mercredi 31 août 2016

Rossignol de mes amours - Lily Pons

Rares sont les artistes, américains ou non, à pouvoir se vanter d’avoir donné leur nom à une ville des Etats-Unis. Eh bien, moi oui ! Seules quatre vedettes ont eu l’honneur d’une émission spéciale de timbres-poste de la part de l’US Post Office. Et j’en fais partie. Pendant près de 30 ans j’ai eu le Metropolitan Opera de New York et l’Amérique lyrique à mes pieds. Et pourtant je suis française née à Draguignan ! Je suis, je suis …Lily Pons !
Papa était imprimeur et maman, d’origine italienne, couturière. On s’aperçut très vite qu’outre le fait que j’étais un joli brin de fille, j’avais également des talents artistiques prononcés. En particulier pour le piano. En 1913, à 15 ans, j’obtiens un premier prix au Conservatoire de Paris. Après la guerre, en 1920, je fais mes premiers pas sur scène, non pas comme pianiste…mais dans une revue des Variétés emmenée par Max Dearly. C’est à ce moment-là que je me décide à faire travailler ma voix. Je vais y mettre le temps et ce n’est qu’en 1928, à 30 ans, que je fais mes débuts sur une scène lyrique. A Mulhouse, mais pas dans n’importe quel rôle, Lakmé, et pas avec le premier chef d’orchestre venu, Reynaldo Hahn. Grand succès public et joli scandale. Je portais une robe d’une audace inouïe pour l’époque, plus proche des Folies Bergère que d’une scène lyrique, puisqu’elle dévoilait un ventre plat et un nombril loin des clichés des cantatrices de l’époque.

Pendant trois ans je vais faire la tournée des opéras de province Montpellier, Cannes, Toulouse, Lyon, Bordeaux sans jamais faire mes débuts à Paris…
C’est un ténor italien, Giovanni Zenatello, qui va me conseiller de tenter ma chance aux Etats Unis et qui va me recommander au directeur du Met de New-York. Je vais y faire des débuts fracassants en 1931 dans mon rôle fétiche, que je vais chanter plus de 90 fois, Lucia di Lamermoor avec comme partenaire, excusez du peu Beniamino Gigli et Ezio Pinza… Certains ont fait la fine bouche en estimant que ma Lucia était plus évanescente que réellement touchée par une folie tragique et que l’étroitesse de mon répertoire sur scène (dix rôles, pas un de plus) dénotait un manque d’ambition de ma part. Mais cela a suffît pour faire de moi une idole aux E.U. Je devins même un symbole. Le 28 décembre 1940, les E.U. annonçaient à la radio qu’ils se plaçaient politiquement et culturellement aux côtés des européens dans le conflit qui les opposaient à l’Allemagne nazie. Le soir même je chantais la Fille du régiment au Met. A la fin de l’opéra je m’avançais sur le devant de la scène et entonnais, drapée dans une bannière tricolore, une Marseillaise qui n’était pas prévue dans la partition de Donizetti. L’effet fut foudroyant et annonçait une autre Marseillaise. Celle que le gouvernement français m’avait demandé de chanter, bien que naturalisée américaine en 1941, dans un concert de gala donné au Palais Garnier pour la libération de Paris. Cette Marseillaise diffusée à l’extérieur du Palais Garnier a déclenché un tel enthousiasme qu’il fallut sortir un piano sur le balcon de l’Opéra pour que je puisse la rechanter devant 250 000 parisiens en folie. Je fus d’ailleurs avec Marlène Dietrich la seule artiste à soutenir les troupes américaines sur le front français en hiver 44. Ce qui m’a valu, comme à Marlène et Joséphine Baker et pour les même raisons, d’être décorée de la Légion d’honneur.
Une étoile sur le Hollywood Walk of Fame ne consacre pas une tentative ratée et insignifiante d’une carrière cinématographique, mais 28 ans d’un règne sans partage sur le Met et dans le cœur des américains pour qui j’étais, outre la diva aux notes cristallines popularisée par la radio et les disques, l’incarnation de l’élégance et du vrai ‘’chic parisien’’.

J’ai quitté le Met en 1959. Date à laquelle j’ai divorcé d’André Kostelanetz, sorte de Franck Pourcel à l’échelle américaine, avec qui j’ai fait des tournées de concert très populaires et qui a beaucoup aidé à ma notoriété. Mais c’est avec le rôle de mes débuts, Lucia di Lamermoor, que je ferai mes adieux à la scène en 1962 avec pour partenaire… Placido Domingo. De Beniamino Gigli à Domingo…qui peut en dire autant !
Et si c’est à Dallas que je suis morte en 1976, c’est à Cannes, ‘’la ville de mon cœur’’, que je suis enterrée. Et quand je chantais ‘’Home, sweet home’’ c’est à ces 2m² de terre française que je pensais.

2 commentaires:

  1. ah bon il y a une ville américaine qui s'appelle "Lily Pons" ?? ... En tous cas une voix très belle et très pure sublime !

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  2. Hé bien Lily !! Perdriez-vous la mémoire ?
    Votre prestation en 1928 à Mulhouse dans Lakmé ne fut pas dirigée par Reynaldo Hahn, mais Philippe Flon. C'est ce que vous affirmez dans l'interview radiophonique que vous avez accordé à John Ardoin en 1967.

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