mardi 3 avril 2018

Portrait d'écrivain - Somerset Maugham


Somerset Maugham peint par Graham Sutherland (1949)

Maugham avait soixante-quinze ans quand le peintre

Graham Sutherland exécuta son portrait. Le tableau

reflète très éloquemment la manière dont le sujet

désirait être saisi par le peintre et la vision personnelle

de Sutherland. Bien droit et à peine adossé à un mur uni,

l’écrivain est assis sur un siège de bambou très

simplement ajouré, et il pose, bras croisés, fermement

mais sans rigidité. Il est vêtu d’une élégante veste

d’intérieur. Une très longue main aux doigts ornés de

bagues émerge de la manche gauche et de la manchette

très discrète d’une chemise blanche. La jambe gauche,

croisée sur le genou droit, met en valeur le pli impeccable

du pantalon, la chaussette sombre et le mocassin

chaussant un petit pied. C’est là sans doute une pose

familière, car, ainsi que l’a écrit Paul Bowles, lui aussi

écrivain voyageur : « Je n’ai jamais vu un homme avec

d’aussi petits pieds. Il se plaisait lui-même à les faire

remarquer, et il s’asseyait toujours les jambes croisées

afin de les mettre en valeur. » Graham Sutherland a

choisi une ligne d’horizon à hauteur de la taille du modèle,

attirant notre attention sur l’élégance de la pose, mais

dirigeant aussi notre regard vers le haut, vers le visage

de l’écrivain : mince, légèrement émacié, un long nez

légèrement busqué, et dont les ailes plongent vers les

commissures des lèvres. Leur arc fin et tendu encadre un

menton puissant, donnant à ce visage une expression à la

fois dédaigneuse et résolue. Légèrement abaissé vers le

portraitiste invisible sur la toile, le regard accuse cette


expression, non sans un soupçon d’ironie, de même que les

sourcils étirés vers le front, dont ils creusent les rides.

Ces rides, ces traits fermes semblent soulignés par la

convergence étudiée de tous les plis du vêtement,

suggérant, comme autant de signes, la complexité du

personnage. Ainsi paré d’élégance et d’équilibre

impassible, l’écrivain est, dirait-on, sur le point de

desserrer les lèvres pour nous lancer quelque facétieuse

épigramme.

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