samedi 28 décembre 2019

Quand un roi perd la France - 1ère partie - ch. 8 - Le traité de Mantes


VIII 
LE TRAITÉ DE MANTES 


  Où sommes-nous ? Avons-nous passé Mortemart ?… Pas encore ! Eh bien, j’ai dormi un petit, ce me semble… Oh ! comme le ciel s’assombrit, et comme les jours raccourcissent ! Je rêvais, voyez-vous, mon neveu, je rêvais d’un prunier en fleur, un gros prunier tout blanc, tout rond, tout empli d’oiseaux, comme si chaque fleur chantait. Et le ciel était bleu, pareil au tapis de la Vierge. Une vision angélique, un vrai coin du paradis. L’étrange chose que les rêves ! 
  Avez-vous remarqué que, dans les Évangiles, il n’y a point de rêves relatés, à part celui de Joseph au début de saint Matthieu ? C’est le seul. Alors que, dans l’Ancien Testament, les patriarches ont sans cesse des songes, dans le Nouveau, on ne rêve point. Je me suis souvent demandé pourquoi, sans pouvoir répondre… 
  Cela ne vous avait pas frappé ? C’est que vous n’êtes pas grand lecteur des saintes Écritures, Archambaud… Je vois là un bon sujet, pour nos savants docteurs de Paris ou d’Oxford, de disputer entre eux et de nous fournir de gros traités et discours, en un latin si épais que personne n’y entendrait plus goutte… 
  En tout cas, le Saint-Esprit m’a bien inspiré de faire l’écart par La Péruse. Vous avez vu ces bons frères bénédictins qui voulaient prendre avantage de la chevauchée anglaise pour ne point payer les commandes du prieur ? Je leur ferai remplacer la croix d’émail et les trois calices de vermeil qu’ils se sont hâtés d’offrir aux Anglais, pour être saufs du pillage ; et ils solderont leurs annuités. Ils cherchaient tout benoîtement à se faire confondre avec les gens de l’autre rive de la Vienne, où les routiers du prince de Galles ont vraiment tout ravagé, pillé, grillé, comme nous l’avons bien vu ce matin, à Chirac ou à Saint-Mauricedes-Lions. Et surtout à l’abbaye de Lesterps où les chanoines réguliers se sont montrés vaillants. « Notre abbaye est fortifiée ; nous la défendrons. » Et ils se sont battus ces chanoines, en hommes bons et braves, que l’on ne contraint pas. Plusieurs ont péri dans l’affaire qui se sont conduits plus noblement que ne l’ont fait à Poitiers maints chevaliers de ma connaissance. Si tous les gens de France avaient autant de cœur… 
  Encore ont-ils trouvé moyen, ces honnêtes chanoines, dans leur couvent tout calciné, de nous offrir dîner si plantureux et si bien apprêté qu’il m’a porté au sommeil. Et avez-vous noté cet air de sainte gaieté qu’ils arboraient sur leur visage ? 
  « Nos frères ont été tués ? Ils sont en paix ; Dieu les a accueillis dans sa mansuétude… Il nous a laissés sur la terre ? C’est pour que nous puissions y faire bonne œuvre… Notre couvent est à demi détruit ? Voilà l’occasion de le refaire plus beau… » 
  Les bons religieux sont gais, mon neveu, sachez-le. Je me méfie des trop sévères jeûneurs, à mine longue, avec des yeux brûlants et rapprochés, comme s’ils avaient trop longtemps louché du côté de l’enfer. Ceux à qui Dieu fait le plus haut honneur qui soit en les appelant à son service ont une manière d’obligation de s’en montrer joyeux ; c’est un exemple et une politesse qu’ils doivent aux autres mortels. De même que les rois, puisque Dieu les a élevés au-dessus de tous les autres hommes, ont devoir de montrer toujours empire sur eux-mêmes. Messire Philippe le Bel qui était un parangon de vraie majesté condamnait sans qu’on lui vît de colère ; et il portait le deuil sans larmes. 
  Dans l’occasion du meurtre de Monsieur d’Espagne, que je vous contais hier, le roi Jean fit bien apparaître, et de la plus pitoyable façon, qu’il était incapable d’imposer retenue à ses passions. La pitié n’est pas ce qu’un roi doit inspirer ; mieux vaut qu’on le croie fermé à la douleur. Pendant quatre jours, le nôtre fut dans l’empêchement de prononcer un seul mot et de dire même s’il voulait manger ou boire. Il errait dans les chambres, l’œil tout rouge et noyé, ne reconnaissant personne, et s’arrêtant soudain pour sangloter. Il était vain de lui parler d’aucune affaire. L’ennemi eût-il envahi son palais qu’il se fût laissé prendre par la main. Il n’avait pas montré le quart de chagrin lorsqu’était morte la mère de ses enfants, Madame de Luxembourg, ce que le Dauphin Charles ne manqua point de relever. Ce fut même la première fois où on le vit marquer du mépris pour son père, allant jusqu’à lui dire qu’il n’était pas décent de s’abandonner ainsi. Mais le roi n’entendait rien. Il ne sortit de son abattement que pour hurler. Hurler qu’on lui sellât céans son destrier, hurler qu’on rassemblât l’ost ; hurler qu’il courait à Évreux faire justice, et que chacun aurait à trembler… Ses familiers eurent grand-peine à le ramener à la raison et à lui représenter que pour rassembler l’ost, même sans l’arrière-ban, il ne fallait pas moins d’un mois ; que s’il voulait attaquer Évreux, il mettrait la Normandie en dissension ; que, d’autre part, les trêves avec le roi d’Angleterre venaient à expiration, et que s’il prenait à ce dernier l’envie de profiter du désordre, le royaume pourrait se trouver en péril. On lui remontra aussi que, peut-être, s’il avait respecté le contrat de mariage de sa fille et tenu son engagement de remettre Angoulême à Charles de Navarre, au lieu d’en faire don à son cher connétable… 
  Jean II ouvrait le bras et clamait : « Que suis-je donc, si je ne puis rien ? Je vois bien qu’aucun de vous ne m’aime, et que j’ai perdu mon soutien. » Mais enfin, il resta en son hôtel, jurant Dieu que jamais il ne connaîtrait joie jusqu’à ce qu’il fût vengé. 
  Cependant, Charles le Mauvais ne demeurait pas inactif. Il écrivait au pape, il écrivait à l’Empereur, il écrivait à tous les princes chrétiens, leur expliquant qu’il n’avait pas voulu la mort de Charles d’Espagne, mais seulement s’en saisir pour les nuisances et outrages qu’il avait soufferts de lui ; qu’on avait outrepassé ses ordres, mais qu’il prenait tout à son compte et couvrait ses parents, amis et serviteurs qui n’avaient été mus, dans le tumulte de Laigle, que par un trop grand zèle pour son bien. 
  Il se donnait ainsi, ayant monté le guet-apens comme un truand de grand chemin, les gants du chevalier. Et surtout, il écrivait au duc de Lancastre, qui se trouvait à Malines, et au roi d’Angleterre lui-même. Nous eûmes connaissance de la teneur de ces lettres quand les choses s’embrouillèrent. Le Mauvais n’y allait pas par détours. 
  « Si vous mandez à vos capitaines de Bretagne qu’ils soient prêts, sitôt que j’enverrai vers eux, à entrer en Normandie, je leur baillerai bonne et sûre entrée. Veuillez savoir, très cher cousin, que tous les nobles de Normandie sont avec moi à mort et à vie. » 
  Par le meurtre de Monsieur d’Espagne, notre homme s’était mis en rébellion ; à présent il progressait en trahison. Mais en même temps, il lançait sur le roi Jean les dames de Melun. Vous ne savez pas qui l’on nomme ainsi ?… 
  Ah ! voilà qu’il pleut. Il fallait s’y attendre ; cette pluie menaçait depuis le départ. C’est maintenant que vous allez bénir ma litière, Archambaud, plutôt que d’avoir l’eau vous coulant dans le col, sous votre cotte hardie, et la boue vous crottant jusqu’aux reins… 
  Les dames de Melun ? Ce sont les deux reines douairières, et puis Jeanne de Valois, la petite épouse de Charles, qui attend d’être nubile. Elles vivent toutes les trois au château de Melun, qu’on appelle pour cela le château des Trois Reines, ou encore la Cour des Veuves. Il y a d’abord Madame Jeanne d’Évreux, la veuve du roi Charles IV et la tante de notre Mauvais. Oui, oui, elle vit toujours ; elle n’est même point si vieille qu’on croit. À peine doit-elle avoir passé la cinquantaine ; elle a quatre ou cinq ans de moins que moi. Il y a vingt-huit ans qu’elle est veuve, vingt-huit ans qu’elle est vêtue de blanc. Elle a partagé le trône seulement trois ans. Mais elle conserve de l’influence au royaume. C’est qu’elle est la doyenne, la dernière reine de la première race capétienne. Si, sur les trois couches qu’elle fit… trois filles, et dont une seule, la posthume, reste vivante… elle avait eu un garçon, elle eût été reine mère et régente. La dynastie a pris fin dans son sein. Quand elle dit : « Monseigneur d’Évreux, mon père… mon oncle Philippe le Bel… mon beau-frère Philippe le Long… » Chacun se tait. Elle est la survivante d’une monarchie indiscutée, et d’un temps où la France était autrement puissante et glorieuse qu’aujourd’hui. Elle est comme une caution pour la nouvelle race. Alors, il y a des choses qu’on ne fait point, parce que Madame d’Évreux les désapprouverait. En plus, on dit autour d’elle : « C’est une sainte. » 
  Avouons qu’il suffit de peu de chose, quand on est reine, pour être regardée comme une sainte par une petite cour désœuvrée où la louange tient lieu d’occupation. Madame Jeanne d’Évreux se lève avant le jour ; elle allume elle-même sa chandelle pour ne pas déranger ses femmes. Puis elle se met à lire son livre d’heures, le plus petit du monde à ce qu’on assure, un présent de son époux qui l’avait commandé à un maître imagier, Jean Pucelle. Elle prie beaucoup et fait moult aumône. Elle a passé vingt-huit ans à répéter qu’elle n’avait point d’avenir, parce qu’elle n’avait pu enfanter un fils. Les veuves vivent d’idées fixes. Elle aurait pu peser davantage dans le royaume si elle avait eu de l’intelligence à proportion de sa vertu. 
  Ensuite, il y a Madame Blanche, la sœur de Charles de Navarre, la seconde femme de Philippe VI, qui n’a été reine que six mois, à peine le temps de s’habituer à porter couronne. Elle a la réputation d’être la plus belle femme du royaume. Je l’ai vue, naguère, et je ratifie volontiers ce jugement. Elle a vingt-quatre ans, à présent, et depuis six ans déjà elle se demande à quoi lui servent la blancheur de sa peau, ses yeux d’émail et son corps parfait. La nature l’eût dotée d’une moins splendide apparence, elle serait reine à présent, puisqu’elle était destinée au roi Jean ! Le père ne la prit pour lui que parce qu’il fut poignardé par sa beauté. Après qu’elle eut, en une demi-année, fait passer son époux de la couche au tombeau, elle fut demandée en mariage par le roi de Castille, don Pedro, que ses sujets ont surnommé le Cruel. Elle fit répondre, un peu vite peut-être : « Une reine de France ne se remarie point. » On l’a fort louée de cette grandeur. Mais elle se demande à présent si ce n’est pas un bien lourd sacrifice qu’elle a consenti à sa magnificence passée. Le domaine de Melun est son douaire. Elle y fait de grands embellissements, mais elle peut bien changer à Noël et à Pâques les tapis et tentures qui composent sa chambre ; c’est toujours seule qu’elle y dort. 
  Enfin, il y a l’autre Jeanne, la fille du roi Jean, dont le mariage n’a eu pour effet que de précipiter les orages. Charles de Navarre l’a confiée à sa tante et à sa sœur, jusqu’à ce qu’elle ait l’âge de la consommation du lien. Celle-là est une petite calamité, comme peut l’être une gamine de douze ans, qui se souvient d’avoir été veuve à six ans, et qui se sait déjà reine sans occuper encore la place. Elle n’a rien d’autre à faire que d’attendre de grandir, et elle attend mal, rechignant à tout ce qu’on lui commande, exigeant tout ce qu’on lui refuse, poussant à bout ses dames suivantes et leur promettant mille tortures le jour qu’elle sera pubère. Il faut que Madame d’Évreux, qui ne plaisante point sur la conduite, lui allonge souvent une gifle. 
  Nos trois dames entretiennent à Melun et à Meaux… Meaux est le douaire de Madame d’Évreux… une illusion de cour. Elles ont chancelier, trésorier, maître de l’hôtel. De bien hauts titres pour des fonctions fort réduites. On a surprise de trouver là nombre de gens qu’on croyait morts, tant ils sont oubliés, sauf d’eux-mêmes. Vieux serviteurs rescapés des règnes précédents, vieux confesseurs de rois défunts, secrétaires gardiens de secrets éventés, hommes qui parurent puissants un moment parce qu’ils approchaient au plus près le pouvoir, ils piétinent dans leurs souvenirs en se donnant importance d’avoir pris part à des événements qui n’en ont plus. Quand l’un d’eux commence : « Le jour où le roi m’a dit… » Il faut deviner de quel roi il s’agit, entre les six qui ont occupé le trône depuis l’orée du siècle. Et ce que le roi a dit, c’est ordinairement quelque confidence grave et mémorable, telle que : « Il fait beau temps, aujourd’hui, Gros-Pierre… » 
  Aussi, quand survient une affaire comme celle du roi de Navarre, c’est presque une aubaine pour la Cour des Veuves, soudain réveillée de ses songes. Chacun de s’émouvoir, de bruire, de s’agiter… Ajoutons que, pour les trois reines, Monseigneur de Navarre est, entre tous les vivants, le premier dans leurs pensées. Il est le neveu bien-aimé, le frère chéri, l’époux adoré. On aurait beau leur dire qu’en Navarre on l’appelle le Mauvais ! Il fait tout, au demeurant, pour leur paraître aimable, les comblant de présents, venant souvent les visiter… du moins tant qu’il n’était pas emmuré… les égayant de ses récits, les entretenant de ses démêlés, les passionnant pour ses entreprises, charmeur comme il peut l’être, jouant le respectueux avec sa tante, l’affectueux auprès de sa sœur, et l’amoureux devant sa fillette d’épouse, tout cela par bon calcul, pour les tenir comme pièces dans son jeu. 
  Après l’assassinat du connétable, et dès que le roi Jean parut un peu calmé, elles s’en vinrent ensemble à Paris, à la demande de Monseigneur de Navarre. La petite Jeanne de Valois, se jetant aux pieds du roi, lui récita d’un bon air la leçon qu’on lui avait enseignée : 
  « Sire mon père, il ne se peut que mon époux ait commis aucune traîtrise contre vous. S’il a mal agi, c’est que des traîtres l’ont abusé. Je vous conjure pour l’amour de moi de lui pardonner. » 
  Madame d’Évreux, toute pénétrée de tristesse et de l’autorité que son âge lui confère, dit : 
  « Sire mon cousin, comme la plus ancienne qui porta la couronne en ce royaume, j’ose vous conseiller et vous prier de vous accommoder à mon neveu. S’il s’est acquis des torts envers vous, c’est que certains qui vous servent en eurent envers lui et qu’il a pu croire que vous l’abandonniez à ses ennemis. Mais lui-même ne nourrit à votre endroit, je vous l’assure, que des pensées de bonne et loyale affection. Ce serait vous nuire à tous deux que de poursuivre cette discorde… » 
  Madame Blanche ne dit rien du tout. Elle regarda le roi Jean. Elle sait qu’il ne peut pas oublier qu’elle devait être sa femme. Devant elle, cet homme haut et lourd, si tranchant en son ordinaire, devient tout hésitant. Ses yeux la fuient, sa parole s’embarrasse. Et toujours en sa présence, il décide le contraire de ce qu’il croit vouloir. 
  Aussitôt après cette entrevue, il désigna le cardinal de Boulogne, l’évêque de Laon, Robert Le Coq, et Robert de Lorris, son chambellan, pour négocier avec son gendre et lui faire bonne paix. Il prescrivit que les choses fussent menées rondement. Elles le furent en vérité puisque, une semaine avant la fin de février, les négociateurs des deux parties signèrent accord, à Mantes. Jamais, de ma mémoire, on ne vit traité si aisément obtenu et hâtivement conclu. Le roi Jean fit bien montre, en l’occasion, de ses bizarreries de caractère et de son peu de suite aux affaires. Le mois précédent, il ne songeait qu’à saisir et occire Monseigneur de Navarre ; à présent, il consentait à tout ce que celui-ci souhaitait. Venait-on lui dire que son gendre réclamait le Clos de Cotentin, avec Valognes, Coutances et Carentan ? Il répondait : « Donnez-lui, donnez-lui ! » La vicomté de Pont-Audemer et celle d’Orbec ? « Donnez, puisqu’on veut que je m’accorde à lui. » 
  Ainsi Charles le Mauvais reçut-il également le gros comté de Beaumont, avec les châtellenies de Breteuil et de Conches, tout cela qui avait constitué autrefois la pairie du comte Robert d’Artois. Belle revanche, post mortem, pour Marguerite de Bourgogne ; son petit-fils reprenait les biens de l’homme qui l’avait perdue. Comte de Beaumont ! Il exultait, le jeune Navarre. Lui-même, par ce traité, ne cédait presque rien ; il rendait Pontoise, et puis il confirmait solennellement qu’il renonçait à la Champagne, ce qui était chose établie depuis plus de vingt-cinq ans. De l’assassinat de Charles d’Espagne, on ne parlerait plus. Ni châtiment, même des comparses, ni réparation. Tous les complices de la Truie-qui-file, et qui dès lors n’hésitèrent plus à se nommer, reçurent des lettres de quittance et rémission. 
  Ah ! ce traité de Mantes ne fut pas pour grandir l’image du roi Jean. « On lui tue son connétable ; il donne la moitié de la Normandie. Si on lui tue son frère ou son fils, il donnera la France. » 
  Voilà ce que les gens disaient. Le petit roi de Navarre, lui, ne s’était pas montré malhabile. Avec Beaumont, en plus de Mantes et d’Évreux, il pouvait isoler Paris de la Bretagne ; avec le Cotentin, il tenait des voies directes vers l’Angleterre. Aussi, quand il vint à Paris pour prendre son pardon, c’était lui qui avait l’air de l’accorder. 
  Oui ; que dis-tu, Brunet ?… Oh ! cette pluie ! Mon rideau est tout trempé… Nous arrivons à Bellac ? Fort bien. Ici au moins nous sommes assurés d’un gîte confortable, et l’on y serait sans excuse de ne pas nous faire grande réception. La chevauchée anglaise a épargné Bellac, d’ordre du prince de Galles, parce que c’est le douaire de la comtesse de Pembroke, qui est une Châtillon-Lusignan. Les hommes de guerre vous ont de ces gentillesses… 
  Je vous achève, mon neveu, l’histoire du traité de Mantes. Le roi de Navarre parut donc à Paris comme s’il avait gagné bataille, et le roi Jean, à l’effet de le recevoir, tint séance du Parlement, les deux reines veuves assises à ses côtés. Un avocat du roi vint s’agenouiller devant le trône… oh ! tout cela avait grand air… 
  « Mon très redouté Seigneur, Mesdames les reines Jeanne et Blanche ont entendu que Monsieur de Navarre est en votre malgrâce et vous supplient de lui pardonner… » 
  Sur ce, le nouveau connétable, Gautier de Brienne, duc d’Athènes… oui, un cousin de Raoul, l’autre branche des Brienne ; cette fois, on n’avait pas choisi un jeunot… s’en alla prendre Navarre par la main… 
  « Le roi vous pardonne, pour l’amitié des reines, de bon cœur et de bonne volonté. » 
  À quoi, le cardinal de Boulogne eut charge d’ajouter bien haut : 
  « Qu’aucun du lignage du roi ne s’aventure désormais à recommencer car, fût-il fils du roi, il en sera fait justice. » 
  Belle justice, en vérité, dont chacun riait sous cape. Et devant toute la cour, le beau-père et le gendre s’embrassèrent. Je vous conterai la suite demain.

Demain ‘’Quand un roi perd la France’’ - 1ère partie- ch 9 ‘’Le Mauvais en Avignon’’

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