle parlait d’une voix suave, tentatrice, et comme s’il se fût agi d’une friandise. 
 — Ah non ! s’écria Mahaut, pas pendant le baptême ; cela nous porterait malheur ! 
 — Croyez-vous ? C’est une âme sans péché que vous rendriez au Ciel. 
 — Et puis Dieu sait comment mon gendre prendrait la chose ! Je n’ai pas oublié le visage qu’il eut quand je le dessillai sur la fin de son frère, et l’espèce de froideur qu’il me témoigne depuis. Trop de gens m’accusent à voix basse. C’est assez d’un roi pour l’année ; subissons un moment celui qui vient de nous naître. 
  Ce fut une maigre cavalcade, presque clandestine, qui partit pour Vincennes faire de Jean Ier un chrétien ; et les barons qui avaient préparé leurs atours, attendant d’être conviés à la cérémonie, en furent pour leurs frais. La maladie de la reine, le fait que la naissance ait eu lieu hors de Paris, la grisaille de l’hiver, et enfin le peu de joie qu’éprouvait le régent d’avoir un neveu, tout s’accordait pour que ce baptême fût rapidement expédié, comme une formalité. 
  Philippe arriva à Vincennes accompagné de son épouse Jeanne, de Mahaut, de Gaucher de Châtillon et de quelques écuyers. Il avait négligé d’avertir le reste de la famille. D’ailleurs Valois parcourait ses fiefs pour s’y faire de l’argent ; Évreux était resté à Amiens pour achever la liquidation de l’affaire d’Artois. Quant à Charles de La Marche, Philippe avait eu, la veille, une vive altercation avec lui. La Marche, en l’honneur de la naissance du roi, demandait à son frère l’élévation de son apanage en pairie ainsi qu’un accroissement de ses revenus. 
 — Eh ! mon frère, avait répondu Philippe, je ne suis que le régent ; le roi seul pourra vous conférer la pairie… à sa majorité. 
  Les premiers mots de Bouville, en accueillant le régent dans l’avant-cour du manoir, furent pour demander : 
 — Personne n’a d’armes, Monseigneur ? Personne ne porte dague, ni stylet, ni miséricorde ? 
  On ne pouvait savoir si cette inquiétude visait les gens d’escorte ou les parrains eux-mêmes. 
 — Je n’ai pas coutume, Bouville, répondit le régent, d’être suivi d’écuyers désarmés. 
  Bouville, à la fois timide et obstiné, pria les écuyers de rester dans la première cour. Ce zèle dans la prudence commença d’agacer le régent. 
 — J’apprécie, Bouville, dit-il, le soin avec lequel vous avez veillé au ventre de la reine ; mais vous n’êtes plus curateur ; c’est à moi-même et au connétable qu’il appartient, maintenant, de veiller sur le roi. Nous vous en laissons la charge, n’en abusez point. 
 — Monseigneur ! Monseigneur ! balbutia Bouville, je n’avais point dessein de vous offenser. Mais il se dit tant de choses dans le royaume… Enfin, je veux que vous voyiez que je suis fidèle à ma tâche, et que j’en sais tout l’honneur. 
  Il était peu habile à dissimuler. Il ne pouvait s’empêcher de regarder Mahaut de biais, et de rebaisser les yeux aussitôt. « Décidément, tout un chacun me soupçonne et se défie de moi », pensa la comtesse. Jeanne de Poitiers feignait de ne rien remarquer. Gaucher de Châtillon, qui était hors de l’affaire, brisa la gêne en disant : 
 — Allons, Bouville, ne nous laissez point geler : entrons donc. 
  On ne se rendit pas au chevet de la reine. Les nouvelles que donna madame de Bouville étaient fort alarmantes : la fièvre continuait de dévorer la malade qui se plaignait d’atroces maux de tête et était secouée à tout instant par des nausées. 
 — Son ventre se remet à gonfler comme si elle n’avait point accouché, expliqua madame de Bouville. Elle ne peut trouver le sommeil, supplie qu’on arrête les cloches qui lui sonnent aux oreilles et nous parle sans cesse comme si elle s’adressait non point à nous, mais à sa grand-mère, Madame de Hongrie, ou au roi Louis. C’est pitié que de l’entendre ainsi perdre la raison, sans pouvoir la faire taire. 
  Vingt ans de métier de chambellan auprès de Philippe le Bel avaient laissé au comte de Bouville une longue expérience des cérémonies royales. Combien de baptêmes déjà n’avait-il pas réglés ? Les objets rituels furent distribués aux assistants. Bouville et deux gentilshommes de la garde se passèrent au col de longues serviettes blanches dont ils tenaient les extrémités étendues devant eux, pour en recouvrir, l’un le bassin empli d’eau bénite, l’autre le bassin vide, le troisième la coupe qui contenait le sel. La ventrière prit le chrémeau dont on coifferait l’enfant après l’onction. 
  Puis la nourrice s’avança, portant le roi. « Oh ! La belle fille que voilà ! » pensa le connétable. Madame de Bouville avait fait revêtir à Marie de Cressay une robe de velours rosé, avec un peu de fourrure au col et aux poignets, et elle avait fait répéter longuement à la jeune femme les gestes qu’elle aurait à accomplir. Le bébé était empaqueté dans un manteau deux fois plus long que lui, sur lequel était posé un voile de soie violette qui tombait jusqu’au sol, comme une traîne. On se dirigea vers la chapelle du château. Des écuyers ouvraient la marche, tenant des cierges allumés. 
  Le sénéchal de Joinville venait le dernier, soutenu et pourtant chancelant. Néanmoins il était un peu sorti de sa torpeur habituelle parce que le nouveau-né s’appelait Jean, comme lui-même. La chapelle était tendue de tapisseries, et la pierre des fonts garnie de velours violet. À côté se trouvait une table où l’on avait étendu une couverture de menuvair, et par-dessus une nappe fine, et par-dessus encore placé des coussins de soie. Quelques grilles à braises ne suffisaient pas à dissiper l’humide froideur. 
  Marie déposa l’enfant sur la table pour le démailloter. Attentive à ne point faire d’erreurs, elle avait le cœur battant, et distinguait à peine les visages autour d’elle, tant elle était émue. Aurait-elle jamais imaginé, elle, fille chassée de sa famille, qu’il lui appartiendrait de tenir un rôle si important dans le baptême d’un roi, entre le régent de France et la comtesse d’Artois ? Éblouie par ce retour de fortune, elle était pleine de gratitude, à présent, pour madame de Bouville, et lui avait demandé pardon de son insoumission de la veille. 
  Tout en déroulant les langes, elle entendit le connétable s’informer de son nom, et d’où elle venait ; elle se sentit rougir. Le chapelain de la reine avait soufflé quatre fois sur le corps du nouveau-né, comme aux quatre branches d’une croix, pour ôter de lui le démon par la vertu du Saint-Esprit ; puis, crachant sur son index, il lui avait enduit de salive les narines et les oreilles, pour signifier qu’il ne devait pas écouter les voix du diable, ni respirer les tentations du monde et de la chair. 
  Philippe et Mahaut soulevèrent le petit roi l’un par les jambes et l’autre par les épaules. Le régent, de ses yeux myopes, considérait avec insistance le sexe minuscule de l’enfant, ce rose vermisseau qui mettait en échec toute sa savante combinaison successorale, ce dérisoire symbole de la loi des mâles, infime mais infranchissable obstacle entre lui et la couronne. « De toute manière, pensait Philippe pour se consoler, je suis régent durant quinze années. En quinze ans bien des choses peuvent survenir ; serai-je moi-même vivant dans quinze ans ? Et cet enfant vivra-t-il jusque-là ? » Mais régence n’est pas royauté. 
  L’enfant était resté fort calme, et même somnolent pendant les rites préliminaires. Il ne fit entendre sa voix que lorsqu’on le plongea entièrement dans l’eau froide ; mais alors, il hurla jusqu’à s’en étrangler. Par trois fois, tandis que les autres parrains et marraines, Gaucher, Jeanne de Poitiers, les Bouville, le sénéchal, étendaient les mains au-dessus de son petit corps nu, il fut immergé, d’abord avec la tête vers l’Orient puis au Nord, puis au Sud, pour figurer le dessin de la Croix.
   Jean I er se calma aussitôt qu’on l’eut sorti du bain glacial, et accepta paisiblement le saint chrême dont on lui oignit le front. Puis on le reposa sur les coussins où Marie de Cressay se mit à le sécher tandis que les assistants se tassaient au plus près de la chaleur des poêles à braise. Soudain la voix de Marie de Cressay emplit la chapelle. 
 — Seigneur ! Seigneur ! Il trépasse ! cria-t-elle.  
  Tous se projetèrent vers la table. Le bébé-roi avait pris une teinte bleue qui fonçait d’instant en instant jusqu’à devenir noirâtre ; il avait le corps raidi, les bras crispés, la tête tordue, et ses paupières ouvertes ne laissaient apparaître que des globes blancs. Une main invisible étouffait cette vie sans conscience, entourée de cierges vacillants et de fronts anxieusement penchés. Mahaut entendit murmurer : 
 — C’est elle. 
  Elle releva les yeux et rencontra les regards du ménage Bouville. 
 « Qui a donc fait le coup pour m’en charger ? » se demanda-t-elle. 
  Cependant la ventrière avait pris l’enfant des mains tremblantes de Marie et s’efforçait de le ranimer. 
  — Il n’est pas sûr qu’il meure, il n’est pas sûr, dit-elle. 
  Le nourrisson resta ainsi rigide, distendu et sombre près de deux minutes qui parurent infinies ; puis, brusquement, il fut agité de secousses violentes projetant la tête en tous sens. Les membres se retournaient ; on n’eût jamais cru qu’une telle force pût parcourir un corps si chétif ; la ventrière devait le serrer pour qu’il ne lui échappât. Le chapelain se signa, comme s’il était en présence d’une manifestation diabolique, et se mit à réciter les prières des agonisants. 
  L’enfant grimaçait, bavait ; son aspect noirâtre avait disparu pour faire place à une pâleur glacée, non moins effrayante. Un moment il parut s’apaiser, urina sur la robe de la ventrière et on le pensa sauvé. Puis aussitôt sa tête tomba ; il devint mou, inerte, et cette fois chacun vraiment le jugea mort.
 — Il était grand temps de le baptiser, dit le connétable. Philippe de Poitiers ôtait de ses mains les gouttes chaudes tombées des cierges. Et soudain le petit cadavre agita les pieds, poussa quelques cris, faibles encore mais plutôt joyeux, et ses lèvres s’animèrent d’un mouvement de succion. Le roi était en vie, et il voulait téter. 
 — Le démon s’est fort débattu avant de lui sortir du corps, dit le chapelain. 
 — Il n’est point fréquent, expliqua la ventrière, que les convulsions saisissent les enfants si tôt. C’est parce qu’il est venu avec les fers ; cela se voit parfois. Et puis le lait de la nourrice lui a manqué pendant plusieurs heures… 
  Marie de Cressay se sentit coupable. « Si au lieu de me disputer avec Madame de Bouville, j’étais accourue aussitôt… » pensa-t-elle. Nul, évidemment, n’aurait mis en cause l’immersion en eau froide, ni aucune des tares héréditaires, boiterie, démence, épilepsie, qui reparaissaient assez régulièrement dans la famille. 
 — Croyez-vous qu’il ait à souffrir d’autres accès ? demanda Mahaut. 
 — C’est fort à craindre, Madame, répondit la ventrière. On ne sait jamais l’entretien. 
 « Laisser faire Dieu… ou me laisser faire, moi ? pensa la comtesse d’Artois. Il est prudent, jusqu’à se garder de se souiller l’âme ; mais il m’a bien comprise… C’est ce gros niais de Bouville qui va me causer le plus de tracas. » 
  Dès cet instant son imagination commença de travailler. Mahaut avait un crime en perspective ; et que la future victime fût un nouveau-né lui excitait l’esprit autant que s’il se fût agi de l’adversaire le plus féroce. Elle entreprit une campagne soigneuse, perfide. Le roi n’était pas né viable ; elle le disait à tout venant, et décrivait, les larmes dans les yeux, la pénible scène du baptême. 
 — Nous l’avons tous cru trépassé devant nous, et il s’en est fallu de bien peu que ce ne fût vrai. Demandez plutôt au connétable qui était là comme moi ; je n’ai jamais vu messire Gaucher si fort pâlir… Chacun pourra juger d’ailleurs de la faiblesse du petit roi quand on le présentera à tous les barons, comme cela doit se faire. À savoir même s’il n’est pas déjà mort et qu’on nous le cache. Car cette présentation tarde beaucoup, sans qu’on nous en donne la raison. Messire de Bouville, paraît-il, s’y oppose, parce que la malheureuse reine… Dieu la protège !… serait au plus mal. Mais enfin la reine n’est pas le roi ! 
  Les familiers de Mahaut avaient charge de colporter ces propos. Les barons commencèrent à s’alarmer. En effet, pourquoi différait-on ainsi la présentation solennelle ? Le baptême à la sauvette, les prétendues dérobades de Bouville, l’impénétrable silence maintenu autour de Vincennes, tout était marqué de mystère. 
  Des rumeurs contradictoires circulaient. Le roi était infirme et l’on ne voulait pas le montrer. Le comte de Valois l’avait enlevé secrètement pour le mettre en sûreté. La maladie de la reine ? Une feinte. La reine et son enfant voyageaient en ce moment vers Naples. 
 — S’il est mort, qu’on nous le dise, murmuraient certains. 
 — Le régent l’a fait disparaître ! assuraient d’autres. 
 — Qu’allez-vous chanter là ? Le régent n’est point homme de cette sorte. Mais il se défie de Valois. 
 — Ce n’est point le régent ; c’est Mahaut. Elle prépare son forfait, s’il n’est même déjà accompli. Elle répète trop fort que le roi ne peut vivre !
  Tandis qu’un mauvais vent passait à nouveau sur la cour, qu’on s’énervait en conjectures odieuses, en soupçons d’infamie dont chacun se sentait éclaboussé, le régent, lui, demeurait impénétrable. Il s’absorbait dans l’administration du royaume, et si l’on venait à lui parler de son neveu, il répondait Flandre, Artois, ou rentrée des impôts. Au matin du 19 novembre, l’irritation montant, de nombreux barons et des maîtres au Parlement vinrent en délégation trouver Philippe et le prièrent avec force, le sommèrent presque, de consentir à la présentation du roi. Ceux-ci, qui s’attendaient à une réponse négative, ou dilatoire, avaient déjà dans l’œil une méchante lueur. 
 — Mais je souhaite, Messeigneurs, je souhaite autant que vous cette présentation, dit le régent. À moi-même on fait opposition ; c’est le comte de Bouville qui s’y refuse. 
  Puis, se tournant vers Charles de Valois, rentré depuis l’avant-veille de son comté du Maine, il lui demanda : 
 — Est-ce vous, mon oncle, pour les intérêts de votre nièce Clémence, qui empêchez Bouville de nous montrer le roi ? 
  L’ex-empereur de Constantinople, ne comprenant pas d’où lui tombait cette algarade, devint pourpre et s’écria : 
 — Mais, par Dieu juste, mon neveu, où allez-vous chercher cela ? Je n’ai jamais rien ordonné ni voulu de tel ! Je n’ai même pas vu Bouville, ni n’en ai reçu message depuis plusieurs semaines. Et je suis rentré tout exprès pour cette présentation. Je voudrais fort, au contraire, qu’on la fît et qu’on revînt à agir selon les coutumes de nos pères, ce qui n’a que trop tardé. 
 — Alors, Messeigneurs, dit le régent, nous sommes tous de même conseil et de même volonté… Gaucher ! Vous qui fûtes à la naissance de mon frère… c’est bien à la première marraine qu’il revient de présenter l’enfant royal aux barons ? 
 — Certes, certes, c’est à la marraine, répondit Valois, vexé que sur un point de cérémonial on fît appel à une autre compétence que la sienne. J’assistai à toutes les présentations, Philippe ; à la vôtre qui fut petite, puisque vous étiez second, comme à celle de Louis et ensuite de Charles. Toujours la marraine. 
 — Alors, reprit le régent, je vais faire savoir aussitôt à la comtesse Mahaut qu’elle ait à tenir tout à l’heure cet office, et donner ordre à Bouville de nous ouvrir Vincennes. Nous monterons à cheval à midi. 
  Pour Mahaut, c’était l’occasion attendue. Elle ne voulut personne que Béatrice pour l’habiller, et se coiffa d’une couronne ; le meurtre d’un roi valait bien cela. 
 — Combien de temps penses-tu qu’il faille à ta poudre pour avoir effet sur un enfant de cinq jours ? 
 — Cela, je ne sais pas, Madame… répondit la demoiselle de parage. Sur les cerfs de vos bois, le résultat s’est montré dans une nuit. Le roi Louis, lui, a résisté près de trois journées… 
 — J’aurai toujours, pour me couvrir, dit Mahaut, cette nourrice que j’ai vue l’autre jour, belle fille, ma foi, mais dont on ne sait d’où elle vient, ni qui l’a placée là. Les Bouville sans doute… 
 — Ah ! Je vous comprends, dit Béatrice en souriant. Si la mort n’apparaissait pas naturelle… on pourrait accuser cette fille, et la faire écarteler… 
 — Ma relique, ma relique, dit Mahaut avec inquiétude en se touchant la poitrine. Ah oui ! c’est bon, je l’ai. 
  Comme elle sortait de la chambre, Béatrice lui murmura : 
 — Surtout, Madame, n’allez pas par mégarde vous moucher. 

Demain "La loi des mâles" 3ème partie ch. 3 "Les ruses de Bouville" 

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