mercredi 10 août 2022

Petite liste de mon carnet d'adresses



Quelques amis qui m'ont suivi tout au long de ma vie...

JAMBIER : (charcutier) 45 rue Poliveau, Paris 15ème.
Spécialiste du porc en 41/44. Il a bien connu le couple Poissonnard qui tenait à cette époque une crèmerie ‘’Au bon beurre’’ dans le 11ème. A leur exemple, au lendemain de la guerre, il a étendu son activité à ‘’beurre, œufs, fromages’’… Mais à la libération les deux couples ne se fréquentaient plus. Fortune faite, il y a des souvenirs qu’il vaut mieux oublier…

HOLMES, Mycroft : Diogenes Club, 90 Pall Mall, London.
J’appréciais d’aller voir Mycroft dans son club, le plus silencieux de Londres. Il était interdit d’y prononcer le moindre mot. Les conversations, le plus souvent monosyllabiques se faisaient dans la salle des Etrangers. Je préférais de loin Mycroft à son frère Sherlock. Je l’avais rencontré une fois dans son bureau enfumé de Baker Street. De ses yeux injectés de sang il m’avait scruté pendant une petite minute. Un vrai scalpel ! Puis, ne m’ayant probablement rien trouvé de mystérieux il s’était détourné de moi. J’avais ressenti de sa part comme un profond dédain devant ma médiocre normalité…
Lors de mes visites à Mycroft, je poussais un peu pour aller voir mon ami :

FOGG, Philéas. Gentleman. Reform Club, 104 Pall Mall, London.
Il ressemblait un peu à Lord Byron. Côté visage, car côté pied tout était normal. Je me souviens de son pari insensé et de l’intérêt avec lequel nous suivions les étapes de son aventure. Ce fut une quasi émeute quand il fit son entrée 80 jours plus tard dans le grand salon du club et de l’incroyable scandale qui suivit quand la princesse indienne Aouda qu’il avait sauvée du bûcher et qui était devenue sa femme était entrée à son bras ! James, le vieux maître d’hôtel qui était à l’époque un tout jeune groom, s’en souvient encore avec horreur. Et, en son for intérieur, il a été contre la décision des membres du club d’accepter les femmes en…1981.

MADRIGAL, Anna (Agricultrice). 28 Barbary Lane, San Francisco.
J’aimais bien lui rendre visite dans son petit immeuble à flanc de coteau surplombant San Francisco. Elle en louait les chambres. Les formalités d’inscription étaient simples. Une petite discussion dans son salon en fumant une cigarette aux plantes qu’elle cultivait sur son balcon. Si vous lui plaisiez, l’affaire était faite. Son locataire préféré était le beau Michael Tolliver. Tout le monde était plus ou moins amoureux de lui ! Mais lui ne cherchait que l’homme de sa vie ! Elle était la confidente de tous les secrets de ses locataires. Mais le plus gros secret était le sien ! Il m’a fallu des années pour me rendre compte qu’Anna Madrigal était l’anagramme de « A man and a girl »… Je suis retourné à Barbary Lane il y a peu. J’aurais pas dû. Faut pas toucher à certains souvenirs.

SEUREL, François. Instituteur. Ecole de garçons de Ste Agathe. Sologne.
Quand je l’ai rencontré je devais avoir comme lui une quinzaine d’années et j’étais comme lui fasciné par la personnalité du grand Augustin. J’ai suivi avec lui Meaulnes dans sa quête du domaine perdu et de l’amour entrevu. Après la mort d’Yvonne de Galais, c’est par lui que j’ai essayé d’avoir des nouvelles d’Augustin et de sa fille et surtout du frère d’Yvonne, Frantz qui par sa beauté et son romantisme échevelé a toujours été un peu mon favori… Mes relations avec François se sont un peu distendues à la fin de l’adolescence. Mais je regrette parfois un peu les émotions de cette époque.


ELISE.
J’ai perdu son adresse. Qui peut me renseigner ? J’ai toujours une lettre pour elle.

M. Directeur du MI6. 85 Embarkment, Vauxhall Cross, London.
Son accès m’est devenu plus difficile quand j’ai perdu mon double zéro. Je passai à l’époque par la délicieuse Miss Moneypenny. Il est aujourd’hui à la retraite, Moneypenny aussi. Il aurait été remplacé par une femme. Je ne la connais pas et elle n’a jamais fait appel à moi… Je garde l’adresse de M en souvenir du bon vieux temps et j’ai toujours une Aston Martin d’occase dans mon garage. Désarmée…

SAINT-LOUP, Robert, marquis de. Hôtel de Marsantes Faubourg Saint-Germain, Paris. 1er régiment de cavalerie, caserne de Doncières (Saint-Cyr). Mission française au Maroc, Tanger. Château de Tansonville, Eure et Loir.
Je l’ai connu par le baron de Charlus dont il était le neveu par sa mère et donc neveu également du duc et de la duchesse de Guernantes. Bien que marié à Gilberte Swann, il sera le rival heureux de son oncle dans le cœur et le lit de Charles Morel. Je l’ai connu un peu. Il était très ‘’chic’’ comme on disait à l’époque. Par sa façon de poser son chapeau par terre, au pied de sa chaise, quand il arrivait quelque part. A cause aussi de son impertinence de jeune lion. A cause surtout de son extraordinaire beauté. Certains lui trouvaient même un air efféminé. Sa mort héroïque au combat sera pleurée par tous.

VALDES Paquita, aux bons soins de la marquise de San Réal, rue Saint Lazare, hôtel de San Réal, Paris.
Je l’ai connue, un peu, par mon ami Henri de Marsay, frère de la marquise de San Réal. Je fus reçu à deux reprises dans l’hôtel de la rue Saint Lazare qui était voisin de l’hôtel du baron de Nucingen. Paquita était une splendide jeune fille créole et on ne pouvait être que fasciné par ses grands yeux pailletés d’or qui lui avaient valu le surnom de ‘’fille aux yeux d’or’’. Le jeune dandy Henri de Marsay était immédiatement tombé follement amoureux d’elle. C’était sans compter sans la marquise qui avait ramené la jeune fille de La Havane et brûlait d’une passion démesurée pour sa protégée. Le frère et la sœur se sont livrés une lutte sans merci pour la possession de la jeune créole. Mais devant l’inclination de Paquita pour Henri, la marquise préférera la poignarder plutôt que de la laisser partir. Le scandale fut énorme et la marquise partit, pour ne plus revenir, dans le couvent de los Dolores de la Corogne. Quant à Henri de Marsay, il se consola rapidement, devint un des dandy les plus en vue de Paris, amateur de toutes les débauches.

SERNINE Paul, 95 rue Charles Lafitte Neuilly sur Seine
Prince Paul Sernine ! Quelle époque ! C’était une figure incontournable du Tout-Paris. Il avait tout pour plaire. Grand, beau, athlétique, brillant, richissime, amateur d’art éclairé, ses collections éblouissaient ceux qui avaient la chance d’être invités chez lui. Son charme, slave ?, ne laissait aucune femme insensible et tous les hommes désiraient être son ami. Pour parfaire le tableau il était auréolé de mystère. Il était brusquement apparu sur la scène parisienne. Nul ne savait d’où il venait. Etait-il réellement prince ? Etait-il seulement russe ?? Peu importait, l’homme emportait tout dans son impétueux sillage. J’ai été son ami pendant deux années, entrecoupées de disparitions mystérieuses. Son hôtel particulier était alors fermé, seulement gardé par un couple de concierges qui lui était dévoué corps et âme. Certains laissaient entendre que la femme avait été sa nourrice …

Un matin que je lui rendais visite, je vis plusieurs fourgons de police garés devant l’hôtel particulier. Je tentais de m’informer quand un badaud me dit : ‘’ Paul Sernine, tu parles ! Y a pas de Paul Sernine. C’est un anagramme. C’est Arsène Lupin. Mais il a déjà filé. C’est pas demain la veille qu’il va le coincer ce benêt de Ganimard’’. Et il partit d’un grand éclat de rire en se tapant sur les cuisses. Moi j’en restai sur le fondement…

Quelques mois plus tard on me présentait dans un salon un certain don Luis Perenna. La poignée de main était amicale, le regard me rappelait quelqu’un et je crus y déceler un imperceptible clin d’œil. Je m’éloignais quand soudain : ’’ Luis Perenna, Arsène Lupin. Non, il n’oserait pas…’’ Je me retournais vivement. Il avait disparu. Mais quelle époque…
A suivre

3 commentaires:

  1. Magie de la fiction. Ces personnages qui nous connaissent autant que nous les connaissons.

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  2. cela me donne des idées pour un ami / voisin qui a 50 ans et n'aimait pas lire mais qui se passionne pour la lecture depuis que je lui ai prêté un livre intitulé "Wonder" dont le héros August Pullman enfant au visage extraordinaire est devenu notre ami commun... Nous ne connaissons pas encore Anna Madrigal mais elle a l'air fascinant !! ...

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    1. Il faut ABSOLUMENT que tu lises ''Les Chroniques de San Francisco'' c'est en 10/18 tu devrais adorer

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