vendredi 28 avril 2017

L'Afrique - Libreville





Je sors de l'avion. En haut de l'échelle je suis agressé par la chaleur, elle me tombe sur la nuque, le cou, le dos! Comme le vent qui fait diminuer sur la peau la température de 4 à 5°, l'humidité doit augmenter d'autant la sensation de chaleur. La fraîcheur climatisée de l'avion nous reliait encore à Paris. Là c'est fini. On sent que l'équateur est à moins de 100 kilomètres au sud. Mon pantalon ''demi-saison'', mon pull, mon blouson me collent à la peau. La carnation de blond de mon normand de collègue vire vite au rouge; je pense qu'il devra faire attention au soleil. On retrouve une relative fraîcheur dans l'aérogare! Les formalités bagages et douane passées, on se retrouve dans le hall. Dans la foule assez importante (j'apprendrai que l'arrivée de l'avion de Paris est toujours un petit événement dans la communauté française) des personnes des pancartes sur la poitrine avec des noms de personnes, de sociétés, d'hôtels. Je remarque la pancarte ''Score''. On s'approche. Il se présente Bernard L. directeur du magasin. 45 ans, grand mince, petite moustache, pantalon gris, chemise blanche à manches longues, poignet ''mousquetaire'' boutons de manchette cravate bleue. On se décline à notre tour!! ''Bon voyage? Pas trop fatigué? Ca change du climat de Paris hein?'' Là, moi j'aurais dit ''Non?''. C'est un détail mais j'ai toujours été très ''à cheval'' sur ces détails!! comme disait ma grand mère en parlant des principes moraux ou ménagers.
''Venez, ma voiture est au parking''. C'est une grosse Peugeot. Normal ! La société qui vient de nous engager représente la ''Pigeot'' en Afrique. C'était avant l'arrivée des japonaises; cela pour situer l'importance du marché.
Durant le trajet jusqu'à Libreville: '' La Scoa a racheté toute la chaine des Prisunic de l'ex AOF et AEF (Afrique occidentale et équatoriale française) et va la transformer en super et hypermarchés sous le nom de ''Score''. 


''Vous avez une idée de ce que peut être le travail dans ce type de magasin?''. ''Non?''. Vous vous y mettrez dès demain matin! C'est pas sorcier mais y a des trucs à savoir.'' '' Vous avez déjà vécu en Afrique? Vous Renaud oui? Quand ça? 58/59?? Hou la la!! Ca a bien changé!! Oubliez tout!! Ils sont in-dé-pen-dants!!''
''Maintenant je vais vous amener chez vous. Vous êtes logés dans un petit immeuble à côté du magasin. Tout le personnel expatrié y habite. Sauf moi j'ai une villa, une concession. Vous verrez c'est sympa.'' En mon for intérieur je dodeline de la tête!!
''Je suis désolé de ne pas vous avoir à la maison ce soir. Mais ce sera pour très bientôt! Ce soir vous dinez chez les S... Jean Pierre et Marie Janick. Lui s'occupe du rayon ''vivres frais''. Il y aura aussi les B... Pierre et France. Lui c'est le rayon ''alimentation''. Jacques le boucher sera là aussi. Sa femme doit arriver bientôt! Je pense Renaud que vous vous occuperez du rayon ''Bazar'' et vous Daniel du ''textile''. Je sens, sur le siège arrière, Daniel dodeliner un max. En son for intérieur!!
Arrivés à notre immeuble on monte, façon de parler on est au rez de chaussée, les valises dans nos appartements! Bernard L. va nous présenter aux S...Ils habitent au premier . Les B... aussi. On doit monter dans les étages comme dans une hiérarchie. A l'ancienneté!! Marie Janick S... nous ouvre. Elle est belle grande, blonde, on devine qu'elle doit être mince, mais là elle est enceinte de 7 mois au moins. Son mari a la carrure d'un rugbyman, une démarche lente d'un ours, mais à mon avis il ne doit pas faire bon être sur son chemin quand il accélère; très noir de poil cheveu et barbe, un léger accent du sud-ouest et un œil qui rigole. Tous les deux entre 25 et 30 ans. Les présentations faites notre directeur s'en retourne vers sa concession. Marie Janick :'' Si vous avez besoin de quoique ce soit n'hésitez pas à me le demander. Allez vous mettre à l'aise, on se retrouve dans une heure.'' Daniel et moi on s'en retourne chez nous.
Mon chez moi c'est un deux pièces. Quand on a dit ça on a tout dit. Une chambre, un salon avec une baie vitrée donnant sur un petit balcon, une petite cuisine et une petite salle de bains. Le tout meublé à minima. Un lit, une paire de drap, une armoire dans la chambre. Dans le salon un canapé, une table basse, deux fauteuils, le siège et le dossier en fil plastique rouge du genre à laisser sur les cuisses et le dos des marques indélébiles pendant 12 heures au moins, une table et 4 chaises. Dans le buffet tout en 4 exemplaires : verre, assiette, couteau, fourchette. Dans la cuisine un évier, une plaque électrique, un frigo rempli de l'essentiel: une bouteille d'eau. Dans la salle de bains une serviette de toilette. Je me dis que je dois penser à acheter du PQ demain. Je retourne dans la chambre pour mettre mes petites affaires dans le placard. ''Faudra aussi penser à acheter des cintres me dis je in petto'' Mais je suis content, je n'en ai jamais eu autant pour moi tout seul!!
Une heure après, douché, parfumé (Green water de J. Fath acheté au duty free d'Orly) Je sonne chez les S... Je suis le dernier. Les B... sont là. Pierre, beau garçon au physique avantageux, moustache et petite barbe à la mousquetaire, très sur de lui, très homme a femme! On en reparlera dans 5/6 ans... France sa femme, une franco américaine, un physique à la Shirley mc Laine, drôle, agréable. Et Jacques le boucher. Un physique de... boucher! J'aime pas dire ça, mais rien d'autre ne m'est venu à l'esprit, mais marrant, bon vivant! Il aurait dû en profiter un peu plus!!!
Après avoir donné des réponses sans intérêt à des questions qui n'en avait pas plus, la discussion s'est vite recentrée sur des problèmes de boulot et sur les faits et gestes de telle ou tel, grands classiques d'une micro société vivant en vase clos! Daniel et moi sommes exclus de ces discussions! La tête me tourne, je suis fatigué! Je me lève, m'excuse. Bonsoir, bonsoir! Oui demain 8 heures au magasin. Bisous France, Bisou M.J. Merci beaucoup! Je sors. Arrivé chez moi je reste planté 10 secondes au milieu du salon. Pas sur d'avoir donné une très bonne image de moi ce soir. Je sens une drôle d'odeur sur moi. J'approche ma main de mon nez. Oui en effet! Ma chemise. Pas de doute. Une légère odeur de poisson pas trop frais. Green water n'a pas supporté le voyage ni ma transpiration sub-tropicale. Il a tourné. Et merde! Je verrais ça demain. Je tombe sur mon lit et m'endors aussitôt.
Le lendemain matin 7 heures. Réveil. Je vais dans le salon, ouvre la baie vitrée, remonte les volets. Plein soleil. Je fais un pas sur le balcon. Devant moi un jardin avec 2 frangipaniers, plus loin la route, plus loin les palmiers, la plage, la mer.

2 commentaires:

  1. Bien écrit. Sympa a lire et surtout de découvrir les premières impressions d’un nouveau ”Librevillois” de l’époque.

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  2. merci de votre commentaire. Vous avez été librevillois vous même?

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