Le
lendemain en arrivant au travail je tombe sur Christian, mon adjoint
congolais. Il est jeune, astucieux et débrouillard. Je pense que je
peux avoir confiance en lui. Je décide de lui parler. De toute façon
je n’ai pas le choix. Seul, je ne peux rien faire. Je l’invite à
déjeuner et je lui raconte mon histoire. Pas plus surpris que ça,
il me dit :
‘’ J’ai
un cousin, le fils de la petite sœur de mon père, il a un bateau.
On peut pas traverser directement le Congo pour aller à Kinshasa.
Mais il y a des iles un peu plus haut sur le fleuve où les
expatriés de Kinshasa vont pique-niquer le dimanche. Il pourrait
peut-être vous amener là ton ami et toi.’’
‘’Il
connaît ces iles ton cousin ?’’
‘’Oui
! Il y va de temps en temps chercher du chanvre !’’
Ma
bouchée de poulet au niembé se coince dans ma gorge.
‘’Et
il a quoi comme bateau ?’’
‘’Une
pirogue.’’
Décidément
la bouchée ne passe pas.
‘’Mais
avec un moteur.’’
Je
déglutis.
‘’Je
lui en parle ce soir. Je te donnerai sa réponse demain.’’
Mardi
22 avril 1975. Christian me donne la réponse de son petit cousin.
‘’C’est
d’accord. Tu lui donnes 20000 francs CFA, le plein d’essence au
départ et 20000 à l’arrivée et il vous emmène aux îles.’’
J’acquiesce.
‘’ Vous
voulez partir quand ?’’
Le
plus rapidement sera le mieux. Je dis, très vite :’’Dimanche.’’
‘’Il
faudra partir tôt. 7h, ça ira ?’’
‘’Ça
ira. Merci Christian.’’ Ma voix devait être blanche. Avec un
grand sourire en me tapotant l’épaule :
‘’Ne
t’inquiète pas Renaud. Tout va très bien marcher !’’
Et
brusquement je me sens vidé, mou, plus d’énergie, presque
chancelant. Cette histoire ne m’appartient plus. Elle ne dépend
plus de moi ! Mais d’un petit revendeur de cannabis et de sa
pirogue.
Je
fais passer un petit mot à Detlef par notre petit ‘‘go-between’’
congolais. Je lui explique les grandes lignes de ce qui va se passer.
Je reçois sa réponse le lendemain. On ne pourra se voir que
vendredi. Il m’attendra à notre point de rendez-vous habituel à
20h.
Vendredi
25 avril. Detlef est à la maison depuis plus de deux heures. Nous
avons peu parlé mais fait l’amour avec une grande intensité.
L’heure tourne. Il devrait rentrer. Mais il reste là allongé près
de moi sa tête sur mon épaule. Je sens quelque chose d’humide
glisser à la base de mon cou. Il pleure. Je ne bouge surtout pas.
Cet instant est quasi miraculeux.
Au
bout d’un long moment il me dit :
‘’Je
leur dirai que dimanche je vais passer la journée dans le village
des parents d’un ami congolais. Ils ne s’inquièteront pas de mon
absence avant 18 ou 19h. Mais je veux te voir demain. Encore une fois
avant dimanche’’.
A suivre...
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