lundi 12 novembre 2018

Les poisons de la couronne - Prologue




PROLOGUE 
Philippe le Bel avait laissé la France en situation de première nation du monde occidental. Sans recourir aux guerres de conquête, mais par négociations, mariages et transactions, il avait largement accru le territoire, en même temps qu’il s’était constamment appliqué à centraliser et renforcer l’État. 
  Toutefois les institutions administratives, financières, militaires, politiques, dont il avait voulu doter le royaume et qui, relativement à l’époque, apparaissaient souvent comme révolutionnaires, n’étaient pas suffisamment ancrées dans les mœurs et l’Histoire pour pouvoir se perpétuer sans l’intervention personnelle d’un monarque fort. 
  Six mois après le décès du Roi de fer, la plupart de ses réformes semblaient déjà vouées à la disparition, et ses efforts à l’oubli. Son fils et successeur, Louis X Hutin, brouillon, médiocre, incompétent, et dès le premier jour de règne dépassé par sa tâche, s’était facilement déchargé des soins du pouvoir sur son oncle Charles de Valois, bon capitaine, mais détestable gouvernant, dont les turbulentes ambitions, longtemps tournées vers la vaine recherche d’un trône, trouvaient enfin à s’employer. Les ministres bourgeois, qui avaient fait la force du règne précédent, venaient d’être emprisonnés, et le corps du plus remarquable d’entre eux, Enguerrand de Marigny, ancien recteur général du royaume, pourrissait aux fourches du gibet de Montfaucon. 
  La réaction triomphait ; les ligues baronniales semaient le désordre dans les provinces et tenaient en échec l’autorité royale. Les grands seigneurs, Charles de Valois le premier, fabriquaient leur propre monnaie qu’ils faisaient circuler pour leur profit personnel. L’administration, cessant d’être contrôlée, pillait pour son compte, et le Trésor était à sec. Une récolte désastreuse, suivie d’un hiver exceptionnellement rigoureux, avait provoqué la famine. La mortalité croissait. 
  Pendant ce temps, Louis Hutin se préoccupait surtout de réparer son honneur conjugal et d’effacer, s’il était possible, le scandale de la tour de Nesle. Faute d’un pape, que le conclave ne parvenait pas à élire, et qui aurait pu prononcer l’annulation du lien, le jeune roi de France, afin de pouvoir se remarier, avait fait étrangler sa femme, Marguerite de Bourgogne, dans la prison de Château-Gaillard. Il devenait libre ainsi d’épouser la belle princesse d’Anjou-Sicile que Charles de Valois lui avait choisie, et avec laquelle il imaginait partager les félicités d’un long règne

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