mardi 18 septembre 2018

La reine étranglée - 3àme partie - ch - 2 - les comlptes du royaume






II
LES COMPTES DU ROYAUME

Spinello Tolomei n’était pas un homme pressé. Il réfléchit deux bonnes journées ; puis, la troisième, ayant mis sa chape par-dessus son manteau fourré, car la pluie tombait en giboulées, il se rendit à l’hôtel de Valois. Il fut reçu rapidement par le comte de Valois lui-même et par Monseigneur d’Artois, tous deux assez meurtris, aigres en leurs propos, avalant mal leur défaite et cherchant à échafauder de vagues plans de vengeance. L’hôtel paraissait beaucoup plus calme que les mois passés, et l’on sentait bien que le vent de la faveur soufflait de nouveau du côté de Marigny. 
  — Messeigneurs, dit Tolomei aux deux grands barons, vous vous êtes conduits ces dernières semaines d’une manière qui, si vous teniez banque ou commerce, vous eût menés tout bonnement à fermer comptoir. 
  Il pouvait se permettre ce ton de semonce ; il s’en était acquis le droit pour dix mille livres, non pas versées de sa poche, mais qu’il avait garanties. 
  — Vous ne m’avez point demandé d’avis ; je ne vous en ai donc pas donné, reprit-il. Mais j’aurais pu vous certifier qu’un homme aussi puissant et aussi averti que l’est messire Enguerrand ne s’amusait pas à mettre les mains dans les coffres du roi. Des comptes purs ? Bien sûr que ses comptes sont purs. S’il a trafiqué, c’est d’autre manière. 
  Puis, s’adressant directement au comte de Valois :    — Je vous ai obtenu quelque argent, Monseigneur Charles, afin de vous hisser dans la confiance du roi. Cet argent devait être promptement rendu. 
  — Mais il le sera, messer Tolomei, il le sera. 
  — Et quand cela, Monseigneur ? Je n’aurai point l’audace de douter de votre parole. Je suis certain de la créance ; encore m’intéresserais-je à savoir quand et par quels moyens elle sera remboursée. Or vous n’avez plus la gestion du Trésor ; la voici repassée à Marigny. D’autre part, je ne vois pas qu’ait été promulguée aucune ordonnance concernant l’émission des monnaies, ce qui nous tenait fort à cœur, ni aucune non plus rétablissant le droit de guerre privée. Marigny y fait obstacle. 
  — Et qu’avez-vous à proposer pour venir à bout de ce sanglier puant ? s’écria Robert d’Artois. Nous y sommes aussi attachés que vous, croyez-le, et si vous pouvez avancer une idée meilleure que les nôtres, elle sera bienvenue. C’est une chasse où nous avons besoin de chiens de relais. 
  Tolomei lissa les plis de sa robe, croisa les mains sur son ventre. 
  — Messeigneurs, je ne suis pas chasseur, répondit-il, mais je suis Toscan de naissance, et je sais que, quand on ne peut abattre son ennemi de face, il faut l’attaquer de profil. Vous vous êtes portés trop franchement au combat. Cessez donc d’accuser Marigny et de répandre partout qu’il est un voleur, puisque le roi a certifié qu’il ne l’était point. Paraissez pour un temps accepter qu’il gouverne ; feignez même de vous réconcilier avec lui ; et puis, par-derrière, faites enquêter dans les provinces. N’en chargez point les officiers royaux, car ils sont les créatures de Marigny, et justement ceux qu’il vous faut viser. Mais dites aux nobles, grands et petits, sur qui vous avez influence, de vous instruire des agissements des prévôts. En bien des lieux, la moitié seulement des tailles perçues parvient au Trésor. Ce qu’on ne prend point en argent, on le prend en vivres que l’on revend à prix prohibés. Faites enquêter, vous dis-je ; et d’autre part obtenez du roi qu’il convoque tous les prévôts, receveurs et commis de finances afin que leurs livres soient examinés. Par qui ? Par Marigny, assisté bien sûr des barons et des conseillers aux comptes. Et en même temps vous produirez vos enquêteurs. Alors je vous dis qu’il apparaîtra de telles malversations, et si monstrueuses, que vous pourrez sans peine en rejeter la faute sur Marigny, et sans plus vous soucier de savoir s’il est innocent ou coupable. Ce faisant, Monseigneur Charles, vous aurez les nobles pour vous, qui rechignent à voir sur leurs fiefs les sergents de Marigny se mêler à tout ; et vous aurez aussi le bas peuple qui crève de famine et cherche des responsables à sa misère. Voilà, Messeigneurs, le conseil que je m’autorise à vous donner, et celui que je porterais au roi si j’étais en votre position… Sachez de surcroît que nos compagnies lombardes, qui tiennent comptoir en de nombreux endroits, peuvent si vous le souhaitez aider à votre enquête. Valois réfléchit quelques instants. 
  — Le difficile, dit-il, sera de décider le roi, car il est pour l’heure tout entiché de Marigny et de son frère l’archevêque, dont il attend un pape. 
  — En ce qui regarde l’archevêque, ne vous inquiétez pas, répliqua le banquier. Je dispose à son usage d’une muselière dont je me suis déjà servi une fois, et que je lui repasserai au nez le moment venu. 
  Lorsque Tolomei fut sorti, d’Artois dit à Valois : 
  — Ce bonhomme-là décidément est plus fort que nous. 
  — Plus fort… plus fort… répondit Valois. C’est-à-dire qu’il nous précise dans son langage de marchand les choses que nous pensions déjà. 
  Mais il s’empressa, dès le lendemain, de se conformer aux instructions du capitaine général des Lombards, lequel pour une garantie de dix mille livres donnée à ses confrères italiens, s’était offert le luxe de diriger la France. Un bon mois d’insistance fut nécessaire à Monseigneur de Valois pour convaincre le roi. En vain Valois répétait à son neveu: 
  — Rappelez-vous les derniers mots de votre père. Rappelez-vous comme il vous a dit : « Louis, sachez au plus tôt l’état de votre royaume. » Eh bien, c’est en convoquant tous les prévôts et receveurs que vous connaîtrez cet état. Et notre saint aïeul dont vous portez le nom vous montre l’exemple en cela aussi. Il ordonna une grande enquête de la sorte, l’an 1247… 
  Or Marigny n’était pas hostile au principe d’une telle réunion ; il y voyait l’occasion de reprendre en main les agents royaux. Car lui aussi constatait des relâchements dans l’administration. Mais il estimait sage de surseoir à la convocation ; il affirmait que le moment était mal choisi, alors que la misère aigrissait le peuple et que les ligues de barons s’agitaient, pour éloigner de leurs résidences, d’un seul coup, tous les officiers du roi. 
  Il était indéniable que, depuis la mort de Philippe le Bel, l’autorité centrale s’affaiblissait. En réalité, deux pouvoirs s’opposaient, s’empêtraient, s’annulaient l’un l’autre. On obéissait ou bien à Marigny, ou bien à Valois. Tiraillé entre les deux partis, mal renseigné, ne sachant distinguer la calomnie de l’information véritable, et incapable par nature de trancher franchement, Louis X accordait sa confiance tantôt à gauche, tantôt à droite, et croyait gouverner alors qu’il ne faisait que subir. Cédant à la violence des ligues, et sur avis de la majorité de son Conseil, Louis, le 19 mars de cette année 1315, c’est-à-dire après trois mois et demi de règne, signa la charte aux seigneurs normands, qui allait être suivie presque aussitôt des chartes aux Languedociens, aux Bourguignons, aux Champenois, aux Picards, la dernière intéressant tout particulièrement le comte de Valois et Robert d’Artois. 
  Ces édits effaçaient toutes les dispositions, scandaleuses aux yeux des privilégiés, par lesquelles Philippe le Bel avait interdit les tournois, guerres privées et gages de bataille. Il était à nouveau permis aux gentilshommes « de guerroyer les uns aux autres, chevaucher, aller, venir et porter les armes »… Autrement dit, la noblesse française retrouvait son droit ancestral et chéri à se ruiner en vraies ou fausses batailles, à se massacrer, et à ravager à l’occasion le royaume pour vider des querelles de personnes. 
  Quel souverain monstrueux, en vérité, et dont la mémoire méritait d’être honnie, que celui qui pendant trente ans l’avait privée de ces honnêtes passe-temps ! Également, les seigneurs redevenaient libres de distribuer des terres et de se créer de nouveaux vassaux, donc souvent de nouveaux profits, sans avoir à en référer au roi. Pour tout litige, les nobles ne devaient désormais comparaître que devant des juridictions nobles. Les sergents et prévôts du roi ne pouvaient plus arrêter les délinquants ou les citer en justice sans en référer d’abord au seigneur du lieu. Les bourgeois et paysans libres n’étaient plus autorisés, sauf en quelques cas exceptionnels, à sortir des terres des seigneurs pour venir se réclamer de la justice du roi. Relativement aux subsides militaires et aux levées de troupes, les barons reprenaient une espèce d’indépendance qui leur permettait de décider s’ils voulaient ou non participer aux guerres nationales, et, dans l’affirmative, combien ils souhaitaient se faire payer. Marigny parvint à faire inscrire à la fin de ces chartes une formule vague concernant la suprême autorité royale et tout ce qui « d’ancienne coutume appartenait au souverain prince et à nul autre ». Cette formule de droit laissait la possibilité à un monarque fort de reprendre pièce par pièce tout ce qui venait d’être cédé. Valois pourtant y consentit, car pour lui, lorsqu’on disait « anciennes coutumes », il entendait « Saint Louis ». 
  Mais Marigny nourrissait peu d’illusions ; en esprit comme en fait, c’étaient toutes les institutions du Roi de fer qui s’effondraient. Marigny sortit de ce conseil du 19 mars en déclarant qu’on y avait creusé le lit pour de grands troubles. Dans le même temps, la convocation des prévôts, trésoriers et receveurs fut enfin décidée ; on expédia, dans tous les bailliages et sénéchaussées, des enquêteurs officiels qu’on appela des « réformateurs », mais sans leur accorder les délais convenables à une inspection sérieuse, puisque la réunion était fixée au milieu du mois suivant ; et comme on cherchait un lieu où tenir cette assemblée, Charles de Valois proposa Vincennes, en souvenir de Saint Louis. 
  Donc, au jour dit, Louis Hutin, ses pairs, ses barons, les dignitaires et principaux officiers de la couronne, les membres du Conseil et de la Chambre des Comptes, se rendirent en grand équipage au manoir de Vincennes. Cette belle chevauchée attira les gens sur le pas des portes ; les gamins suivaient en criant : « Vive le Roi ! » dans l’espoir de recevoir une poignée de dragées. Le bruit s’était répandu que le roi allait juger les receveurs d’impôts, et rien, à défaut de pain, ne pouvait davantage satisfaire le peuple. Le temps d’avril était doux avec des nuages légers qui couraient dans le ciel au-dessus des chênes de la forêt ; un vrai temps de printemps qui redonnait espérance. Si la disette continuait de sévir, au moins en avait-on fini du froid, et l’on se disait que la récolte prochaine serait bonne, si les saints de glace ne tuaient pas les blés nouveaux. 
  À proximité du manoir royal, une immense tente avait été dressée, comme pour quelque fête ou grand mariage, et deux cents receveurs, trésoriers et prévôts s’y tenaient alignés, les uns sur des bancs de bois, les autres par terre, assis en tailleur. Sous un dais brodé aux armes de France, le jeune roi, couronne en tête, sceptre en main, vint occuper son faudesteuil, sorte de pliant hérité du siège curule et qui, depuis les origines de la monarchie française, servait de trône au souverain en déplacement. Les accoudoirs du faudesteuil de Louis X étaient sculptés de têtes de lévriers, et le fond garni d’un coussin de soie rouge. Pairs et barons prirent place de part et d’autre du roi, et les conseillers aux Comptes s’installèrent derrière de longues tables posées sur des tréteaux. Les fonctionnaires royaux, portant leurs registres, furent alors appelés, en même temps que les réformateurs qui avaient circulé dans leurs circonscriptions respectives. 
  Pour hâtives qu’aient été les enquêtes, elles avaient quand même permis de recueillir bon nombre de dénonciations locales dont la plupart se trouvèrent rapidement avérées. Presque tous les comptes présentaient des traces de gaspillages, d’abus et de malversations, surtout dans les derniers mois, surtout depuis la mort de Philippe le Bel, surtout depuis qu’on avait sapé l’autorité de Marigny. Les barons commençaient à murmurer, comme s’ils eussent tous été eux-mêmes des parangons d’honnêteté, ou comme si les dilapidations eussent atteint leurs biens propres. La peur gagnait les rangs des fonctionnaires, et certains de ceux-ci préférèrent disparaître subrepticement par le fond de la tente, repoussant à plus tard de s’expliquer. Quand on arriva aux prévôts et receveurs des régions de Montfort-Amaury, Dourdan et Dreux, sur lesquels Tolomei avait fourni aux réformateurs des éléments fort précis d’accusation, il se fit autour du roi une très vite agitation. Mais le plus indigné de tous les seigneurs, celui qui le plus haut laissa éclater sa colère, fut Marigny. Sa voix couvrit toutes les voix, et il s’adressa à ses subordonnés avec une violence qui leur fit courber le dos. Il exigeait des restitutions, promettait des châtiments. Monseigneur de Valois, se levant, lui coupa soudain la parole. 
  — C’est beau rôle que vous jouez là devant nous, messire Enguerrand, s’écria-t-il ; mais il ne sert à rien de tonner si fort au nez de ces coquins, car ils sont hommes que vous avez mis en place, dévoués à vous, et tout dénonce que vous avez partagé avec eux. 
  Un si profond silence suivit cette accusation publique qu’on put entendre un coq chanter dans la campagne. Le Hutin, visiblement surpris, regardait de droite et de gauche. Chacun retenait son souffle, car Marigny marchait sur Charles de Valois. 
  — Messire, répondit-il d’une voix rauque, s’il se trouve en toute cette chiennaille… 
  Il désignait de la main ouverte l’assemblée des prévôts. 
  — … s’il se trouve un seul, parmi ces mauvais serviteurs du royaume, pour affirmer en conscience et jurer sur la foi qu’il m’a soudoyé en quelque manière, ou remis le moindre profit de ses recettes, je veux qu’il approche. 
  Alors, poussé par la grande patte de Robert d’Artois, on vit s’avancer le prévôt de Montfort, dont les comptes étaient en cours d’examen. 
  — Qu’avez-vous à dire ? Vous venez chercher votre corde ? lui lança Marigny. 
  Tout tremblant, sa face ronde marquée d’une tache lie de vin, le prévôt restait muet. Pourtant, il avait été bien endoctriné, par Guccio d’abord, puis par Robert d’Artois qui, la veille, lui avait promis qu’il échapperait à tout châtiment, à condition de témoigner contre Marigny. 
  — Alors, qu’avez-vous à dire ? demanda à son tour le comte de Valois. Ne craignez point d’avouer la vérité, car notre bien-aimé roi est là pour l’entendre, et rendre sa justice. 
  Portefruit mit un genou en terre devant Louis X et, croisant ses bras courts, prononça : 
  — Sire, je suis un grand fautif ; mais j’y ai été obligé par le commis de Monseigneur de Marigny, qui me réclamait chaque année le quart des tailles, pour le compte de son maître. 
  — Quel commis ? Nommez-le, et qu’il comparaisse ! cria Enguerrand. Quelles sommes lui avez-vous baillées ? 
  Le prévôt alors se démonta, chose qu’auraient pu prévoir ceux qui l’employaient, car il était douteux qu’un homme qui avait perdu pied devant Guccio ne s’effondrât point en présence de Marigny. Il prononça le nom d’un commis mort depuis cinq ans, s’enferra en citant un autre complice, mais qui se trouvait appartenir à la maison du comte de Dreux et non à celle de Marigny. Il fut tout à fait incapable d’expliquer par quelle filière mystérieuse les fonds détournés pouvaient parvenir au recteur du royaume. Sa déposition suait la félonie. Marigny y mit terme en disant : 
  — Sire, comme vous en pouvez juger, il n’y a pas miette de vrai dans ce que bredouille cet homme. C’est un larron qui pour se sauver répète paroles enseignées, et mal enseignées, par mes ennemis. Qu’il me soit reproché d’avoir placé ma confiance en de tels crapauds dont la déshonnêteté vient d’éclater ; qu’il me soit reproché ma faiblesse de n’en avoir point fait rouer une bonne douzaine, je souscrirai à la semonce, encore que depuis quatre mois on m’ait beaucoup ôté les moyens d’agir sur eux. Mais qu’on ne me fasse pas grief de vol. C’est la seconde fois que messire de Valois s’y autorise, et cette fois je ne le tolérerai plus. 
  Seigneurs et magistrats comprirent alors que la grande querelle allait enfin se vider. Dramatique, une main sur le cœur, l’autre pointée vers Marigny, Valois répliquait, s’adressant au roi : 
  — Sire mon neveu, nous sommes trompés par un méchant homme qui n’est que trop resté au milieu de nous, et dont les méfaits ont attiré sur notre maison la malédiction. C’est lui qui est cause des extorsions dont on se plaint et qui, pour de l’argent qu’on lui a donné, a fait, à la honte du royaume, obtenir plusieurs trêves aux Flamands. Pour cela votre père est tombé dans une tristesse telle qu’il en est trépassé avant son temps. C’est Enguerrand qui est cause de sa mort. Pour moi, je suis prêt à prouver qu’il est un voleur et qu’il a trahi le royaume, et si vous ne le faites arrêter sur-le-champ, je jure Dieu que je ne paraîtrai plus à votre cour ni dans votre Conseil. 
  — Vous en avez menti par la gueule ! s’écria Marigny. 
  — Par Dieu, c’est vous qui mentez, Enguerrand, répondit Valois. 
  La fureur les jeta l’un contre l’autre. Ils s’empoignèrent au col ; et l’on vit ces deux princes, ces deux buffles, dont l’un avait porté la couronne de Constantinople, dont l’autre pouvait contempler sa statue dans la Galerie des rois, se battre, vomissant l’injure comme des portefaix, devant toute la cour et toute l’administration du pays. Les barons s’étaient levés ; les prévôts et receveurs avaient reculé, faisant tomber leurs bancs. Louis X eut une réaction inattendue ; il se mit, sur son faudesteuil, à tressauter de rire. Indigné de ce rire autant que du spectacle déshonorant qu’offraient les deux lutteurs, Philippe de Poitiers s’avança et, d’une poigne surprenante chez un homme si maigre, il sépara les adversaires qu’il tint éloignés au bout de ses longs bras. Marigny et Valois haletaient, la face pourpre, les vêtements déchirés. 
  — Mon oncle, dit Poitiers, comment osez-vous ? Marigny, reprenez empire sur vous-même, je vous en donne l’ordre. Veuillez rentrer chez vous, et attendre que le calme soit revenu en chacun. 
  La décision, la puissance qui émanaient soudain de ce garçon de vingt-quatre ans s’imposèrent à des hommes qui avaient près du double de son âge. 
  — Partez, Marigny, vous dis-je, insista Philippe de Poitiers. Bouville ! Conduisez-le. 
  Marigny se laissa entraîner par Bouville et gagna la sortie du manoir de Vincennes. On s’écartait devant lui comme devant un taureau de combat qu’on cherche à ramener au toril. Valois n’avait pas bougé de place ; il tremblait de haine et répétait : 
  — Je le ferai pendre ; aussi vrai que je suis, je le ferai pendre ! 
  Louis X avait cessé de rire. L’intervention de son frère venait de lui infliger une leçon d’autorité. De plus, il se rendait compte, brusquement, qu’on l’avait joué. Il se débarrassa du sceptre dans les mains de son chambellan, et dit brutalement à Valois : 
  — Mon oncle, j’ai à vous entretenir sans attendre ; veuillez me suivre.

Demain chapitre 3 - De lombard en archevêque 

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