samedi 8 septembre 2018

La reine étranglée - 2àme partie - ch 2 - Enguerrand de Marigny


II
ENGUERRAND DE MARIGNY
   Précédé comme à l’ordinaire de deux sergents massiers portant bâton à fleur de lis, escorté de secrétaires et d’écuyers, Enguerrand de Marigny, regagnant sa demeure, étouffait de fureur. « Ce coquin, ce brochet, m’accuser de trafiquer des traités ! Le reproche est pour le moins plaisant venant de lui, qui a passé sa vie à se vendre au plus offrant… Et ce petit roi qui a de la cervelle comme une mouche et de la hargne comme une guêpe, n’a pas dit un mot à mon adresse, sinon pour m’ôter la gestion du Trésor ! » 
  Il marchait sans rien voir des rues ni des gens. Il gouvernait les hommes de si haut depuis si longtemps qu’il avait perdu l’habitude de les regarder. Les Parisiens s’écartaient devant lui, s’inclinaient, lui tiraient de grands coups de bonnet, et puis le suivaient des yeux en échangeant quelque remarque amère. Il n’était pas aimé, ou ne l’était plus. Parvenu à son hôtel de la rue des Fossés-Saint-Germain, il traversa la cour d’un pas pressé, jeta son manteau au premier bras qui se tendait et, toujours tenant son sac à documents, gravit l’escalier tournant. Gros coffres, gros chandeliers, tapis épais, lourdes tentures, l’hôtel n’était meublé que de choses solides et faites pour durer. Une armée de valets y veillait au service du maître, et une armée de clercs y travaillait au service du royaume. Enguerrand poussa la porte de la pièce où il savait trouver sa femme. Celle-ci brodait au coin du feu ; sa sœur, madame de Chanteloup, une veuve bavarde, était auprès d’elle. Deux levrettes d’Italie, naines et frileuses, sautillaient à leurs pieds. Au visage que montrait son mari, madame de Marigny aussitôt s’inquiéta. 
  — Bon ami, que s’est-il produit ? demanda-t-elle.   
  Alips de Marigny, née de Mons, vivait depuis bientôt cinq ans dans l’admiration de l’homme qui l’avait épousée, en secondes noces, et brûlait pour lui d’un dévouement constant et passionné. 
  — Il se produit, répondit Marigny, que, maintenant que le roi Philippe n’est plus là pour les tenir sous le fouet, les chiens se sont lancés après moi. 
  — Puis-je vous aider d’aucune sorte ? 
  Il la remercia, mais si durement, ajoutant qu’il savait assez bien se conduire seul, que les larmes vinrent aux yeux de la jeune femme. Enguerrand alors se pencha pour la baiser au front, et murmura:  
  — Je ne méconnais point, Alips, que je n’ai que vous pour m’aimer ! 
  Puis il passa dans son cabinet de travail, jeta son sac à documents sur un coffre. Il marcha un moment d’une fenêtre à l’autre, pour donner à sa raison le temps de prendre le pas sur sa colère. « Vous m’avez ôté le Trésor, jeune Sire, mais vous avez omis le reste. Attendez donc ; vous ne me briserez pas si aisément. » Il agita une clochette. 
  — Quatre sergents, promptement, dit-il à l’huissier qui se présenta. 
  Les sergents demandés montèrent de la salle des gardes. Marigny leur distribua les ordres : 
  — Toi, va quérir messire Alain de Pareilles, au Louvre. Toi, va quérir mon frère l’archevêque, qui doit ce jour être au palais épiscopal. Toi, messires Dubois et Raoul de Presles ; toi, messire Le Loquetier. S’ils ne sont point en leurs hôtels, affairez-vous à les rembûcher. Et dites à tous que je les attends céans. 
  Les quatre hommes partis, il écarta une tenture et ouvrit la porte de communication avec la chambre des secrétaires privés. 
  — Quelqu’un pour la dictée. 
  Un clerc arriva, portant pupitre et plumes. Marigny, le dos au feu, commença : 
  — « À très puissant, très aimé et très redouté Sire, le roi Edouard d’Angleterre, duc d’Aquitaine… Sire, en l’état que me trouve le retour à Dieu de mon seigneur, maître et suzerain, le très pleuré roi Philippe et le plus grand que le royaume ait connu, je me tourne devers vous pour vous instruire de choses qui regardent le bien des deux nations…» 
  Il s’interrompit pour agiter à nouveau la clochette. L’huissier reparut. Marigny lui commanda de faire chercher Louis de Marigny, son fils. Puis il continua sa lettre. Depuis 1308, date du mariage d’Isabelle de France avec Edouard II d’Angleterre, Marigny avait eu l’occasion de rendre à ce dernier maints services politiques ou personnels. La situation, dans le duché d’Aquitaine, était toujours difficile et tendue, de par le statut singulier de cet immense fief français tenu par un souverain étranger. Cent ans et plus de guerre, de disputes incessantes, de traités contestés ou reniés, y avaient laissé leurs séquelles. Quand les vassaux guyennais, selon leurs intérêts et leurs rivalités, s’adressaient à l’un ou l’autre des souverains, Marigny, toujours, s’appliquait à éviter les conflits. D’autre part, Edouard et Isabelle ne formaient guère un ménage harmonieux. Quand Isabelle se plaignait des mœurs anormales de son mari et lui reprochait des favoris avec lesquels elle vivait en lutte déclarée, Marigny prêchait le calme et la patience pour le bien des royaumes. Enfin la trésorerie d’Angleterre connaissait des difficultés fréquentes. Quand Edouard se trouvait trop à court de monnaie, Marigny s’arrangeait pour lui faire consentir un prêt. En remerciement de tant d’interventions, Edouard, l’année précédente, avait gratifié le coadjuteur d’une pension à vie de mille livres . 
  Aujourd’hui, c’était au tour de Marigny d’en appeler au roi anglais et de lui demander soutien. Il importait aux bonnes relations entre les deux royaumes que les affaires de France ne changeassent point de direction. 
  — «… Il y va, Sire, plus que de ma faveur ou de ma fortune ; vous saurez voir qu’il y va de la paix des empires, pour laquelle je suis et je serai toujours votre très fidèle servant. » 
  Il se fit relire la lettre, y apporta quelques corrections. 
  — Recopiez, et présentez-moi à signer. 
  — Cela doit-il partir aux chevaucheurs, Monseigneur ? demanda le secrétaire. 
  — Non point. Et je scellerai de mon petit sceau. 
  Le secrétaire sortit. Marigny dégrafa le haut de sa robe ; l’action lui faisait gonfler le cou. « Pauvre royaume, pensait-il. En quelle brouille et misère vont-ils le mettre, si je ne m’y oppose ! N’aurai-je donc autant fait que pour voir mes efforts ruinés ? ». 
  Les hommes qui pendant un temps très long ont exercé le pouvoir finissent par s’identifier à leur charge et par considérer toute atteinte faite à leur personne comme une atteinte directe aux intérêts de l’État. Marigny en était à ce point, et donc prêt, sans nullement s’en rendre compte, à agir contre le royaume, dès l’instant qu’on lui limitait la faculté de le diriger. 
  Ce fut dans cette disposition qu’il accueillit son frère l’archevêque. Jean de Marigny, long et serré dans son manteau violet, avait une attitude constamment étudiée que n’aimait pas le coadjuteur. Enguerrand avait envie de dire à son cadet : « Prends cette mine pour tes chanoines, si cela te plaît, mais non pas devant moi qui t’ai vu baver ta soupe et te moucher dans tes doigts. » En dix phrases il lui raconta le conseil dont il sortait et lui communiqua ses directives, du même ton sans réplique qu’il avait pour parler à ses commis. 
  — Je ne désire point de pape pour l’instant, car aussi longtemps qu’il n’y a point de pape, ce méchant petit roi est dans ma main. Donc pas de cardinaux bien rassemblés et prêts à entendre Bouville quand celui-ci reviendra de Naples. Pas de paix en Avignon. Qu’on s’y dispute, qu’on s’y déchire. Vous ferez ce qu’il convient, mon frère, pour qu’il en soit ainsi. 
  Jean de Marigny, qui avait commencé par se montrer tout indigné de ce que lui rapportait Enguerrand, se rembrunit aussitôt qu’il fut question du conclave. Il réfléchit un moment, contemplant son anneau pastoral. 
  — Alors, mon frère ? J’attends votre acquiescement, dit Enguerrand. 
  — Mon frère, vous savez que je ne veux que vous servir en tout ; et je pense que je pourrais mieux le faire encore si je deviens quelque jour cardinal. Or, à semer dans le conclave plus de discorde qu’il n’en pousse déjà, je risque fort de m’aliéner l’amitié de tel ou tel papable, Francesco Caëtani par exemple, qui, s’il se trouvait plus tard élu, me refuserait alors le chapeau… 
  Enguerrand éclata. 
  — Votre chapeau ! Voilà bien l’heure d’en parler ! Votre chapeau, si jamais vous devez l’avoir, mon pauvre Jean, c’est moi qui vous en coifferai comme je vous ai déjà tissé votre mitre. Mais si de sots calculs vous font ménager mes adversaires, comme ce Caëtani, je vous dis que bientôt vous irez, non seulement sans chapeau, mais sans souliers, en misérable moine qu’on reléguera dans quelque couvent. Vous oubliez trop vite, Jean, ce que vous me devez, et de quel mauvais pas encore je vous ai tiré, voici deux mois à peine, pour ce trafic que vous aviez fait des biens du Temple. À ce propos, ajouta-t-il… 
  Son regard devint plus étincelant, plus aigu, sous ses sourcils épais. 
  — … à ce propos, avez-vous bien pu détruire les preuves laissées imprudemment par vous au banquier Tolomei, et dont les Lombards se sont servis pour me faire plier ? 
  L’archevêque eut un hochement de tête qui pouvait être interprété comme une affirmation ; mais aussitôt il se montra plus docile, et pria son frère de lui préciser ses instructions. 
  — Envoyez en Avignon, reprit Enguerrand, deux émissaires, hommes d’Église d’une sûreté absolue, je veux dire des gens à votre merci. Faites-les se promener à Carpentras, à Châteauneuf, à Orange, partout où les cardinaux sont éparpillés, et répandre avec autorité, comme venant de la cour de France, des assurances tout à fait opposées. L’un annoncera aux cardinaux français que le nouveau roi permettrait le retour ou Saint-Siège à Rome ; l’autre dira aux Italiens que nous inclinons à établir la papauté plus près encore de Paris, pour qu’elle soit mieux sous notre dépendance. Ce qui n’est rien que vérité, après tout, et des deux parts, puisque le roi est incapable de juger de ces choses, que Valois veut le pape à Rome et que je le veux en France. Le roi n’a en tête que l’annulation de son mariage et ne voit pas plus loin. Il l’obtiendra, mais seulement à l’heure que je le voudrai, et d’un pontife à ma convenance… Pour l’instant donc, retardons l’élection. Veillez à ce que vos deux envoyés n’aient pas de lien entre eux ; il serait même souhaitable qu’ils ne se connussent point. 
  Sur ces paroles, il congédia son frère pour recevoir son fils Louis, qui attendait dans l’antichambre. Mais quand le jeune homme fut entré, Marigny resta un moment silencieux. Il pensait tristement, amèrement : « Jean me trahira dès qu’il y croira trouver son profit…» Louis de Marigny était un petit garçon mince, de belle tournure, et qui s’habillait avec recherche. Il ressemblait assez, pour les traits de figure, à l’archevêque son oncle. Fils d’un personnage devant qui le royaume entier s’inclinait, et de plus filleul du nouveau roi, le jeune Marigny ne connaissait ni la lutte ni l’effort. S’il faisait montre, certes, d’admiration et de respect pour son père, il souffrait en secret de l’autorité brutale de celui-ci et de ses rudes manières qui disaient l’homme parvenu par l’action. Pour un peu, il aurait reproché à son père de n’être pas assez bien né. 
  — Louis, équipez-vous, dit Enguerrand ; vous partez tout à l’heure pour Londres délivrer une lettre. 
  Le visage du jeune homme se rembrunit. 
  — Cela ne saurait-il attendre après-demain, mon père, ou bien n’avez-vous personne qui me puisse remplacer ? Je dois chasser demain dans le bois de Boulogne… petite chasse parce que c’est deuil, mais…   
  — Chasser ! Vous ne pensez donc qu’à chasser ! s’écria Marigny. Ne demanderai-je jamais la moindre aide aux miens, pour qui je fais tout, sans qu’ils commencent par rechigner ? Apprenez que c’est moi que l’on chasse, présentement, pour m’arracher la peau, et la vôtre avec… S’il me suffisait d’un quelconque chevaucheur, j’y aurais songé tout seul ! C’est au roi d’Angleterre que je vous envoie, afin que ma lettre lui soit remise de main à main, et qu’il n’aille pas en circuler copies que le vent pourrait rabattre par ici. Le roi d’Angleterre ! Cela flatte-t-il assez votre orgueil pour que vous renonciez à une chasse ? 
  — Pardonnez-moi, mon père, dit Louis de Marigny ; je vous obéirai. 
  — En donnant ma lettre au roi Edouard, auquel vous rappellerez qu’il vous a distingué l’autre année, à Maubuisson, vous ajouterez ceci, que je n’ai point écrit, à savoir que Charles de Valois intrigue pour remarier le nouveau roi à une princesse de Naples, ce qui tournerait nos alliances vers le Sud plutôt que vers le Nord. Voilà. Vous m’avez entendu. Et si le roi Edouard vous demande ce qu’il peut faire dans mon sens, dites-lui qu’il m’aiderait bien en me recommandant fortement au roi Louis, son beau-frère… Prenez les écuyers et sommeliers qu’il vous faut ; mais n’ayez pas trop grand train de prince. Et faites-vous bailler cent livres par mon trésorier.   
  Quelques coups furent frappés à la porte. 
  — Messire de Pareilles est arrivé, dit l’huissier. 
  — Qu’il vienne… Adieu, Louis. Mon secrétaire vous portera la lettre. Que le Seigneur veille sur votre chemin. 
  Enguerrand de Marigny étreignit son fils, geste dont il n’était pas coutumier. Puis il se tourna vers Alain de Pareilles qui entrait, l’empoigna par le bras, et lui montrant un siège devant la cheminée, lui dit:    
  — Chauffe-toi, Pareilles. 
  Le capitaine général des archers avait des cheveux couleur d’acier, un visage durement marqué par le temps et la guerre, et ses yeux avaient tant vu de combats, de coups de force, d’émeutes, de tortures, d’exécutions qu’ils ne pouvaient plus s’étonner de rien. Les pendus de Montfaucon lui étaient spectacle habituel. Dans la seule année en cours, il avait conduit le grand-maître des Templiers au bûcher, conduit les frères d’Aunay à la roue, conduit les princesses royales en prison. Il commandait au corps des archers, aux sergents d’armes de toutes les forteresses ; le maintien de l’ordre dans le royaume était son affaire, ainsi que l’application des arrêts de justice répressive ou criminelle. Marigny, qui ne tutoyait aucun membre de sa famille, tutoyait ce vieux compagnon, instrument exact, sans défaut ni faiblesse, du pouvoir d’État. 
  — Deux missions pour toi, Pareilles, dit Marigny, et qui relèvent toutes deux de l’inspection des forteresses. D’abord, je te demande de te rendre à Château-Gaillard afin de secouer l’âne qui en est gardien… Comment se nomme-t-il, déjà ? 
  — Bersumée, Robert Bersumée. 
  — Tu diras donc à ce Bersumée qu’il se conforme mieux aux instructions reçues. J’ai su que Robert d’Artois était là-bas, et qu’il avait eu accès auprès de Madame de Bourgogne. C’est en contrevenant aux ordres. La reine, pour autant qu’on puisse la dire telle, est condamnée au mur, c’est-à-dire au secret. Aucun sauf-conduit ne vaut pour l’approcher s’il ne porte mon sceau, ou le tien. Seul le roi peut aller la visiter ; je vois petite chance que telle envie le prenne. Donc, ni ambassade, ni message. Et que l’âne sache bien que je lui fendrai les oreilles s’il n’obéit point. 
  — Que souhaites-tu, Monseigneur, qu’il advienne de Madame Marguerite ? interrogea Pareilles. 
  — Rien. Qu’elle vive. Elle me sert d’otage et je la veux garder. Qu’on veille bien à sa sûreté. Qu’on adoucisse au besoin sa chère et son logis, s’ils devaient nuire à sa santé… Deuxièmement : aussitôt que revenu de Château-Gaillard, tu piqueras sur le Midi, avec trois compagnies d’archers que tu iras installer dans le fort de Villeneuve, pour y renforcer notre garnison en face d’Avignon. Je te prie de bien montrer ton arrivée et de faire défiler tes archers six fois de suite devant la forteresse, de sorte que de l’autre rive on puisse croire qu’ils sont deux mille à y pénétrer. C’est aux cardinaux que je destine cette parade de guerre, pour compléter le tour que je leur monte d’autre part. Cela fait, tu reviens au plus tôt ; ton service peut m’être grandement nécessaire ces temps-ci… 
  — … où l’air qui souffle à l’environ ne nous plaît guère, n’est-ce pas, Monseigneur ? 
  — Certes non… Adieu, Pareilles. Je dicterai tes instructions. 
  Marigny était plus calme. Les diverses pièces de son jeu commençaient à se disposer. Resté seul, il réfléchit un moment. Puis il entra dans la chambre des secrétaires. Des stalles de chêne sculpté couvraient les murs à mi-hauteur, ainsi que dans le chœur d’une église. Chaque stalle était équipée d’une tablette à écrire où pendaient des poids qui maintenaient les parchemins tendus, et de cornes fixées aux accoudoirs pour contenir les encres. Des lutrins tournants, à quatre faces, soutenaient registres et documents. Quinze clercs travaillaient là, en silence. Marigny au passage parapha et scella la lettre au roi Edouard ; et il gagna la salle suivante où les légistes qu’il avait mandés se trouvaient réunis, et d’autres avec eux, tels Bourdenai et Briançon, venus de leur propre chef aux nouvelles. 
  — Messires, leur dit Enguerrand, on ne vous a pas fait l’honneur de vous convier au conseil de ce matin. Aussi allons-nous tenir entre nous un conseil fort étroit. 
  — Il n’y manquera que notre Sire le roi Philippe, dit Raoul de Presles avec un sourire triste. 
  — Prions pour que son âme nous assiste, dit Geoffroy de Briançon. 
  Et Nicole Le Loquetier ajouta : 
  — Lui ne doutait pas de nous. 
  — Siégeons, messires, dit Marigny. 
  Et quand chacun fut assis : 
  — Il me faut d’abord vous apprendre que la gestion du Trésor vient de m’être ôtée, et que le roi va commettre à viser les comptes. L’offense vous atteint en même temps que moi. Gardez-vous, messires, de vous indigner ; nous avons mieux à nous employer. Car je désire présenter des comptes bien nets. Pour ce faire… 
  Il prit un temps, et se renversa un peu sur son siège. 
  — … pour ce faire, répéta-t-il, vous voudrez donner ordre à tous prévôts et receveurs de finances, en tous bailliages et sénéchaussées, de payer tout ce qu’on doit, sur-le-champ. Qu’on règle les fournitures, les travaux en cours, et tout ce qui a été commandé par la Couronne, sans omettre ce qui regarde la maison de Navarre. Qu’on paie partout, jusqu’à épuisement de l’or, et même ce qui pouvait souffrir délai. Et pour le solde, on fera l’état des dettes. 
  Les légistes regardèrent Marigny, se regardèrent entre eux. Ils avaient compris ; et quelques-uns ne purent s’empêcher de sourire. Marigny fit craquer ses phalanges, comme s’il cassait des noix. 
  — Monseigneur de Valois veut s’assurer mainmise sur le Trésor ? acheva-t-il. Eh bien ! Il se retournera les ongles à le racler, et il lui faudra chercher ailleurs la monnaie de ses intrigues ! 

Demain 2ème partie chapitre 3 L'hôtel de Valois 

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