mercredi 31 janvier 2018

Jean Genet - Le condamné à mort III





La chanson qui traverse un monde ténébreux
C’est le cri d’un marlou porté par ta musique.
C’est le chant d’un pendu raidi comme une trique.
C’est l’appel enchanté d’un voleur amoureux.

Un dormeur de seize ans appelle des bouées
Que nul marin ne lance au dormeur affolé.
Un enfant reste droit contre le mur collé.
Un autre dort bouclé dans ses jambes noués.




J’ai tué pour les yeux bleus d’un bel indifférent
Qui jamais ne comprit mon amour contenue,
Dans sa gondole noire une amante inconnue,
Belle comme un navire et morte en m’adorant.

Toi quand tu seras prêt, en arme pour le crime,
Masqué de cruauté, casqué de cheveux blonds,
Sur la cadence folle et brève des violons
Égorge une rentière en amour pour ta frime.

Apparaîtra sur terre un chevalier de fer,
Impassible et cruel, visible malgré l’heure
Dans le geste imprécis d’une vieille qui pleure.
Ne tremble pas surtout, devant son regard clair.

Cette apparition vient du ciel redoutable
Des crimes de l’amour. Enfant des profondeurs
Il naîtra de son corps d’étonnantes splendeurs,
Du foutre parfumé de sa queue adorable.

VI
Rocher de granit noir sur le tapis de laine
Une main sur sa hanche, écoute-le marcher.
Marche vers le soleil de son corps sans péché,
Et t’allonge tranquille au bord de sa fontaine.

Chaque fête du sang délègue un beau garçon
Pour soutenir l’enfant dans sa première épreuve.
Apaise ta frayeur et ton angoisse neuve,
Suce mon membre dur comme on suce un glaçon.

Mordille tendrement le paf qui bat ta joue,
Baise ma queue enflée, enfonce dans ton cou
Le paquet de ma bite avalé d’un seul coup.
Étrangle-toi d’amour, dégorge, et fais ta moue!

Adore à deux genoux, comme un poteau sacré
Mon torse tatoué, adore jusqu’aux larmes
Mon sexe qui se rompt, te frappe mieux qu’une arme,
Adore mon bâton qui va te pénétrer.

Il bondit sur tes yeux; il enfile ton âme
Penches un peu la tête et le vois se dresser.
L’apercevant si noble et si propre au baiser
Tu t’inclines très bas en lui disant: « Madame »!

Madame écoutez-moi! Madame on meurt ici!
Le manoir est hanté! La prison vole et tremble!
Au secours, nous bougeons! Emportez-nous ensemble,
Dans votre chambre au Ciel, Dame de la merci!

Appelez le soleil, qu’il vienne et me console.
Étranglez tous ces coqs! Endormez le bourreau!
Le jour sourit mauvais derrière mon carreau.
La prison pour mourir est une fade école.

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