dimanche 17 février 2019

Incipit 70 - Goncourt 1903 - Force ennemie

 
Le prix Goncourt est un prix littéraire français récompensant des auteurs d'expression française, créé par le testament d'Edmond de Goncourt en 1892. La Société littéraire des Goncourt est officiellement fondée en 1902 et le premier prix Goncourt proclamé le 21 décembre 1903.
De 1903 à 2018, pour causes de guerres mondiales, le prix fut décerné 84 fois récompensant des chefs d’œuvre, quelque fois, des romans intéressants, souvent, et des nanars… Le Goncourt n’a jamais été un passeport pour la postérité.
Aujourd’hui le premier Concourt :
 
1903 - Force ennemie – John Antoine Nau

Comme je pense que vous ne l’avez pas lu, un petit résumé avant la première page.
 
Philippe Veuly se réveille un matin dans une maison de santé, en pleine possession de ses moyens, mais sans aucun souvenir des circonstances qui l’ont conduit à être interné. En compagnie de son gardien, il fait le tour du propriétaire, rencontre les autres pensionnaires de l’établissement et tombe éperdument amoureux d’une jolie malade du « bâtiment d’en face ». Tout semble bien se passer jusqu’au moment où il commence à souffrir de troubles psychologiques et d'hallucinations.
Kmôhoûn, un habitant de la planète Tkoukra, est venu chercher refuge dans le corps d’un Terrien pour échapper aux dures conditions de vie de son astre. Philippe Veuly va devoir désormais partager son corps avec lui. Or ce dernier, personnage cynique, dévergondé, voire lubrique, est capable de prendre possession de la volonté de son hôte et de lui faire faire ou dire ce qu’il veut.

Quel étrange réveil ! Certes, je connais cette chambre, mais il me semble bien qu’il y a des mois, peut-être des années que je ne l’ai vue ! Ces parois de planches jaunes, cirées, m’ont été jadis assez familières ; mais pourquoi les avoir capitonnées depuis le parquet jusqu’à hauteur d’homme avec d’épais, d’énormes matelas recouverts de drap gris, — de « drap de wagon » ? La lumière dorée du matin flue par une large fenêtre grillée aux barreaux médiocrement serrés. Voyons : en me levant, en allant regarder par une vitre, je suis sûr que je vais apercevoir un grand bâtiment blanc, luisant, comme stuqué, un vaste jardin raidement dessiné par un sous-Lenôtre contemporain et une sorte de tour en bois ( 1) toute plissée de lamelles de jalousies. J’ai su plus tard que c’était un séchoir ! Eh oui ! c’est bien cela ! Et je reconnais, là-bas, cette colline frisée de bosquets ; plus près, ce petit clocher frêle d’un gris doux que rosit un peu la verdure ; et, sur cette butte rougeâtre, l’orme solitaire qui paraît géant. Comment tout ce paysage peut-il m’affecter à la même minute — et comme un spectacle habituel et comme une vision perdue dans le vague des temps ? Singulière contradiction qui me trouble d’une bizarre inquiétude : serais-je devenu très vieux sans le savoir ? Aurais-je sommeillé des lustres ou un siècle ? Suis-je une espèce de très ridicule, de très vilain « Beau au bois dormant » ?

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