vendredi 17 mai 2019

Les rois maudits - La louve de France - 2ème partie - Isabelle aux amours - ch 1 - La table du pape Jean 2


I
La table du pape Jean - 2


  Bouville, ayant rempli avec succès la première partie de sa mission, pouvait manger de bon appétit le civet d’anguilles, délectable, parfumé, onctueux, qui emplissait son écuelle d’argent. 
  — Les anguilles nous viennent de l’étang des Martigues, fit remarquer à Bouville le pape Jean. Les appréciez-vous ? 
  Le gros Bouville, la bouche pleine, ne put répondre que d’un regard émerveillé. La cuisine pontificale était somptueuse, et même les menus du vendredi y constituaient un régal rare. Thons frais, morues de Norvège, lamproies et esturgeons, accommodés de vingt manières et nappés de vingt sauces, se suivaient en procession sur des plats rutilants. Le vin d’Arbois coulait comme de l’or dans les timbales. Les crus de Bourgogne, du Lot ou du Rhône, accompagnaient les fromages. 
  Le Saint-Père, pour sa part, se contentait de grignoter du bout des gencives une cuillerée de pâté de brochet et de sucer un gobelet de lait. Il s’était mis en tête que le pape ne devait prendre que des aliments blancs. 
  Bouville avait à traiter d’un deuxième problème, et non moins délicat, pour le compte de Monseigneur de Valois. Un ambassadeur se doit d’aborder de biais les questions épineuses ; aussi Bouville crut parler fin en disant : 
  — Très Saint-Père, la cour de France a suivi avec beaucoup d’attention le concile de Valladolid qui fut tenu, voici deux ans, par votre légat, et où il a été ordonné que les clercs eussent à quitter leurs concubines… 
  — … sous peine s’ils ne le faisaient, enchaîna le pape Jean de sa petite voix rapide et étouffée, d’être privés dans les deux mois de la tierce partie des fruits de leurs bénéfices, et deux mois après d’un autre tiers, et encore après deux mois d’être privés de tout. En vérité, messire comte, l’homme est pécheur même s’il est prêtre, et nous savons bien que nous n’arriverons pas à supprimer tout péché. Mais au moins, pour ceux qui s’y entêteront, cela emplira nos coffres qui servent à faire le bien. Et beaucoup aussi éviteront de rendre publics leurs scandales. 
  — Et ainsi les évêques cesseront, comme ils ont trop coutume de le faire, d’assister en personne au baptême et au mariage de leurs enfants illégitimes.     
  Ayant dit cela, Bouville brusquement rougit. Était-ce bien habile de parler d’enfants illégitimes justement devant le cardinal du Pouget ? Un faux pas. Mais personne ne semblait y avoir pris garde. Bouville se hâta donc de poursuivre : 
  — Mais d’où vient, Très Saint-Père, qu’une punition plus forte ait été décrétée contre les prêtres dont les concubines ne sont pas chrétiennes ? 
   — La raison en est bien simple, messire comte, répondit le pape Jean. Le décret vise justement l’Espagne qui compte quantité de Maures… où nos clercs recrutent bien facilement des compagnes que rien ne gêne à forniquer avec la tonsure. 
  Il se tourna légèrement dans son grand siège, et un très bref sourire passa sur ses lèvres étroites. Il avait vu la direction où l’ambassadeur du roi de France cherchait à tirer l’entretien. Et maintenant il attendait, à la fois défiant et amusé, que messire de Bouville eût avalé une gorgée, afin de se donner courage, et affecté un air faussement aisé pour dire : 
  — Il est certain, Très Saint-Père, que ce concile a pris de sages édits qui nous serviront grandement lors de la croisade. Car nous aurons maints clercs et aumôniers pour accompagner nos armées, et qui s’avanceront en pays maure ; il serait mauvais qu’ils donnassent l’exemple de la méconduite. 
  Après quoi Bouville respira mieux, le mot de croisade était dit. Le pape Jean plissa les paupières, joignit les doigts. 
  — Il serait mauvais également, répondit-il posément, que la même licence se mît à proliférer dans les nations chrétiennes pendant que leurs armées auraient affaire outre-mer. Car on a toujours constaté, messire comte, que lorsque les armées de guerre sont loin à se battre, et qu’on a puisé dans les peuples les combattants les plus vaillants, il fleurit toutes sortes de vices dans ces royaumes comme si, la force s’éloignant, le respect qu’on doit aux lois de Dieu partait du même coup. Les guerres offrent de grandes occasions de péché… Monseigneur de Valois est-il toujours aussi ferme sur cette croisade dont il veut honorer notre pontificat ? 
  — Eh bien ! Très Saint-Père, les députés de la Petite Arménie… 
  — Je sais, je sais, dit le pape Jean en écartant et rapprochant ses maigres doigts. C’est moi-même qui ai envoyé ces députés à Monseigneur de Valois. 
  — Il nous parvient de toutes parts que les Maures, sur les rivages… 
  — Je sais. Les rapports me parviennent en même temps qu’à Monseigneur de Valois. 
  Les conversations particulières s’étaient arrêtées le long de la grande table. L’évêque Pierre de Mortemart qui accompagnait Bouville dans sa mission, et dont on disait qu’il serait bientôt promu cardinal, prêtait l’oreille, et tous les neveux et cousins, prélats ou dignitaires, en faisaient autant. Les cuillers glissaient sur le fond des assiettes comme sur du velours. Le souffle singulièrement assuré, mais sans timbre, qui sortait de la bouche du Saint-Père était difficile à saisir, et il fallait une grande habitude pour le capter d’un peu loin. 
  — Monseigneur de Valois, que j’aime d’un amour très paternel, nous a fait consentir la dîme ; mais jusqu’à présent cette dîme ne lui a servi qu’à confisquer l’Aquitaine et à soutenir sa candidature au Saint Empire. Ce sont entreprises très nobles, mais qui ne s’appellent point croisades. Je ne suis nullement certain, l’an prochain, de consentir à nouveau cette dîme et moins encore, messire comte, de consentir aux subsides supplémentaires que l’on me demande pour l’expédition. 
  Bouville reçut durement le coup. Si c’était là tout ce qu’il devait rapporter à Paris, Charles de Valois entrerait dans une belle fureur. 
  — Très Saint-Père, répondit-il en s’efforçant à la froideur, il avait semblé au comte de Valois comme au roi Charles que vous étiez sensible à l’honneur que la chrétienté pourrait retirer… 
  — L’honneur de la chrétienté, mon cher fils, est de vivre en paix, coupa le pape en frappant légèrement sur la main de Bouville. 
  — Est-ce attenter à la paix chrétienne que de vouloir ramener les Infidèles à la vraie foi et d’aller combattre chez eux l’hérésie ? 
  — L’hérésie ! L’hérésie ! répondit le pape Jean dans un chuchotement. Occupons-nous donc d’abord d’arracher celle qui fleurit dans nos nations et ne nous soucions point tant d’aller presser les abcès sur le visage du voisin quand la lèpre ronge le nôtre ! L’hérésie est mon souci, et je m’entends assez bien je crois à la poursuivre. Mes tribunaux fonctionnent, et j’ai besoin de l’aide de tous mes clercs, comme de celle de tous les princes chrétiens, pour la traquer. Si la chevalerie d’Europe prend le chemin de l’Orient, le diable aura champ libre en France, en Espagne et en Italie ! Depuis combien de temps Cathares, Albigeois, et Spirituels se tiennent-ils en paix ? Pourquoi ai-je fragmenté le gros diocèse de Toulouse, qui était leur repaire, et créé seize nouveaux évêchés dans la Langue d’oc ? Et vos pastoureaux dont les bandes ont déferlé jusqu’à nos remparts voici bien peu d’années, n’étaient-ils pas conduits par l’hérésie ? Ce n’est pas sur le temps d’une seule génération que l’on extirpe un tel mal. Il faut attendre les fils des petits-fils pour en avoir fini. 
  Tous les prélats présents pouvaient témoigner de la rigueur avec laquelle Jean XXII poursuivait l’hérésie. Si l’on avait consigne de se montrer coulant, moyennant finances, contre les petits péchés de la nature humaine, les bûchers en revanche flambaient haut contre les erreurs de l’esprit. On répétait volontiers le mot de Bernard Délicieux, moine franciscain qui avait entrepris de lutter contre l’inquisition dominicaine, et poussé l’audace jusqu’à prêcher en Avignon. « Saint Pierre et saint Paul, disait-il, ne pourraient eux-mêmes se défendre d’hérésie, s’ils revenaient en ce monde et étaient poursuivis par les Accusateurs. » 
  Délicieux avait été condamné à la réclusion perpétuelle. Mais, en même temps, le Saint-Père donnait diffusion à certaines idées étranges, issues de sa vivace intelligence, et qui, émises du haut de la chaire pontificale, n’étaient pas sans provoquer de grands remous parmi les docteurs des facultés de théologie. Ainsi s’était-il prononcé contre l’Immaculée Conception de la Vierge Marie qui ne constituait pas un dogme, certes, mais dont le principe était généralement admis. Il admettait tout au plus que le Seigneur eût purifié la Vierge avant sa naissance, mais à un moment, déclarait-il, difficile à préciser. 
  Jean XXII, d’autre part, ne croyait pas à la Vision béatifique, en tout cas jusqu’au Jugement dernier, déniant par là qu’il y eût encore aucune âme en Paradis et, partant, en Enfer. Pour beaucoup de théologiens, de telles propositions fleuraient un peu le soufre. Aussi, à cette table même, se trouvait assis un grand cistercien nommé Jacques Fournier, ancien abbé de Fontfroide qu’on appelait « le cardinal blanc » et qui employait toutes les ressources de sa science apologétique à soutenir et justifier les thèses hardies du Saint-Père. Celui-ci poursuivait : 
  — Veuillez donc, messire comte, ne point trop vous mettre en tracas pour l’hérésie des Maures. Faisons garder nos côtes contre leurs navires, mais laissons-les au jugement du Seigneur tout-puissant dont ils sont, après tout, les créatures, et qui avait bien sans doute quelque intention sur eux. Qui de nous peut affirmer ce qu’il advient des âmes qui n’ont pas encore été touchées par la grâce de la révélation ?     
  — Elles vont en enfer, je pense, dit naïvement Bouville. 
  — L’enfer, l’enfer ! souffla le frêle pape en haussant les épaules. Ne parlez donc point de ce que vous ignorez. Et ne me contez point non plus… nous sommes trop vieux amis, messire de Bouville… que c’est pour faire le salut des Infidèles que Monseigneur de Valois demande à mon Trésor douze cent mille livres de subsides. D’ailleurs, le comte de Valois, je le sais, n’a plus aussi grand désir de sa croisade. 
  — À vrai dire, Très Saint-Père, dit Bouville en hésitant un peu… sans être informé comme vous l’êtes, il me paraît toutefois… 
  « Oh ! Le mauvais ambassadeur ! pensa le pape Jean. Si j’étais à sa place, mais je me ferais croire à moi-même que Valois a déjà réuni ses bannières, et je ne me tiendrais point quitte à moins de trois cent mille livres. » 
  Il laissa Bouville suffisamment s’empêtrer. 
  — Vous direz à Monseigneur de Valois, déclara-t-il enfin, que nous renonçons à la croisade ; et comme je sais Monseigneur un fils très respectueux des décisions de la Sainte Église, je suis sûr qu’il s’inclinera. 
  Bouville se sentait fort malheureux. Certes, tout le monde était prêt à abandonner le projet de la croisade mais pas comme cela, en deux phrases, et sans contrepartie. 
  — Je ne doute pas, Très Saint-Père, répondit Bouville, que Monseigneur de Valois ne vous obéisse ; mais il a déjà engagé, outre l’autorité de sa personne, de grandes dépenses. 
  — Combien faut-il à Monseigneur de Valois pour ne pas trop souffrir d’avoir engagé son autorité personnelle ? 
  — Très Saint-Père, je ne sais, dit Bouville rougissant, Monseigneur de Valois ne m’a pas chargé de répondre à telle question. 
  — Mais si, mais si ! Je le connais assez pour savoir qu’il l’avait prévue. Combien ? 
  — Il a déjà beaucoup avancé aux chevaliers de ses propres fiefs afin d’équiper leurs bannières… 
  — Combien ? 
  — Il s’est préoccupé de cette nouvelle artillerie à poudre… 
  — Combien, Bouville ? 
  — Il a passé grosses commandes d’armes de toutes sortes… 
  — Je ne suis pas homme de guerre, et ne vous demande point le compte des arbalètes. Je vous demande seulement de me dire la somme par laquelle Monseigneur de Valois se tiendrait pour dédommagé.  
  Il souriait de mettre son interlocuteur au gril. Et Bouville lui-même ne put s’empêcher de sourire à voir toutes ses grosses ruses percées comme une écumoire. Allons, il lui fallait le prononcer ce chiffre ! Il prit une voix aussi chuchotante que celle du pape pour murmurer : 
  — Cent mille livres… 
  Jean XXII hocha la tête et dit : 
  — C’est l’exigence habituelle du comte Charles. Il me paraît même que les Florentins, naguère, pour se libérer de l’aide qu’il leur avait portée, ont dû lui donner davantage. Aux Siennois, il en a coûté un peu moins pour qu’il consente à quitter leur ville. Le roi d’Anjou, en une autre occasion, a dû se saigner d’une somme identique pour le remercier d’un secours qu’il ne lui avait pas demandé ! C’est un moyen de finances comme un autre… Votre Valois, savez-vous, Bouville, est un bien gros larron ! Allons, rapportez-lui la bonne nouvelle… Nous lui donnerons ses cent mille livres, et notre bénédiction apostolique ! 
  Il était assez satisfait, en somme, de s’en tirer à ce prix. Et Bouville, pour sa part, se sentait bien aise ; sa mission se trouvait accomplie. Discuter avec le souverain pontife comme avec quelque négociant lombard lui eût été vraiment pénible ! Mais le Saint-Père avait de ces mouvements qui n’étaient peut-être pas exactement de la générosité, mais une simple estimation du prix dont il devait payer son pouvoir. 
  — Vous souvenez-vous, messire comte, continuait le pape, du temps où vous m’apportiez, ici même, cinq mille livres de la part du comte de Valois pour assurer l’élection d’un cardinal français ? En vérité, ce fut de l’argent placé à bon intérêt ! 
  Bouville s’attendrissait toujours sur ses souvenirs. Il revoyait cette prairie brumeuse dans la campagne, au nord d’Avignon, ce pré du Pontet, et le curieux entretien qu’ils avaient eu, tous deux assis sur une murette. 
  — Oui, je me rappelle, Très Saint-Père, dit-il. Savez-vous que lorsque je vous vis approcher, ne vous ayant jamais rencontré, je crus qu’on m’avait trompé, que vous n’étiez pas cardinal, mais un tout jeune clerc qu’un prélat avait déguisé pour l’envoyer à sa place ? 
  Le compliment fit sourire le pape Jean. Lui aussi se rappelait. 
  — Et ce jeune Siennois, Guccio Baglioni, qui travaillait dans la banque et vous accompagnait alors, qu’est-il devenu ? demanda-t-il. Vous me l’avez ensuite envoyé à Lyon, où il me fut fort utile, pendant le conclave muré. J’en avais fait mon damoiseau. J’imaginais le voir reparaître. Il est bien le seul qui m’ait rendu un service autrefois et qui ne soit pas venu quêter une grâce ou une charge ! 
  — Je ne sais, Très Saint-Père, je ne sais. Il est reparti pour son Italie natale. Moi non plus je n’en ai plus jamais reçu nouvelles. 
  Mais Bouville s’était troublé pour répondre, et ce trouble n’avait pas échappé au pape. 
  — Il avait eu, si je me souviens bien, une mauvaise affaire de mariage, ou de faux mariage, avec une fille de noblesse qu’il avait rendue mère. Les frères le poursuivaient. N’est-ce pas cela ? 
  Ah ! Certes, le Saint-Père disposait d’une terrible mémoire ! 
  — Je suis surpris vraiment, insistait-il, que ce Baglioni, protégé par vous, protégé par moi, et exerçant le métier d’argent, n’en ait pas profité pour faire sa fortune. Cet enfant qu’il devait avoir, est-il né ? A-t-il vécu ? 
  — Oui, oui, il est né, dit hâtivement Bouville. Il vit quelque part en campagne, auprès de sa mère. 
  Il montrait de plus en plus de gêne. 
  — On m’a dit, qui donc m’a dit ?… poursuivit le pape, que cette même demoiselle, ou dame, avait été nourrice du petit roi posthume qui vint à Madame Clémence de Hongrie pendant la régence du comte de Poitiers. Est-ce bien cela ? 
  — Oui, oui, Très Saint-Père, je crois que c’est elle.   
  Un frémissement passa dans les mille rides qui grillageaient le visage du pape. 
  — Comment, vous croyez bien ? N’étiez-vous pas curateur au ventre de Madame Clémence ? Et au plus près d’elle quand le malheur de perdre son fils lui survint ? Vous deviez bien savoir qui était la nourrice ? 
  Bouville se sentit devenir pourpre. Il aurait dû se méfier quand le Saint-Père avait prononcé le nom de Guccio Baglioni, et se dire qu’une intention se cachait derrière ce souvenir. Le détour était un peu plus habile que les siens propres, lorsqu’il passait par le concile de Valladolid pour en arriver aux finances du comte de Valois. D’abord, le Saint-Père devait sûrement avoir des nouvelles de Guccio, puisque ses banquiers, les Bardi, travaillaient avec les Tolomei de Sienne. Les petits yeux gris du pape ne quittaient pas les yeux de Bouville, et les questions continuaient : 
  — Madame Mahaut d’Artois a eu un gros procès où vous avez dû témoigner ? Qu’y a-t-il eu de vrai, cher sire comte, dans cette affaire ? 
  — Oh ! Très Saint-Père, rien que ce que la justice a éclairé. Des malveillances, des propos rapportés dont Madame Mahaut a voulu se laver. 
  Le repas touchait à sa fin et les écuyers, passant les aiguières et les bassins, versaient l’eau sur les doigts des convives. Deux chevaliers nobles s’approchaient pour tirer en arrière le siège du Saint-Père. 
  — Sire comte, dit celui-ci, j’ai été bien heureux de vous revoir. Je ne sais, vu mon grand âge, si cette joie me sera accordée une autre fois… 
  Bouville, qui s’était levé, respira mieux. L’instant des adieux semblait arriver, qui allait mettre un terme à cet interrogatoire. 
  — … Aussi, avant votre départ, reprit le pape, je veux vous faire la plus grande grâce que je puisse accorder à un chrétien. Je vais vous entendre moi-même en confession. Accompagnez-moi dans ma chambre. 

Demain "La louve de France" 2ème partie - ch 2 - "La pénitence est pour le Saint Père" 

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