dimanche 5 janvier 2020

Le livre de la semaine - 3 - Françoise Sagan - Bonjour Tristesse

La villa est magnifique, l'été brûlant, la Méditerranée toute proche. Cécile a dix-sept ans. Elle ne connaît de l'amour que des baisers, des rendez-vous, des lassitudes. Pas pour longtemps. Son père, veuf, est un adepte joyeux des liaisons passagères et sans importance. Ils s'amusent, ils n'ont besoin de personne, ils sont heureux. La visite d'une femme de cœur, intelligente et calme, vient troubler ce délicieux désordre. Comment écarter la menace ? Dans la pinède embrasée, un jeu cruel se prépare.
C'était l'été 1954. On entendait pour la première fois la voix sèche et rapide d'un " charmant petit monstre " qui allait faire scandale. La deuxième moitié du XXe siècle commençait. Elle serait à l'image de cette adolescente déchirée entre le remords et le culte du plaisir.
Bonjour tristesse est le premier, roman de Françoise Sagan publié en 1954. Elle n’a que 18 ans.
Cette œuvre connaît un succès de scandale foudroyant. Son titre est tiré du deuxième vers du poème « À peine défigurée » du recueil La Vie immédiate de Paul Eluard.
L'été 1953, elle rédige en cachette en six semaines son roman. Elle le confie à sa première lectrice, son amie Florence Malrauxe. Le manuscrit est ainsi remis à Colette Audry collaboratrice aux Temps Modernes qui tombe sous le charme de cette œuvre d'une adolescente qui a parfaitement saisi l'inconscience cruelle de cet âge. Audry convainc Françoise de modifier la fin pour la rendre plus énigmatique.
Le 6 janvier 1954, Elle dépose Bonjour tristesse qu'elle a fait taper à la machine chez Julliard et chez Plon. Julliard perçoit immédiatement le succès que peut obtenir un livre aux thèmes aussi neufs, signée par une auteure aussi jeune, dans un style soigné.L'écrivaine est mineure à l'époque et son père, par peur de voir la famille harcelée après recherche de son nom, Quoirez, lui conseille de prendre un pseudonyme.Elle adore déjà Proust et choisit celui du Prince de Sagan dans ‘’La recherche du temps perdu'’
Éditeur d'avant-garde audacieux, Julliard se rappelant le scandale provoqué à la sortie en 1923 du jeune Raymond Radiguet avec  ‘’Le diable au corps’’ décide de le sortir estampillé d'un bandeau sur lequel est écrit « le diable au cœur ». Lancé à 20 000 exemplaires le 15 mars 1954, sur fond d'émancipation féminine, le roman reçoit un accueil critique suspicieux. Le 25 mai, Bonjour tristesse est couronné du prix des Critiques, ce qui suscite l'intérêt de la presse et rend désormais la critique élogieuse. Pour cette dernière, l'auteur tient à la fois lieu de « Radiguet en jupon » et de « nouvelle Colette » F. Mauriac dans le Figaro condamne cette nouvelle stature d'auteur en condamnant le « dévergondage de l'adolescence féminine, plaie d'une époque où les plaies ne se comptent plus ». Qualifiant l'auteur de « charmant petit monstre de dix-huit ans », l'éditorial de Mauriac donne lieu à d'innombrables polémiques qui participent au grand succès public du livre, ce qui rend la jeune romancière riche et célèbre en un temps record ; elle dira à ce sujet : « La gloire, je l'ai rencontrée à 18 ans en 188 pages, c'était comme un coup de grisou ».
66 ans aprés que reste-t-il de ‘’Bonjour tristesse’’ ? Tout ! Ce livre n’a rien perdu de son charme, ni l’écriture de son éclat… Certes ce qui paraissait scandaleux en 1954 s’est un peu émoussé, mais le personnage de Cécile, sa légèreté, son insouciante jeunesse, son cynisme, son égoïsme inconscient, son côté ‘’jeune fille libre’’ sont étonnamment modernes.
Charmant monstre pour François Mauriac, elle a pour Jean -Paul Sartre ‘’l’intelligence des gentils’'et  pour André Malraux ‘’la générosité de l’intelligence’’. Telle est Françoise Sagan. C’est un personnage autant qu’un écrivain, un patronyme autant qu’un prénom.
L’intégralité de ses romans a été réunie en un volume dans la collection ‘’Bouquins’’. A rédécouvir . Plaisir intact.

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