mercredi 27 février 2019

Incipit 71 - Goncourt 1904 - La Maternelle Léon Frapié


 Léon Eugène Frapié est un romancier français né à Paris le 27 janvier 1863, décédé à Paris en 1949. Léon Frapié collabora d'abord à des revues et à des quotidiens, puis quelques romans. Mais c'est La Maternelle (prix Goncourt 1904) qui lui valut la notoriété. Ce roman était une peinture émouvante et désabusée des mœurs enfantines dans une école des quartiers pauvres. D'une manière générale, l'œuvre de Léon Frapié se rattache à la tradition du roman réaliste.
La narratrice, jeune fille de bonne famille, a fait de très hautes études (pour l’époque) puisqu’elle est licenciée de l’université. Le malheur la frappe soudain : s’enchaînent la disparition de la fortune familiale, la mort de son père et par voie de conséquence la rupture de ses fiançailles. Réduite à l'hospitalité mal gracieuse de son oncle, elle est contrainte à se loger de manière plus que sommaire et à travailler ; mais son trop haut niveau d’études ne lui permet pas de postuler à un emploi d’institutrice. C’est donc en cachant ses diplômes qu’elle se fait embaucher comme femme de service dans une école maternelle du quartier des plâtriers dans la Zone qui n’est déjà plus Paris et pas encore la banlieue-Est : Ménilmontant.
Le titre ne révèle pas la noirceur de cette description d'une école enfantine des quartiers pauvres de Paris, au début du vingtième siècle.
L' écriture est moderne, directe, et le propos ne s' embarrasse pas d'enjolivures...


‘’Je fus fiancée à vingt-trois ans. Il était temps. Par une grâce, dit-on, assez rare, le surmenage des études classiques n’avait rien détraqué en moi, la longue attente virginale n’avait pas perverti mon imagination. Élevée sans mère depuis l’âge de douze ans, j’étais très simple, très saine, très « nature » ; de visage coloré, de caractère gai, de gestes vifs. Mais, enfin, il était temps que la certitude d’un prochain mariage vint secourir la belle patience de mon tempérament. Mon fiancé avait le profil chevaleresque d’un Louis XIII adouci, et sa conversation mettait en poésie les plus ordinaires circonstances de la vie. J’éprouvais auprès de lui une exaltation heureuse, tout en pensée. Après son départ, je me sentais alourdie, comme si mon corps même portait aussi une rêverie à bientôt exhaler. Or mon père mourut subitement de l’issue désastreuse d’une affaire d’argent. Je me trouvai, du jour au lendemain, orpheline, pauvre, délaissée, car la poésie de mon fiancé ne survécut pas à la perte de ma dot. Et je ne pus empêcher ma douleur d’amante d’envahir ma douleur filiale.’’

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