mardi 20 novembre 2018

Les poisons de la couronne - ch 7 - Le philtre



VII
LE PHILTRE
  
  Une litière légère, portée par deux mules à la tête desquelles couraient des valets, pénétra dans la grande cour de l’hôtel d’Artois, rue Mauconseil. Béatrice d’Hirson, nièce du chancelier d’Artois et demoiselle de parage de la comtesse Mahaut, en descendit. Nul n’aurait pu penser que cette belle fille brune venait de parcourir près de quarante lieues en deux jours. Sa robe était à peine fripée ; son visage était lisse et frais comme au sortir du sommeil. D’ailleurs, elle avait dormi une partie de la route sous de bonnes couvertures, au balancement de la litière. La poitrine haute, la jambe longue, avançant d’un pas qui paraissait lent parce qu’il était allongé et toujours égal, elle se rendit directement auprès de sa maîtresse. 
  La comtesse était attablée devant son second repas, qu’elle prenait vers tierce. 
  — C’est fait, Madame, dit Béatrice en tendant à la comtesse une minuscule boîte de corne. 
  — Comment va ma fille Jeanne ? 
  D’une voix traînante, nasale, et toujours vaguement ironique, même quand il n’y avait aucun motif à ironiser, la demoiselle de parage répondit, marquant des pauses inattendues : 
  — La comtesse de Poitiers va bien, Madame… aussi bien qu’il se peut. Le séjour de Dourdan ne lui est point trop pénible… elle a mis de son côté les gardiens. Elle a le teint clair et n’a que peu maigri ; elle est soutenue par l’espérance… et le soin que vous prenez d’elle. 
  — Ses cheveux ? demanda la comtesse. 
  — Ce sont des cheveux d’un an, Madame… pas aussi longs encore que des cheveux d’homme ; mais ils semblent pousser plus drus qu’ils n’étaient avant. 
  — Enfin, est-elle présentable ? 
  — Avec une guimpe autour du visage, assurément… Et puis, elle peut s’orner de fausses nattes. 
  — Les faux cheveux ne se gardent pas au lit, dit Mahaut. 
  Elle avala, par grandes cuillerées, la fin d’un potage aux pois et au lard et, pour s’alléger le palais, but un gobelet de vin d’Arbois. Puis elle ouvrit la boîte de corne, considéra la poudre grise qui en formait le contenu. 
  — Combien cela me coûte-t-il ? 
  — Vingt-deux livres. 
  — Peste, les magiciennes font bien payer leur science. 
  — Elles risquent gros. 
  — Combien, là-dessus, as-tu gardé pour toi ? 
  — Presque rien, Madame… Juste de quoi m’acheter cette robe d’écarlate que vous m’aviez promise… et que vous ne m’avez point donnée. 
  La comtesse Mahaut ne put s’empêcher de sourire ; cette fille savait comment la prendre. 
  — Tu dois avoir le ventre creux ; goûte un peu à ce pâté de canard, dit-elle en se servant à elle-même une épaisse tranche. 
  Puis, revenant à la boîte de corne, elle ajouta : 
  — Je crois à la vertu des poisons pour se débarrasser d’un ennemi, mais guère aux philtres pour se gagner un adversaire. Ce sont tes idées, pas les miennes. 
  — Et pourtant, je vous assure, Madame, qu’il faut y croire, répondit Béatrice. Celui-ci est fort bon ; il n’est pas fait à la cervelle de mouton… mais seulement aux herbes, et préparé devant moi. Je suis donc allée à Dourdan, et j’ai tiré un peu de sang du bras droit de Madame Jeanne. Puis, j’ai porté ce sang à la personne que je vous ai dit, Isabelle de Fériennes… qui l’a mélangé avec de la verveine, de l’amourette et de la livèche ; et cette Fériennes a prononcé la formule de conjuration ; elle a déposé le mélange sur une brique neuve, et l’a brûlé avec du bois de frêne pour obtenir la poudre que je vous apporte. Il n’est plus maintenant qu’à mettre cette poudre dans une boisson, la faire avaler au comte de Poitiers, et avant peu vous le verrez repris d’amour pour son épouse… avec une force que rien ne pourrait entraver. Doit-il toujours venir vous visiter ce matin ? 
  — Je l’attends. Il est rentré de l’ost hier soir, et je l’ai prié de passer me voir. 
  — Alors, je vais aussitôt mêler le philtre à de l’hypocras… que vous lui offrirez à boire. L’hypocras, qui est chargé en épices et sombre de couleur, dissimulera bien la poudre. Mais je vous conseille, Madame… de vous remettre au lit et de feindre d’être malade, pour avoir prétexte à ne pas boire vous-même ; car il ne faudrait pas que vous alliez absorber ce breuvage… et vous trouver prise d’amour pour Madame votre fille. 
  — C’est en tout cas une bonne idée que de le recevoir couchée, répondit la comtesse d’Artois, et de me prétendre en mauvais point. On peut dire les choses plus droitement. 
  Elle fit enlever la table, demanda une robe de nuit et se remit au lit. Puis elle appela auprès d’elle son chancelier Thierry d’Hirson, ainsi que son cousin germain Henri de Sully, qui logeait chez elle, et elle travailla en leur compagnie aux affaires de son comté. Un peu plus tard, on annonça le comte de Poitiers. Il entra, vêtu de sombre comme à l’ordinaire, ses jambes de héron chaussées de bottes souples, et la tête, sous le chaperon à crête, un peu penchée au bout de son long corps. 
  — Ah ! Mon beau fils ! s’écria Mahaut comme si elle avait vu apparaître le Sauveur. Que je suis aise de votre venue. Savez-vous à quoi je m’occupais ? Je me faisais lire l’état de mes biens pour dicter mes volontés dernières. J’ai souffert la plus mauvaise nuit du monde, toute torturée aux entrailles par l’angoisse de la mort, et j’avais grand-crainte de passer outre sans vous avoir ouvert ma pensée, pour ce que je vous aime, en dépit de tout, d’un cœur de mère. 
  Afin de conjurer les mensonges qu’elle venait de proférer, elle tira le petit reliquaire en forme de médaillon qu’elle portait sur la poitrine, au bout d’une chaîne d’or, et le baisa dévotement. 
  — Que saint Druon me protège, dit-elle en régissant le médaillon dans son vaste corsage. 
  Bien installée parmi ses coussins de brocart, les joues rebondies et colorées, l’épaule large, le bras charnu, Mahaut offrait les signes d’une robuste santé. Tout au plus aurait-elle eu besoin, peut-être, de se faire tirer une ou deux pintes de sang. 
  « Allons, elle va me donner la comédie, pensa Philippe de Poitiers. De nature comme d’apparence, elle ressemble trait pour trait à Robert. Ils se haïssent d’être trop pareils. Je gagerais qu’elle va me parler de lui. » 
  Il ne se trompait pas. Mahaut se mit aussitôt à vitupérer ce mauvais neveu, ses manœuvres, ses intrigues, et la ligue qu’il animait contre elle. Pour Mahaut comme pour Robert, toutes les affaires du monde passaient par le comte d’Artois qu’ils se disputaient depuis treize ans. Leurs pensées, leurs démarches, leurs amitiés, leurs alliances, leurs amours même, se rattachaient toujours de quelque façon à cette lutte, l’un n’entrait dans un clan que parce que l’autre appartenait au clan adverse, Robert ne soutenait une ordonnance royale que parce que Mahaut la désapprouvait, Mahaut était d’avance hostile à Clémence de Hongrie parce que Robert avait donné appui au mariage. 
  Cette haine qui excluait tout accord, toute transaction, dépassait son objet, et l’on pouvait se demander s’il n’y avait pas entre la géante et le géant une sorte de passion à rebours, inconnue d’eux-mêmes, et qui se fût mieux apaisée dans l’inceste que dans la guerre. 
  — Toutes ses méchancetés avancent mon trépas, dit Mahaut. J’ai su que mes vassaux, assemblés par Robert, ont prononcé serment contre moi. C’est cela qui m’a remué les humeurs et mise dans l’état où je suis. 
  — Ils ont juré ma mort, Monseigneur, dit Thierry d’Hirson. 
  Philippe de Poitiers se tourna vers le chanoine-chancelier et vit que c’était lui, et non Mahaut, qui était malade, de peur. 
  — J’allais monter à l’ost, pour remettre de l’ordre dans ma bannière, reprit Mahaut, j’avais fait sortir, comme vous voyez, mes atours de guerre. 
  Elle désigna, vers un coin de la pièce, un imposant mannequin revêtu d’une longue robe en mailles d’acier et d’une cotte de soie brodée aux armes d’Artois ; à côté étaient préparés le heaume et les gantelets. Mahaut soupira. Elle regrettait l’occasion perdue. Elle aimait bien se vêtir en chevalier, comme un homme. 
  — Et puis j’ai appris la fin de cette glorieuse chevauchée qui coûte au royaume l’argent et l’honneur. Ah ! L’on peut dire que votre pauvre frère n’est guère fortuné, et que tout ce qu’il entreprend va à la traverse. En vérité, je vous le dis comme je le crois, vous auriez fait un bien meilleur roi que lui, et c’est grande pitié pour tous, mon beau fils, que vous soyez né le second. Votre père, que Dieu l’ait en grâce, en soupirait souvent. 
  Depuis le scandale de la tour de Nesle et la détention de Jeanne à Dourdan, le comte de Poitiers n’avait revu sa belle-mère que dans les cérémonies publiques, lors des funérailles de Philippe le Bel par exemple, ou bien aux séances de la Chambre des pairs, mais jamais en privé. Ils se marquaient de la froideur. Pour une reprise de contact, l’ouverture était grosse, Mahaut, dans le compliment, ne prenait pas la petite mesure. Elle invita son gendre à s’asseoir plus près de son lit. Hirson et Sully se retirèrent vers la porte. 
  — Mais non, mes bons amis, vous n’êtes point de trop, vous savez bien que je n’ai pas de secrets pour vous, leur dit-elle. 
  En même temps, elle leur faisait signe, d’un mouvement de doigts, de sortir de la pièce. Or il était peu habituel, chez les grands seigneurs, de recevoir un visiteur tête à tête. Leurs appartements étaient constamment occupés ou traversés par des parents, des familiers, des vassaux, des serviteurs. Les entretiens se déroulaient généralement au vu de tous, ou, au moins, en présence d’un gentilhomme de la chambre ou d’une dame de parage. D’où la nécessite de l’allusion, du demi-mot. Lorsque les deux interlocuteurs principaux se retiraient dans une embrasure de fenêtre pour converser à voix basse, les gens de leur suite affectaient le détachement, mais se sentaient facilement ou vexés ou inquiets. Tout entretien à portes closes prenait une allure de complot. Et c’était bien l’allure que Mahaut voulait donner à son entretien avec le comte de Poitiers, ne fût-ce que pour le compromettre un peu et le faire mieux entrer dans son jeu. Aussitôt qu’ils furent seuls, elle lui demanda : 
  — Quels sont vos sentiments pour ma fille Jeanne ? 
  Comme il hésitait à répondre, elle entama sa plaidoirie. Certes, Jeanne de Bourgogne avait eu des torts, de grands torts même, en n’avertissant pas son mari des intrigues d’alcôve qui déshonoraient la maison royale, et en se faisant complice… volontairement, involontairement, qui pouvait le dire ?… du scandale. Mais elle-même n’avait point péché de corps, ni trahi le mariage ; tout le monde le reconnaissait ; et le roi Philippe, lui-même, pourtant si courroucé, en était convenu, puisqu’il avait assigné à Jeanne une résidence particulière, sans jamais signifier que cette réclusion fût à vie… 
  — Je sais, j’étais au conseil de Maubuisson, dit le comte de Poitiers qui souhaitait couper à ces souvenirs amers. 
  — Et comment Jeanne aurait-elle pu vous trahir, Philippe ? Elle vous aime. Elle n’aime que vous. Qu’il vous suffise de vous rappeler ses cris, lorsqu’on l’emmena dans son chariot noir : « Dites à Monseigneur Philippe que je suis innocente ! » J’en ai encore le cœur fendu, moi, sa mère, d’avoir dû assister à cela. Et depuis quinze mois que la voilà à Dourdan, je le sais par son confesseur, jamais un mot contre vous, rien que paroles d’amour, et des prières à Dieu pour regagner votre cœur. Je vous assure que vous avez là une femme plus fidèle, plus dévouée que beaucoup, et qui a été durement châtiée. 
  Elle rejetait toutes les fautes, toutes les culpabilités sur Marguerite de Bourgogne, et cela avec d’autant plus de tranquillité que Marguerite, premièrement, n’appartenait pas à sa proche famille et, secondement, n’existait plus. C’était Marguerite la pécheresse, la dévergondée, la catin ; c’était Marguerite qui avait entraîné Blanche, pauvre enfant inconsciente, qui avait abusé l’amitié de Jeanne… D’ailleurs, à Marguerite elle-même ne devait-on pas concéder quelques excuses ? L’espoir d’être reine de Navarre ne suffit pas à tout, et quelle femme ne se fût attristée du mari qu’on lui avait donné ! En définitive, Mahaut tenait le Hutin pour le premier responsable de son infortune. 
  — Il paraît que votre frère n’est pas très bien membré… 
  — On m’a toujours assuré, au contraire, qu’il était normal de ce côté-là, encore qu’un peu effarouché ou violent sur la chose… mais nullement empêché, répondit le comte de Poitiers. 
  — Vous n’avez point, comme moi, les confidences des femmes, répliqua Mahaut. 
  Elle se redressa, massive, sur ses oreillers, regarda son gendre droit dans les yeux. 
  — Philippe, parlons clair, dit-elle. Croyez-vous que l’héritière, la petite Jeanne de Navarre, soit de lui ou du galant de Marguerite ? Philippe de Poitiers se frotta un instant le menton. 
  — Mon oncle Charles de Valois affirme qu’elle est bâtarde, répondit-il, et Louis lui-même, par la façon qu’il a d’éloigner cette enfant, semble le confirmer. D’autres, comme mon oncle d’Évreux ou, bien sûr, le duc de Bourgogne, la tiennent pour légitime. 
  — S’il arrivait malheur à Louis, qui n’est pas bien fort de santé, vous êtes dans le moment le second en ligne de succession. Mais si la petite Jeanne est déclarée bâtarde, comme nous pouvons penser qu’elle l’est, alors vous devenez le premier, et c’est à vous d’être roi. Vous êtes fait pour régner, Philippe. 
  — La nouvelle épouse qui lui arrive de Naples fournira peut-être à mon frère un héritier. 
  — S’il est capable de procréer. Ou si Dieu lui en laisse le temps…, dit Mahaut en appuyant bien sur ces derniers mots. 
  À ce moment, Béatrice d’Hirson entra, portant un plateau chargé d’une aiguière ciselée, de gobelets de vermeil et d’une coupe emplie de dragées. Mahaut eut un mouvement d’impatience. L’interruption était vraiment peu opportune ! Mais sans se troubler, ni se hâter, la demoiselle de parage emplit les gobelets, et présenta au comte de Poitiers hypocras et dragées. Mahaut étendit machinalement la main vers un gobelet Béatrice la regarda de telle façon qu’elle se reprit, disant. 
  — Non, je suis trop malade, tout me tourne sur le cœur. 
  Poitiers réfléchissait. Il n’avait pas manqué lui-même durant les mois récents, de penser à l’éventualité de la succession. En clair, Mahaut lui proposait alliance et soutien, pour le cas où Louis X viendrait à disparaître. Béatrice d’Hirson était ressortie. 
  — Ah ! Philippe, sauvez ma fille Jeanne de la mort, je vous en conjure, s’écria soudain Mahaut, pathétique. Elle n’a point mérité tel sort. 
  — Mais qui donc la menace ? demanda Poitiers. 
  — Robert, toujours lui ! répondit-elle. J’ai appris qu’il était de connivence avec votre sœur Isabelle pour machiner la perte de mes filles et de Marguerite. Et j’ai vu ce grand gueux, à la place où vous êtes, venir m’annoncer lui-même mon malheur, la mine tout apitoyée. Et moi je l’ai cru sincère. Il se pourléchait, le putois. Mais cela ne lui portera pas bonheur, comme cela n’a pas porté bonheur à Isabelle. Son mari a reperdu l’Ecosse, et continue de se vautrer dans le vice avec des portefaix. 
  Elle s’arrêta un instant, parce que Poitiers approchait le gobelet de ses yeux myopes pour en examiner la ciselure. Puis elle enchaîna. 
  — Mais mon Satan de Robert a fait mieux depuis. Savez-vous que le jour où Marguerite fut trouvée morte, Robert était entré à Château-Gaillard au petit matin ? 
  — Vraiment ? dit Poitiers sans montrer une surprise extrême. 
  Il avait, lui aussi, ses informations. Il but une gorgée et parut apprécier le breuvage. 
  — Blanche, enfermée dans la même tour, a tout entendu. La pauvre enfant, depuis, est comme folle. Elle m’a fait parvenir l’autre jour un message… Entendez-moi, Philippe, il va les tuer l’une après l’autre. Son jeu est clair. Robert à présent peut agir à sa guise et tout obtenir du roi ; ils sont complices du même meurtre. Il suffit que Robert parle pour que Louis approuve. Maintenant, il va s’attaquer à ma descendance. Je suis seule, veuve, avec un fils trop jeune encore pour qu’il me puisse fournir appui, et pour la vie duquel je tremble autant que pour la vie de mes filles. Tant de douleurs et de craintes ne peuvent-elles pas faire mourir une femme avant l’âge ? 
  À nouveau, elle toucha sa relique pectorale. 
  — Dieu m’est témoin que je ne voudrais pas trépasser en laissant mes enfants livrés à ce chacal. De grâce, reprenez votre épouse auprès de vous pour la protéger, et montrez du même coup que je ne suis point sans allié. Car, s’il arrivait que Jeanne fût enlevée à la vie, ou bien restât recluse, et que l’Artois me fût ôté comme si fort on s’y emploie, alors je serais obligée de demander retour, pour mon fils, du palatinat de Bourgogne, qui était la dot de Jeanne. 
  Poitiers ne put qu’admirer l’adresse avec laquelle sa belle-mère avait planté sa dernière lance. Ainsi le marché était nettement proposé : « Ou bien vous reprenez Jeanne, et je vous pousse au trône s’il devient vacant, afin que ma fille soit reine de France ; ou bien vous refusez la réconciliation conjugale, mais alors je renverse mes positions et négocie la reprise du comté de Bourgogne contre l’abandon de l’Artois. » 
  Or la Bourgogne-comté constituait non seulement une immense possession, mais aussi, par sa situation de palatinat, un possible accès à la couronne élective de l’empire d’Allemagne. Poitiers contempla un instant Mahaut, monumentale sous les grandes courtines de brocart drapées autour de son lit. 
  « Elle est fourbe comme le renard, obstinée comme le sanglier ; elle a sans doute du sang sur les mains, mais je ne pourrai jamais me défendre d’avoir pour elle de l’amitié… Dans sa violence comme dans son mensonge, il y a toujours une pointe de naïveté…»       
  Pour cacher le sourire qui lui venait aux lèvres, il but au gobelet de vermeil. Il ne promit rien, ne conclut rien, car il était de nature réfléchie, et ne considérait pas qu’il y eût urgence à décider. Mais, à tout le moins, il voyait déjà le moyen de contrebalancer au Conseil des pairs l’influence de Valois, qu’il tenait pour funeste. Il but une dernière gorgée et dit : 
  — Nous parlerons de tout ceci au sacre, où nous allons nous revoir promptement, ma mère. Et par ce « ma mère » qu’il employait pour la première fois depuis quinze mois, Mahaut comprit qu’elle avait gagné. Aussitôt après le départ de Philippe, Béatrice entra et examina le gobelet. 
  — Il l’a vidé presque jusqu’au fond, dit-elle avec satisfaction. Vous verrez, Madame… que Monseigneur de Poitiers va bientôt aller à Dourdan.    
  — Je vois surtout, répondit Mahaut, qu’il nous ferait un fort bon roi… si nous perdions le nôtre. 

Demain chapitre 8 Un mariage de campagne 


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