vendredi 14 septembre 2018

La reine étranglée - 2àme partie - ch - 8 -La lettre du désespoir




VIII 
LA LETTRE DU DÉSESPOIR

Une rafale de vent gifla l’étroit vitrage, et Marguerite de Bourgogne se rejeta en arrière, comme si quelqu’un du fond du ciel cherchait à la frapper. Le jour commençait à se lever, incertain, sur la campagne normande. C’était l’heure où la première garde montait aux créneaux de Château-Gaillard. La tempête d’ouest chassait d’énormes nuages portant en leurs flancs sombres des montagnes d’eau ; et les peupliers, le long de la Seine, ployaient leur échine défeuillée. 
  Le sergent Lalaine déverrouilla les portes qui, dans l’escalier à vis, isolaient les deux princesses ; l’archer Gros-Guillaume déposa dans la chambre de Marguerite deux écuelles de bois emplies de bouillie fumante ; puis il sortit sans avoir rien dit, en traînant les pieds. 
  — Blanche… appela Marguerite en s’approchant du palier.   
Elle n’obtint pas de réponse. 
  — Blanche ! répéta-t-elle plus fort. 
  Le silence qui suivit l’emplit d’angoisse. Enfin elle entendit un lent claquement de socques de bois sur les marches. Blanche entra, vacillante, défaite ; ses yeux clairs, dans la lueur grise qui emplissait la pièce, avaient une inquiétante expression d’absence tout à la fois et d’obstination. 
  — As-tu dormi un peu ? lui demanda Marguerite. 
  Blanche alla sans rien dire jusqu’à la cruche d’eau posée sur un escabeau, s’agenouilla et, inclinant la cruche vers sa bouche, y but à longs traits. Elle adoptait ainsi depuis quelque temps des poses bizarres pour accomplir les gestes ordinaires de la vie. Il ne restait plus rien dans la pièce des meubles de Bersumée. Le capitaine de forteresse les avait récupérés trois mois plus tôt, immédiatement après la visite assez brutale que lui avait rendue Alain de Pareilles pour lui rappeler les instructions de Marigny. Partis, les coffres et les chaises apportés en l’honneur de Monseigneur d’Artois ; partie, la table où la reine prisonnière avait dîné en face de son cousin. Quelques éléments du grossier mobilier fourni à la troupe garnissaient maigrement la geôle ronde. Le lit était pourvu d’un matelas bourré de cosses de pois séchées. 
  En revanche, Pareilles ayant dit que la santé de
Madame Marguerite importait à Marigny, Bersumée veillait depuis lors à ce que les couvertures fussent assez nombreuses. Mais les draps n’avaient pas été changés une seule fois, et l’on n’allumait de feu que lorsqu’il gelait. Les deux femmes s’assirent côte à côte au bord du lit, les écuelles posées sur leurs genoux. Blanche commença de laper la bouillie de sarrasin à même l’écuelle, sans se servir de la cuiller. Marguerite ne mangeait pas. Elle se chauffait les doigts autour du bol de bois ; c’était là l’une des seules bonnes minutes de sa journée, et la dernière joie sensuelle qui lui restât. Elle fermait les yeux, toute concentrée sur le misérable plaisir de recueillir un peu de chaleur au creux de ses mains. 
  Soudain, Blanche se leva et jeta son écuelle à travers la pièce. La bouillie se répandit sur le sol, où elle surirait pendant une semaine. 
  — Qu’as-tu donc ? demanda Marguerite. 
  — Je veux mourir, je veux me tuer ! hurla Blanche. Je m’en vais me bouter du haut de l’escalier… Et tu resteras seule… seule ! 
  Marguerite soupira et plongea sa cuiller dans le bol. 
  — Jamais nous ne sortirons d’ici, à cause de toi, reprit Blanche, parce que tu n’as pas voulu écrire la lettre que te demandait Robert. C’est ta faute, tout est ta faute. Ce n’est pas vivre que de rester ici. Mais je vais mourir. Et tu resteras seule. 
  L’espérance déçue est funeste aux prisonniers. Blanche avait cru, en apprenant la mort de Philippe le Bel, et surtout en voyant arriver Robert d’Artois, qu’elle allait être libérée. Et puis rien ne s’était produit, sinon le retrait quasi total des adoucissements que le passage de leur cousin avait obtenus quelques jours aux recluses.    
  Depuis ce temps, Blanche semblait une autre personne. Elle avait cessé de se laver ; elle maigrissait ; elle passait de soudaines fureurs à de soudains accès de larmes qui laissaient de longs traits gris sur ses joues souillées. Ses cheveux un peu plus longs sortaient collés, emmêlés, de son béguin de toile. Elle était pleine de reproches et de griefs envers Marguerite, et les ressassait inlassablement ; elle tenait Marguerite pour responsable, l’accusait de l’avoir poussée dans les bras de Gautier d’Aunay, l’insultait puis exigeait en trépignant qu’elle écrivît à Paris pour accepter la proposition qu’on lui avait faite. Et la haine s’installait entre ces deux femmes qui n’avaient chacune que l’autre pour compagnie et pour soutien. 
  — Eh bien, crève donc, puisque tu n’as plus le cœur de lutter ! répondit Marguerite. 
  — Pourquoi lutter ? Lutter contre les murs… Pour que tu sois reine ? Parce que tu espères encore que tu seras reine ? La reine ! La reine ! Voyez la reine ! 
  — Mais si j’avais cédé, c’est moi qu’on aurait libérée, peut-être, mais pas toi.
   Seule, seule, tu vas rester seule ! répétait Blanche. 
  — Tant mieux ! Je ne désire que cela, être seule ! répondit Marguerite. 
  Chez elle aussi, les récentes semaines avaient causé plus de ravages que toute la première demi-année de réclusion. Son visage était amaigri, durci, marqué de dartres. Les jours s’égrenant sans rien apporter, la même question, continuellement, lui tourmentait l’esprit. N’avait-elle pas eu tort de refuser la proposition ? Blanche s’élança vers l’escalier. Marguerite pensa : « Qu’elle aille se fracasser ! Que je ne l’entende plus gémir et hurler ! Elle ne se tuera pas, mais au moins on l’emmènera, on l’éloignera. » Et elle courut derrière sa belle-sœur, les mains en avant, comme pour la pousser vers les profondeurs de la vis. Blanche se retourna. Un instant, elles s’affrontèrent du regard. Soudain Marguerite s’appuya, s’affaissa presque, contre le mur. 
  — Nous devenons folles toutes les deux… dit-elle. Allons, je pense qu’il faut l’écrire, cette lettre. Moi aussi je suis à bout. 
  Et se penchant, elle cria : 
  — Gardes ! Gardes ! Qu’on appelle le chapelain. 
  Rien ne lui répondit que le vent d’hiver qui décrochait les tuiles dans les toitures. 
  — Tu vois… dit Marguerite en haussant les épaules. Je le ferai demander quand on nous portera notre dîner. 
  Mais Blanche dévala les marches et se mit à tambouriner sur la porte, au bas de l’escalier, en hurlant qu’elle voulait voir le capitaine. Les archers de garde s’interrompirent de jouer aux dés dans la salle du rez-de-chaussée, et l’on entendit l’un d’eux sortir. Bersumée arriva un moment après, son bonnet de peau de loup enfoncé jusqu’aux sourcils. Il écouta la demande de Marguerite. Le chapelain ? Il se trouvait absent ce jour-là. Des plumes, un parchemin ? Pour quoi faire ? Les prisonnières n’avaient le droit de communiquer avec quiconque, ni par voix, ni par écrit ; tels étaient les ordres de Monseigneur de Marigny.   
  — Je dois écrire au roi, dit Marguerite. 
  Au roi ? Ah ! Certes, cela posait une question à Bersumée. Le terme de « quiconque » désignait-il aussi le roi ? Marguerite parla si haut et s’emporta si bien que le capitaine se laissa fléchir. 
  — Allez, ne différez point, s’écria-t-elle. 
  Bersumée se rendit à la sacristie, et rapporta lui-même le matériel pour écrire. Au moment de commencer sa lettre, Marguerite eut une dernière révolte, un dernier mouvement de refus. Jamais plus, si par quelque miracle son procès venait à se rouvrir, jamais plus elle ne pourrait plaider l’innocence et prétendre que les frères d’Aunay avaient fait de faux aveux sous la torture. Et elle était à sa fille tout droit à la couronne… 
  — Va, va ! lui soufflait Blanche. 
  — Rien en vérité, ne peut être pire que ce qui est, murmura Marguerite. 
  Et elle rédigea son renoncement. 
  «… Je reconnais et confesse que ma fille Jeanne n’est point enfant de vous. Je reconnais et confesse m’être à vous refusée de corps, en sorte que l’œuvre de chair ne fut pas accomplie entre nous… Je reconnais et confesse que je n’ai point droit de me regarder pour mariée avec vous… J’attends, comme il m’a été promis de votre part par messire d’Artois, si je faisais l’aveu sincère de mes fautes, que vous preniez en pitié ma peine et ma repentance, et me remettiez en un couvent de Bourgogne…» 
  Bersumée se tint auprès d’elle, soupçonneux, tout le temps qu’elle écrivit ; puis il prit la lettre et l’étudia un moment, ce qui n’était que simulacre car il ne savait pas très bien lire. 
  — Ceci doit parvenir au plus vite à Monseigneur d’Artois, dit Marguerite. 
  — Ah ! Madame, voilà qui change tout. Vous aviez assuré que c’était pour le roi… 
  — … à Monseigneur d’Artois pour qu’il le remette au roi ! cria Marguerite. C’est écrit en tête ! Êtes-vous si sot que de ne pas le voir ? 
  — Ah ! Oui… Et qui portera cette lettre ? 
  — Vous-même ! 
  — Je n’ai pas d’ordres. 
  Il ne put de toute la journée décider de ce qu’il devait faire et attendit que le chapelain fût rentré pour lui demander avis. La lettre n’étant pas cachetée, le chapelain en prit connaissance. 
  — Je reconnais et confesse… je reconnais et confesse… Ou bien elle ment quand elle se confesse à moi, ou bien elle ment quand elle écrit, dit-il en grattant son crâne beige. 
  Il était un peu saoul et fleurait le cidre. Néanmoins, il se rappelait que Monseigneur d’Artois l’avait fait attendre trois heures dans le gel, pour prendre une lettre de Madame Marguerite, et s’en était reparti sans lettre, en lui lançant des insultes au nez… Il persuada à Bersumée de déboucher une bouteille, et, après d’abondants commentaires, conseilla d’acheminer le pli, voyant poindre là quelques espoirs personnels. Bersumée inclinait dans le même sens, et pour des motifs qui lui étaient également propres. 
  On disait beaucoup, aux Andelys, que Marigny était tombé en disgrâce, et même on prétendait que le roi lui intentait procès. Une chose était certaine : si Marigny continuait d’envoyer des instructions, il n’envoyait plus d’argent. Bersumée avait perçu brusquement ses arriérés de solde, trois mois plus tôt, mais rien depuis ; et l’heure approchait où il n’aurait plus le nécessaire pour nourrir et ses hommes et ses prisonnières. L’occasion n’était pas mauvaise d’aller s’informer sur place de quoi il retournait.    
  — À ta place, capitaine, disait le chapelain, je ferais remettre la lettre au grand inquisiteur, qui est aussi le confesseur du roi. Elle a écrit : « Je confesse. » C’est une affaire d’Église et une affaire royale… Si cela t’oblige, je veux bien m’en charger. Je connais le frère inquisiteur ; il est de mon couvent de Poissy… 
  — Non, j’irai moi-même, répondit Bersumée. 
  — Alors, ne manque pas de parler de moi, si tu vois le frère inquisiteur. 
  Le lendemain, ayant passé les consignes au sergent Lalaine, Bersumée, coiffé de son chapeau de fer et monté sur son meilleur bidet, prit la route de Paris. Il arriva le jour suivant, en milieu d’après-midi, alors qu’il pleuvait à torrents. Boueux jusqu’aux yeux, le hoqueton trempé, Bersumée pénétra dans une taverne voisine du Louvre, pour s’y restaurer et y faire réflexion. Car tout le long du chemin l’inquiétude n’avait cessé de lui moudre la tête. Comment savoir s’il faisait bien ou mal, s’il agissait pour ou contre ses intérêts ? Devait-il en référer à Marigny, ou bien se rendre chez Monseigneur d’Artois ? À enfreindre les ordres du premier, que gagnerait-il auprès du second ? Marigny… d’Artois… d’Artois ou Marigny ? Ou bien alors, pourquoi pas le grand inquisiteur ? 
  La providence parfois veille sur les sots. Tandis que Bersumée se séchait le ventre au feu, une grande claque appliquée sur le dos le tira de ses méditations. C’était le sergent Quatre-Barbes, un ancien compagnon de garnison, qui venait d’entrer et l’avait reconnu. Ils ne s’étaient pas vus depuis six ans. Ils s’embrassèrent, reculèrent pour s’examiner, s’embrassèrent encore, et à grand bruit réclamèrent du vin afin de célébrer leurs retrouvailles. Quatre-Barbes, un gaillard maigre aux dents noires et aux prunelles logées dans le coin des yeux, était sergent d’archers à la compagnie du Louvre ; il avait ses habitudes dans cette taverne. Bersumée l’enviait de résider à Paris. Quatre-Barbes enviait Bersumée d’être monté en grade plus rapidement, et de commander une forteresse. Tout allait donc bien puisque chacun pouvait se croire admiré de l’autre ! 
  — Comment ? C’est toi qui gardes la reine Marguerite ? On dit qu’elle avait cent amants. La cuisse doit lui brûler, et je gage que tu ne t’ennuies guère, vieux pendard ! s’écria Quatre-Barbes. 
  — Ah ! Ne crois pas cela ! 
  Des gaillardises, ils passèrent aux souvenirs, puis aux problèmes du jour. Qu’y avait-il de vrai dans la prétendue disgrâce de Marigny ? Quatre-Barbes devait savoir, lui qui vivait dans la capitale. Bersumée apprit ainsi que Monseigneur de Marigny avait triomphé des noises qu’on lui voulait chercher, que le roi trois jours plus tôt l’avait rappelé et embrassé devant plusieurs barons, et qu’il était à nouveau aussi puissant que jamais. « Me voilà fourré dans de bons draps avec cette lettre…», pensait Bersumée. La langue déliée par le vin, Bersumée glissa vers les confidences, et, demandant à Quatre-Barbes de lui jurer un secret qu’il se montrait lui-même incapable d’observer, lui révéla la raison de son voyage. 
  — À ma place, comment agirais-tu ? 
  Le sergent balança un moment son long nez au-dessus du pichet, puis répondit. 
  — À ta place, j’irais prendre les ordres de messire de Pareilles. Il est ton chef. Au moins tu te seras mis à couvert. 
  — C’est bien pensé. Ainsi ferai-je. 
  L’après-midi s’était écoulé à parler et à boire. Bersumée était un peu ivre, et surtout se sentait soulagé puisqu’on avait pris une décision pour lui. Mais l’heure était trop avancée pour qu’il l’exécutât sur-le-champ. Et Quatre-Barbes, ce soir là, n’était pas de garde. Les deux compagnons soupèrent dans la taverne ; l’aubergiste s’excusa de n’avoir à leur servir que des saucisses aux pois, et se plaignit longuement des difficultés qu’il rencontrait pour se ravitailler. Le vin seul ne lui manquait pas. 
  — Vous êtes encore logé à meilleure enseigne que nous, dans nos campagnes ; on commence à y vendre l’écorce des arbres, dit Bersumée. 
  Après quoi, pour que la fête fût complète, Quatre-Barbes entraîna Bersumée dans les ruelles, derrière Notre-Dame, chez les filles follieuses qui, par ordonnance datant de Saint Louis, continuaient à porter les cheveux teints couleur de cuivre, afin qu’on pût les distinguer des femmes honnêtes. Au petit jour, Quatre-Barbes invita son ami à venir faire toilette dans son casernement du Louvre ; et vers none, brossé, astiqué, rasé jusqu’au sang, Bersumée se présenta au corps de garde du Palais pour y demander messire de Pareilles. Le capitaine général des archers ne montra aucune hésitation après que Bersumée lui eut expliqué son cas. 
  — De qui recevez-vous vos instructions ? 
  — De vous, messire. 
  — Qui, au-dessus de moi, commande à toutes les forteresses royales ? 
  — Monseigneur de Marigny, messire. 
  — À qui devez-vous en référer pour toutes choses ? 
  — À vous, messire.
Et par-dessus moi ? 
  — À Monseigneur de Marigny. 
  Bersumée retrouvait ce sentiment d’honneur à la fois et de protection que connaît le bon militaire devant un homme porteur d’un grade supérieur au sien, et qui lui dicte une conduite. 
  — Alors, conclut Alain de Pareilles, c’est à Monseigneur de Marigny qu’il vous faut délivrer cette missive. Mais veillez à la lui remettre en main propre. 
  Une demi-heure plus tard, rue des Fossés-Saint-Germain, on vint annoncer à Enguerrand de Marigny, qui travaillait dans son cabinet, qu’un certain capitaine Bersumée, venant de la part de messire de Pareilles, insistait pour le voir. 
  — Bersumée… Bersumée… dit Enguerrand. Ah ! C’est l’âne qui commande à Château-Gaillard. Qu’il entre. 
  Tout tremblant d’être introduit devant un si grand personnage, Bersumée eut quelque peine à sortir de dessous son hoqueton et sa cotte la lettre destinée à Monseigneur d’Artois. Marigny la lut aussitôt, fort attentivement, et sans que rien parût sur son visage. 
  — Quand cela a-t-il été écrit ? demanda-t-il. — Le jour d’avant-hier, Monseigneur. 
  — Vous avez fort bien agi en me l’apportant. Je vous en complimente Assurez Madame Marguerite que sa lettre ira où elle doit aller. Et s’il lui vient envie d’en écrire d’autres, faites-leur prendre le même chemin… En quel point se trouve Madame Marguerite ? 
  — Comment on peut se trouver en prison, Monseigneur. Mais elle résiste mieux, à coup sûr, que Madame Blanche, dont l’esprit paraît un peu se déranger. 
  Marigny fit un geste vague qui signifiait que l’esprit des prisonnières lui importait peu. 
  — Veillez à leur santé de corps, qu’elles soient nourries et chauffées. 
  — Monseigneur, je sais que ce sont vos ordres, mais je n’ai que du blé noir à leur servir, parce qu’il m’en reste un peu de réserve Pour le bois, il me faut envoyer mes archers en couper ; or je ne peux exiger trop fréquentes corvées d’hommes qui ne mangent pas à leur suffisance. .  — Mais pourquoi cela ? 
  — L’argent me manque à Château-Gaillard. Je n’ai point reçu de quoi aligner mes hommes en solde, ni renouveler les fournitures qui sont au prix que vous savez, par ce temps où la famine sévit. 
  Marigny haussa les épaules. 
  — Vous ne m’étonnez point, dit-il. Partout il en va de même. Ce n’est pas moi, ces derniers mois, qui ai gouverné le Trésor. Mais les choses vont revenir en ordre. Le payeur de votre bailliage vous alignera avant une semaine. Combien vous doit-on à vous-même ? 
  — Quinze livres six sols, Monseigneur. — Vous allez sur-le-champ en recevoir trente. 
  Et Marigny appela un secrétaire pour qu’on raccompagnât Bersumée et qu’on lui payât le prix de son obéissance. Demeuré seul, Marigny relut la lettre de Marguerite, réfléchit un moment, et puis la jeta dans le feu ; et il resta devant la cheminée tout le temps que le parchemin mit à se consumer. Il se sentait vraiment en cet instant le plus puissant des personnages du royaume ; il tenait en main tous les destins, même celui du roi.

Demain 3ème partie Le printemps des crimes - ch. 1 La famine

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire