lundi 26 septembre 2016

Vous faisiez quoi avant? Chanteuse au PZ !



« Chouchoune! Enlève tes ''semises'' et tes ''sauchettes'' de la fenêtre. Fais les ''chesser'' ailleurs! Et d'abord c'est interdit!''.
La voix de baryton martin au léger accent teuton résonne dans l'étroitesse de la rue des Blancs Manteaux.
''S'il continue à gueuler comme ça je chante pas ce soir! ''
Comment en étais je arrivé à me faire apostropher ainsi parce que mon appartement juste au dessus de sa boîte n'avait pas de fenêtre sur cour pour faire sécher mon petit linge!!
Flash back !
Quelques années plus tôt, fin juin 1981! J'habite rue St Martin un grand studio! Ma fenêtre donne sur la Piazza et les escalators de Beaubourg. Je me suis installé là en 76 avec Detlef (voir Detlef1 , Detlef 2, Detlef 3, Detlef 4, Detlef 5. C'est luxueux par rapport à la chambre où nous habitions depuis notre retour d'Afrique, rue Princesse. Juste au dessus de chez Castel. Les ''people'' qui sortent de ces clubs privés font autant de bruit sinon plus que n'importe quel pékin sortant d'une boite de nuit lambda. Il y avait un habitué dans la rue Princesse. Hubert D., un délicieux second rôle de nombreux films. Il déambulait la nuit entre Guisarde, Princesse, Mabillon, St Michel. Il avait fait le choix de l'alcool. Ce n'était pas un clodo; il n'avait pas besoin de notre pièce! Il passait souvent la nuit rue Princesse. Je lui disais bonsoir, il me répondait d'un sourire. Il parlait tout seul, on saisissait parfois un ou deux vers d'un poème. Accoudé à la balustrade de mon unique fenêtre, je le voyais passer. Il s'asseyait parfois sur le rebord de la vitrine de la boutique d'affiches et de posters juste en face de chez Castel, comme pour narguer certains de ses anciens partenaires...Un soir je lui ai demandé :''Monsieur D. vous ne me diriez pas un petit poème?'' Il a levé la tête , a souri, dix secondes de silence et d'une voix un peu grasse :
'' Mais en vérité je l'attends
Avec mon cœur avec mon âme
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais revient cette femme
Je lui dirai Je suis content
Mon cœur et ma tête se vident
Tout le ciel s'écoule par eux
Ô mes tonneaux des Danaïdes
Comment faire pour être heureux
Comme un petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
Ô marguerite exfoliée
Mon île au loin ma Désirade
Ma rose mon giroflier...''
''C'est beau''
''Apollinaire. La chanson du Mal-Aimé''
J'y ai vu comme un début d'explication.
Le lendemain j'allais à la Fnac rue de Rennes..
Notre chambre rue Princesse était petite. Toute petite. On était obligé de manger assis sur le lit. Pas de place pour les chaises. Elle nous était louée, une fortune, par une vieille folle aristocratique qui se piquait de littérature parce qu'il avait connu Maurice Sachs avant guerre et venait de sortir un petit livre où il épinglait Roger Peyrefitte. Il venait chercher son loyer en liquide tous les 30 du mois. Il dévorait Detlef des yeux en minaudant. Detlef rigolait, ça me foutait hors de moi. Mais qu'est ce qu'on a été heureux dans cette piaule. En quelques mois j'ai claqué les économies de 4 ans d'Afrique. Puis il a fallu bosser un peu. Un de mes copain, avocat, avec qui j'avais fait mes études de Droit à Nice m'a pris dans son cabinet. Ma principale activité était de courir après des honoraires pas toujours très justifiés. Il ne me payait pas beaucoup mais nous nourrissait royalement chez ses clients restaurateurs. C'est lui qui m'avait trouvé ce studio rue  St Martin que je devais payer environ 250F par mois! On croit rêver!! Le passage de la Rive Droite à la Rive Gauche nous fut fatal à Detlef et à moi. Surtout à moi. Et on ne se sera jamais autant aimés qu'à partir de son départ. Ceci est une autre histoire. En bref, je me retrouve seul, je quitte mon avocat, je trouve un job et j'entame ma vie parisienne qui m'amène en ce vendredi de fin juin 81.
Je traine mes guêtres dans le Marais. Il doit être 21h30, la soirée est douce et belle comme une soirée de juin à Paris peut l'être. Il ne lui manque que d'être tendre. Le croisement des rues Vieille du Temple et Sainte Croix de la Bretonnerie est quasiment interdit à la circulation. Autour du ''Central'' les bars, restaurants, boutiques de n'importe quoi ont poussé comme des champignons! Le Central n'est pas plein. Il est tôt encore. Je m'accoude au bar. Un demi! Mon regard glisse autour de la salle. Indifférent, forcément indifférent. Ces raisins sont trop verts et bon pour des goujats!! Quoique !!
Je me plonge dans la lecture d'un magazine gay gratuit qui traine sur le comptoir. Ma bière se réchauffe tout doucement. Une main se pose sur mon épaule. ''Salut Renaud''. Je tourne la tête. C'est Grégoire. Je l'ai rencontré il y a 3-4 ans à la Foire d'Alger. Il est commercial export d'une boite de TP. On se croise de temps en temps dans le Marais. Il a un charme incroyable, son visage respire la joie de vivre. Fermée sa bouche sourit encore et ses yeux rigolent même quand il parle des socialistes qui viennent d'arriver au pouvoir. Nous nous sommes engueulés un jour à ce sujet. J'ai compris. J'évite. Il s'installe sur le tabouret à ma droite donc. Il commande un Perrier. Il ne boit pas, ne fume pas mais pour le reste c'est un vrai stakhanoviste ! On dirait qu'il a peur de manquer...Il est toujours sur un coup et quand il n'est pas dessus il court après.
A sa question, je réponds que je m'emmerde un peu. Les bars c'est pas trop mon truc. Tout à l'heure j'irai faire un tour du côté de l'ile de la Cité. On y trouve parfois des étrangers encore sensibles au charme des quais de la Seine. Merci le cinéma ''Un américain à Paris'', The last time I saw Paris'', ''Charade'', ''Gigi'', ''Can Can''...
''Tu sais Renaud y a une boite qui vient d'ouvrir il y a une semaine rue des Blancs Manteaux. C'est exactement ce qu'il te faut. Tu vas adorer!''
''C'est quoi comme genre?'' dis-je genre dubitatif.
''Tu verras. Viens on y va''
On sort, il est 22h30. On remonte la rue Sainte Croix de la Bretonnerie, on tourne à droite rue des Archives, puis à gauche rue des Blancs Manteaux.
''C'est au combien?''
''Au 49 ''
''Et elle s'appelle comment ta boite?''
''Le Piano Zinc''
Je ne savais pas que j'en prenais pour plus de 10 ans!

2 commentaires:

  1. :) j'ai un ami d'enfance qui a habité Rue Vieille du Temple un petit appartement où j'ai dormi un soir où j'étais de passage à Paris, ensuite j'ai vu des préservatifs dans sa salle de bains ce qui m'a porté un coup, si j'ose dire, au moral, j'ai pensé, ce n'est plus un enfant, donc moi non plus... Maintenant il a emménagé dans le 14è avec un autre garçon et j'étais très surpris lorsqu'il m'a invité à sa crémaillère disant qu'il emménageait avec D... (prénom masculin), je croyais que ses préservatifs étaient pour des femmes ... Je suis joyeux mais un peu con parfois !!

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  2. Il faut faire la différence entre innocence et connerie. On guérit malheureusement de la première; de la deuxième jamais.

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