lundi 5 mars 2018

Nation building - Naissance d'une nation

Dans sa savoureuse ‘’Encyclopédie capricieuse du tout et du rien’’ (Belfond), Charles Dantzig nous propose la notion de ‘’nation building’’ ; construction de nation. Il crée à partir de rien sa nation idéale. Voici ses principes constitutionnels

‘’Taisez-vous sujets.

Soit un pays de 100 000 km² sur la Méditerranée qui aura l’Angleterre pour colonie. Il sera de forma carrée, avec des fantaisies dans les marges, cicatrices romanesques de notre fastueuse histoire, et aura pour voisins, répartis en marguerite, l’Italie, le Laos, Tahiti, la Méditerranée et cette Angleterre qui n’est séparée de nous que par la rue Amory-Blaine.*

Il n’aura pas moins de quatre-vingts millions d’habitants mais, comme les Druzes du Liban, ne cherchera pas à accroître sa population. ‘’ Nous ne sommes pas un pays, mais un club’’ disent volontiers les habitants de notre nation.

On encourage les mariages avec les étrangers afin de développer la culture de nos habitants.

On peut y changer de nationalité comme de chemise. Le matin italien, à midi anglais, l’après-midi tahitien, le soir chinois, à minuit espagnol. Et, permettant qu’on s’en échappe, notre glorieuse nation fait que tout le monde rêve d’elle.

‘’Nation’’ est un mot comme ça. A proprement parler, nous sommes un petit empire réunissant, c’est exceptionnel, des peuples qui s’adorent.

Le premier ministre est étranger, pour ôter sa vanité chauvine des têtes obtuses de la plèbe. Cela sert aussi à éloigner de » l’ambition de toutes les demi-élites locales qui se portent  vers la politique par médiocrité.

Notre glorieuse nation n’a pas de relations diplomatiques avec les Pays-Bas, la France et l’Académie Goncourt. Dès qu’un régime démagogique, clownesque et funèbre à la Chavez-Ortega-Morales apparaît, notre nation rompt ses relations diplomatiques avec lui.

Nous avons de bons soldats, ce qui n’empêche pas la civilité. L’autre jour, à l’état-major, un général a dit à un autre :’’ Tu es énervé. Tu veux une brioche ?’’.

Notre nation accorde l’asile politique à tous les artistes qui le demandent. C’est ainsi qu’elle s’est enrichie de 10 000 fainéants, mais aussi de dix grands écrivains, peintres, musiciens et cinéastes qui accroissent sa gloire.

On habitue les enfants aux lectures qui ne sont ni de leur âge ni de leur pays. A 10 ans, en classe de mimosa, on apprend ‘’ces nymphes, je veux les perpétuer’’**, ‘’Entrase el mar por un arroyo breve’’***, ‘’Voi ch’ascoltate in rime sparte il suono’’****.

Dans notre droit pénal, la susceptibilité est un crime. 90% de nos musulmans ont émigré.

Un autre crime et sévèrement puni est la pudeur. Cela vient de ce que notre plus grand pénaliste est mort vierge à 92 ans et demi, après avoir confié à son confesseur, en parlant de sa vieille gouvernante : ‘’ Je viens de lui dire ‘’je t’aime’’. Je lui avais murmuré, il y a 12 ans :’’Je suis amoureux’’, mais, entre dire ‘’je suis amoureux’’ et dire ‘’je t’aime’’, il y a un monde. On ne m’a pas appris à le visiter. La pudeur a tué ma vie après ma sœur’’. ( Sa sœur était morte d’un cancer pour avoir refusé de montrer ses organes génitaux au médecin.)

L’hiver est interdit plus de huit jours (en deux fois).

L’hymne national est :’’ Le roi, sa femme et son p’tit prince’’ :

Lundi matin, le roi, sa femme et son p’tit prince

Sont venus chez moi pour me serrer la pince                                

Mais comme j’n’étais pas là, le p’tit prince a dit

Puisque c’est ainsi nous reviendrons mardi

Lundi matin, le roi, sa femme et son p’tit prince…

Notre nation est une république.

Le drapeau est rose avec un profil de Grec argent. On peut en changer tant qu’on veut. Il est resté, pendant cinq ans, sous la présidence Moderato Maestoso, un torchon qu’on hissait quand on y pensait. La présidente avait choisi pour devise :’ Ne mélangeons pas les torchons avec les serviettes : restons torchons (Jean Cocteau).

C’était sa devise personnelle ; La devise officielle de notre nation est :’’ Si tu penses ce que tu dois, tu ne devrais pas.’’ L’abolition du devoir date de 318 ans déjà.

L’article 2 de notre Constitution stipule que ‘’le patriotisme n’est requis qu’en temps de guerre’’

Le jour de la fête nationale est celui de la naissance de Louise Labbé, parfois de Rossini, parfois d’un ouvrier méritant tiré au sort.

Le président, élu par le parlement, est une fois sur deux une femme de plus de 80 ans à cheveux blancs…

Savoureux je vous dis…

*Amory Blaine : héros du premier roman de F.S. Fitzgerald : l'envers du Paradis.

**1er vers de L'après-midi d'un faune de S. Mallarmé

*** Vers de ''La soleda segonda'' de Luis Gòngora.

**** Vers de ''Sonnet sur la mort de Laure'' de Pétrarque.


Ce qui est bien dans ce genre de post, c'est que, si on veut savoir ce que l'on écrit, cela oblige à quelques recherches...


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