jeudi 29 septembre 2016

Vous faisiez quoi avant? Chanteuse au PZ ! suite


Le Piano Zinc c'est pas une boite, même pas un endroit, à peine un bar, c'est un lieu! Trois niveaux. Un bar en rez de chaussée. Une salle d'une dizaine de mètres de profondeur. Deux mètres de large en partie bouffés par le bar, un vrai, en zinc. Un escalier part tout de suite sur la droite. Sur le mur une Piaf nous offre ses yeux noirs et sa bouche sanglante. Au retour de l'escalier Marilyn Monroe et Jane Russell nous disent avec un clin d'oeil que les hommes préfèrent les blondes. Je pense qu'ici les bruns moustachus doivent avoir aussi leur chance. Un deuxième escalier conduit aussi vers les sous-sols. Pour y arriver il faut se glisser entre les tabourets de bar et le mur où Fred Astaire enlace Ginger Rogers dans un tourbillon de taffetas et de plumes d'autruche. Ensuite d'autres escaliers entraînent vers un deuxième sous-sol. On y croise Mae West et George Chakiris dansant sur fond de buildings du West Side. Autre bar à six, sept mètres sous la surface. L'ambiance plus confinée, chaleureuse est propice aux confessions, à la séduction plus qu'à la drague, on y refait son monde et demain y semble infiniment loin... Mais tout cela serait banal et de peu d'intérêt s'il n' y avait l'entre deux.
L'entre deux c'est une pièce de 20m² environ. Des murs peints encore. Une autre Marilyn blonde et vaporeuse, Mae West, Mistinguett, Gene Kelly et Frank Sinatra en marins dans ''On the town'' et le visage tremblant d'émotion de Judy Garland dans ''A star is born''. Un bar. Trois spots au plafond. Un piano et des partitions en classeur, en vrac, empilées... et une minuscule scène d'à peine 1m² surélevée de dix centimètres. Le principe est simple et gonflé. Qui veut chante.
 
Quand j'arrive au Piano pour la première fois ce soir là ,le bar du rez de chaussée est plein. Musique disco. Derrière le bar officient un barman à la moustache fournie et une walkyrie blonde! Grégoire me prend par le coude et file vers l'escalier de droite. Une voix et des notes de piano montent du sous-sol. Je passe devant Edith Piaf, L'escalier tourne et j'ai une vue plongeante sur la salle. Sur la petite estrade un mec d'environ 35/40 ans  chante Cabaret d’ Paris en allemand. ''C'est le patron. Il est allemand'' me glisse Grégoire à l'oreille. La voix est belle, forte. Il y a là une cinquantaine de personnes serrées comme des sardines. La chanson finie ça applaudit à tout rompre. Et lui : '' Merci, Merci! Mais si vous m'applaudissez si fort c'est que vous n'avez pas de verre dans les mains. Je vous rappelle que le bar est ouvert....et que les toilettes sont mo-no-places'' Il se tourne vers le pianiste, fouille dans son classeur de partitions et attaque ''Pigalle''. ''Je me tire j'ai un rencart'' me dit Grégoire. Je commande un demi, je paye et je vais me mettre dans un coin de la salle où il y a une petite tablette pour poser mon verre. Et je regarde et j'écoute. Epanoui et heureux comme dit l'autre chanteur, celui que j'aime moins que Bécaud!

Et ça se succède sur la scène. Un latino un peu enveloppé ,aux yeux de velours, aux cils longs comme des balayettes chante ''New York New York'' avec une voix d'enfer et un beau vibrato. Un beau blond suit avec Trenet, ''Je chante'', tout ce que j'aime. Il enchaîne avec ''le Clown'' de Gianni Esposito; on devine qu'il a pris des cours de théatre; c'est''vécu''. Il deviendra un de mes amis. Un grand type avec une queue de cheval attaque ''l'Air du froid'' du Roi Arthur. Quand un chanteur dérape en remontant les Champs Elysées à la fin de sa chanson le public scande ''Une autre, une autre, une autre … chanteuse...''et tout le monde se marre à commencer par lui. Et ça continue comme ça jusqu'à deux heures du matin. On sent charnellement le plaisir et le bonheur qui baignent cet espace. La clôture c'est le patron, J. d'après ce que j'ai entendu, qui la fait avec ''Lili Marleen''. '' Bonsoir, merci à Daniel notre pianiste, à demain. Ne faîtes pas de bruit en sortant. Pensez au sommeil des voisins''. Les gens s'éparpillent entre les bars du rez de chaussée ou sous sol. D'autres restent là autour du piano. Et moi j'en reviens pas. Cela fait presque 4 heures que je suis là. J'ai pas dit un mot, j'ai pas bougé sauf pour aller chercher mes bières. Je me suis pas emmerdé une seconde. Je suis heureux! Je rentre chez moi rue Saint Martin à 300 mètres de là le cœur léger! Je n'irai pas sur l'Ile de la Cité ce soir!

Pendant 15 jours je serai là tous les soirs de 22heures à 2 heures du matin au même endroit avec le même plaisir. Le patron qui surveille son business s'approche de moi un soir.
''Salut. Moi c'est J. Et toi?''
''Renaud''
''Ca fait plusieurs jours que je te vois ici. Tu aimes? ''
''Beaucoup. Je trouve ça super''
''J'ai trouvé cette idée à New York. Une boîte qui s'appelait ''Don't tell mama''. A mon retour à Paris j'ai voulu essayer de faire la même chose''
''Bravo. Ca a l'air de bien marcher''
''Oui , pas mal mais j'ai un problème.''
''??''
'' Je manque de chanteurs! Tu aimes chanter toi?''
''Comme tout le monde. Mais compte pas sur moi. Pas question!!''
'' Tu aimes qui comme chanteurs?''
'' Trenet et puis Trenet, Félix Leclerc, Bécaud...''
''Super''
''Pas question''
''Tu bois quoi?''...
Il a mis deux jours à me convaincre.
Et un soir je me suis retrouvé avec lui sur la scène. En duo. Trenet. ''Que reste-t-il de nos amours''.
3'35 de bonheur après j'étais chanteur au Piano Zinc. On m'avait applaudi. Putain je l'ai fait me suis-je dit in petto.
''Tu vois ça s'est bien passé. Qu'est-ce que tu bois?''
''Un demi''
''Un demi pour Renaud''
Je venais de toucher mon premier cachet.
Pendant plus de dix ans je n'allais pas augmenter mes tarifs.

2 commentaires:

  1. ce bar m'aurait plu, rien que pour les dessins de stars du Hollywood que j'adore... en tous cas le PZ aura eu une belle chanteuse avec moustache n'est-ce pas ma chère Chouchoune (ou plutôt Renaud) :)

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  2. Merci mon gentil roi... Quand c'est dit gentiment je réponds aussi à Chouchoune... ;)

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