dimanche 26 juin 2016

OUT c'est OUT.....

Ô tempora , Ô mores...

Le 12 juin 2012 David Cameron de déclarait prêt à «dérouler le tapis rouge» aux entreprises fuyant la France... Gouverner c'est prévoir parait-il ? On voit où il en est arrivé lui et les britanniques. La Grande Bretagne retourne à son splendide isolement. Les britanniques se sont laissés prendre aux sirènes de l'extrême-droite et les démons du populisme, Les tabloïds s'en sont donnés à cœur joie dans le racisme, la xénophobie, le repli sur soi-même...
Résultat ? La £ perd 25% de sa valeur, Londres demande son indépendance pour rester en Europe, L'Ecosse demande un referendum pour quitter le R.U, l'Eire demande la réunification des deux Irlande, les fausses promesses qui ont alimenté le campagne des OUT commencent à apparaître, les britanniques, eux-mêmes, demandent un deuxième référendum pour effacer le premier. Quant à régler les problèmes d'immigration ils se rendront vraiment compte du problème quand leur frontière ne sera plus à Calais mais à Douvres...
Je suis triste pour nos ''amis'' britanniques mais la Grande Bretagne ''sûre d'elle et dominatrice'', pion avancé des E.U dans les affaires européennes, habituée à donner des leçons au monde entier dégringole de son piédestal, A elle de s'en sortir...
Les anglais vivant en France souvent depuis longtemps, vont en arriver à demander la nationalité française pour continuer à bénéficier des avantages sociaux de notre pays pourtant si sale et prétentieux...
Dont acte !!!
Si seulement tout cela pouvait donner à réfléchir aux extrémistes, populistes, démagogues européens de tous poils  et surtout à tous ceux qui auront à se prononcer bientôt.
Et surtout à tous ceux qui nous gouvernent ou aspirent à le faire...

mardi 21 juin 2016

Si Versailles... Vous avez eu le générique.... voici le final

Des fins comme celle là on n'oserait plus, aussi, en faire aujourd'hui.
Du panache, un sens du grandiose, un amour immodéré de la France...
Du Sacha Guitry pur jus... Revoyez le film, c'est un vrai plaisir de charme, d'intelligence, d'humour...

dimanche 19 juin 2016

Quizz - Et Dieu dans tout ça???

Et Dieu dans tout ça??? Service offert par Quizz.biz

Des génériques comme on n'en fait plus

Sacha Guitry ''Si Versailles m'était conté''. 
Des génériques comme on n'en fait plus... 
Tout le cinéma français des années 50 est là.



samedi 18 juin 2016

Caroline O. Ch 3 - Fin

Elle entendît à peine les trois coups frappés à la porte. Il n'avait pas perdu de temps. Elle avait dit une demi-heure. L'exactitude n'était pas la politesse que des rois. Elle ouvrit la porte. Maximilien se précipita plus qu'il n'entra dans le compartiment. Il lui prit les mains et les porta avec force à ses lèvres. Il avait le visage enflammé, le souffle court et sifflant. Elle retira ses mains des siennes. Elle en posa une sur le front du jeune homme. Il était brûlant.
''Calmez-vous mon petit Maximilien. Ne vous mettez pas dans ces états. Vous n'êtes pas ici pour vous faire du mal.''
''Je sais, madame, mais c'est de votre faute! Vous me foudroyez!''
''Foudroyé? Comme vous y allez.'' Elle eut un petit rire de gorge en relevant légèrement la tête en arrière. '' Regardez dans le bar s'il y a quelque chose de convenable à boire''
Il se dirigea vers le petit panneau en marqueterie qui dissimulait une glacière.
''Champagne? Eau minérale?''
''Servez nous deux coupes, mon ami.''
Il sortit le champagne et une petite bouteille d'eau minérale. Il remplit deux coupes et un verre d'eau. Il les apporta sur la petite table basse auprès de laquelle elle s'était assise. Il sortit de la poche de son gilet une petite boite à pilules en or. Il en avala deux avec une gorgée d'eau.. Elle le regarda avec un œil interrogateur.
'' Ces pilules calment ma tension et régulent mon rythme respiratoire. Je crains d'avoir à les prendre pendant un bon moment encore'' Il avait dit cela avec un petit sourire triste.
''Oubliez cela, Max. Et buvons à notre rencontre.''
Il approcha un fauteuil, s'assit et fit tinter sa coupe de cristal contre la sienne.
Ils restèrent quelques secondes silencieux. Il la regardait avec passion.
''Vous ne pouvez imaginer ce que je ressens. Vous me rendez fou!'' Et il osa : ''Ah! Caroline...''
Elle lui abandonna sa main. Il l'embrassa dans la paume et ses lèvres remontèrent vers l'intérieur du poignet puis jusqu'à la saignée du coude. Il posa sa main droite sur sa taille. Et là, elle se dit que toutes les femmes devraient remercier Poiret d'avoir supprimé les gaines. Elle avait connu les deux... C'était incomparable...
Maximilien avait également d'air de s'accoutumer à l'absence de gaine. Mais elle sentit qu'elle devait réfréner ses ardeurs sinon il allait la prendre, là, sur la moquette de ce wagon-lit. Si c'était encore de son âge, ce n'était plus du sien. Elle le repoussa doucement, mais fermement, de ses deux mains;
''Tout doux mon ami. Je suis flattée de la vivacité de votre intérêt à mon égard, mais je ne suis pas votre infirmière de campagne.'' dit-elle en riant. Elle réussit à se dégager et à se lever. Elle sourit encore devant son air dépité.
''Ne prenez pas cet air de chien battu. Installez-vous confortablement sur ce divan. Laissez-moi quelques minutes pour me préparer et nous reprendrons notre conversation là où nous l'avons laissée.'' Elle déposa un léger baiser sur sa joue et se retira dans la partie chambre de son compartiment en fermant la porte derrière elle. Arrivée dans le cabinet de toilettes elle enleva son turban de velours noir libérant l'imposante masse de ses cheveux noirs, sa fierté même si quelques fils argentés commençaient à s'y mêler. Elle fit glisser à terre le cafetan gris qu'elle portait. Puis sa combinaison. Elle se regarda, sans complaisance, dans la glace. Bien sur les seins étaient un peu plus lourds, les hanches un peu plus rondes. Mais la taille restait bien marquée, les fesses fermes et les cuisses fuselées. Elle fût satisfaite de l'examen. A 47 ans elle tenait encore la route, ce qui était rare chez les femmes à cette époque-là. Elle devait tout cela à son heure quotidienne d'exercices à la barre. Elle s'y astreignait depuis plus de 30 ans et c'était devenu comme une drogue. Mais jamais un homme ne l'avait vue transpirer à la barre.
Après une légère toilette elle mit un déshabillé de nuit rouge vif faisant ressortir la matité de son teint et le noir de ses cheveux. Une goutte de ‘Je reviens’’ de Worth derrière l'oreille et à l'intérieur des poignets. Elle était prête. Cela l'amusait assez finalement. C'était comme un flirt. Elle ouvrit la porte de communication avec le salon, sûre de son effet. Maximilien dormait sur le divan. Sa première impulsion fut de le réveiller et de le mettre à la porte manu militari. Elle savait faire. Certains hommes devaient s'en souvenir encore. Et puis elle le regarda. Il dormait. La bouche ouverte comme pour mieux aspirer l'air pour ses malheureux poumons. Les joues creusées comme un stigmate de sa maladie. Il avait enlevé ses souliers vernis, déboutonné son gilet et ouvert son col de chemise. Toute colère tombée elle s'assit dans un fauteuil. Ce gamin lui avait fait ce qu'aucun homme ne lui avait fait auparavant. Et elle ne lui en voulait pas. C'était la première fois que cela lui arrivait. Les hommes s'endormaient toujours après (trop rapidement même parfois), mais avant jamais! Elle voulait tourner une page de sa vie avec ce départ vers le sud. Eh bien c'était gagné. Ce gamin venait d'en tourner une autre. Elle se dit qu'à 47 ans elle n'était plus souveraine et qu'elle avait bien fait de partir. Et lui il dormait abandonné, sans défense, vulnérable mais en totale confiance. ''Peut être n'aurait-il dû prendre qu'une seule pilule?'' Elle ressentit comme une forme de tendresse.
''Pas de ça, cocotte.'' Elle se reprit très vite. C'était probablement mieux ainsi. Après 5 minutes de réflexion sa décision était prise. Elle jeta un coup d'œil sur son réveil de voyage Cartier. Minuit quinze.
Elle enfila une robe de chambre et sortit dans le couloir et appela le contrôleur du wagon.
''Quand arrivons-nous à Lyon?''
''A 4h18''
''Avez-vous la télégraphie sans fil à bord du train?''
''Bien sûr, Madame.''
''Bien. Vous allez télégraphier au Boscolo Grand Hôtel de Lyon de me réserver une chambre et d'envoyer une voiture me chercher à la gare. Je prendrai une valise avec moi. Vous direz à la femme de chambre de refaire l'autre et de la mettre dans le compartiment bagages avec mes deux malles. Vous veillerez bien à ce qu'une fois à Nice, le tout soit envoyé à l'Excelsior Hôtel Regina sur la colline de Cimiez. J'y ai un appartement réservé. Je les préviendrai de mon retard.''
Après un moment de silence :
'' Tous ces va et vient se feront par la porte qui donne sur la partie chambre du compartiment. Il y a dans le salon un jeune homme endormi. Vous ne le réveillerez qu'une fois que le train aura quitté Lyon. Vous lui direz.... Et puis non... vous ne lui direz rien du tout.''
'' Tout sera fait comme vous le souhaitez, Madame.''
Elle rejoignit sa chambre et ferma la porte de communication avec le salon. Elle ne voulait plus le voir!. Elle s'en voulait un peu. Mais, bof, ça passerait. Ce n'est pas cette nuit qu'elle allait se laisser aller à des sentiments.
Une demi-heure après le contrôleur lui confirmait sa réservation au Boscolo.
A Lyon une voiture l'attendait. Sur le chemin de l'hôtel, ils furent arrêtés par un passage à niveau. Un train défila devant eux dans un panache de fumée.
''C'est votre train, Madame, le Paris-Lyon-Méditerranée. Ils seront à Marseille à 9h47.''
Le chauffeur entendit un léger bruit derrière lui. Il prit ça pour une petite toux.

vendredi 17 juin 2016

Puzzle Roi joyeux aime la police...

Caroline O. Ch 2

A 21h le maître d'hôtel vint la chercher pour la mener à sa table. Une table pour deux couverts. Tout était siglé CIWL. La nappe, les serviettes brodées, les couverts en argent gravés, les verres en cristal ciselés...La lecture du menu la mit un peu mal à l'aise. C'était beaucoup en période de restriction... Mais elle savait aussi combien lui avait coûté le prix du billet. Elle commanda une autre coupe de champagne. Trois minutes plus tard le maître d'hôtel était de retour :
'' Je suis désolé Madame, mais Monsieur là-bas, le comte Maximilien de Woincourt, n'a pas réservé sa place ce soir! Mais il souhaiterait dîner avec vous. L' accepteriez-vous à votre table?''
De Woincourt!! Seul un léger haussement de sourcils avait marqué sa surprise, son étonnement et son interrogation. Elle accepta d'un signe de tête. De Woincourt, de Woincourt??? L'image avait du mal à se fixer. Trente secondes plus tard elle levait les yeux sur un jeune homme d'une vingtaine d'années. Son smoking noir faisait ressortir la blondeur de ses cheveux, le bleu de ses yeux et son extrême pâleur.
'' Maximilien de Woincourt. Mes hommages Madame. Vous ne sauriez savoir l'honneur et l'immense joie que vous me faites en m'acceptant à votre table''.
Et soudain tout lui revint en mémoire et c'est avec un grand sourire qu'elle lui dit:
''Mais asseyez vous Monsieur de Woincourt. C'est avec plaisir que je dînerai avec vous''.
Le dîner touchait à sa fin. Il était près de 11h du soir. Maximilien de Woincourt n'avait pratiquement pas arrêté de parler. La discussion, l'ardeur qu'il y mettait avaient légèrement rosi ses pommettes. Le Roederer qui avait accompagné tout le repas y était aussi pour quelque chose. Mais l'étincelle qui brillait dans ses yeux ne devait rien à l'alcool. Elle la connaissait bien cette lueur. Elle l'avait souvent vue dans les yeux des hommes qui voulaient se glisser dans son lit et étaient prêts à donner des fortunes pour cela. Mais manifestement ce petit de Woincourt n'avait pas les moyens de ses envies!!! Cela l'amusait. Elle était même presque émue. Sans lui donner d'espoir, elle ne le désespérait pas. Elle n'avait pas encore décidé de ce qu'elle ferait. Elle le regardait en souriant. Il ne faisait rien de ce qu'il devait ou devrait faire et pourtant elle était presque séduite. Son inexpérience et sa fraîcheur lui donnait à elle comme un coup de jeunesse.
Il avait 22 ans. Il descendait à Marseille. De là il devait remonter vers le Lubéron où ses parents possédaient une bastide. Ils lui avaient fait quitter Paris pour une bagatelle, une amourette pour une infirmière de l'hôpital des Invalides, à laquelle il fallait couper court rapidement. Mais plus grave, lieutenant au 9ème régiment du Génie, il avait été hospitalisé après avoir été gazé à Ypres. Le gaz moutarde lui rongeait les poumons. Le Lubéron n'était qu'une étape vers les Alpes et un sanatorium. Heureusement il n'avait pas de lésions cutanées. Elle ne l'aurait supporté. C'était justement ce qu'elle fuyait et ce n'était pas pour se faire rattraper dans le wagon-restaurant d'un train de luxe. Elle balaya vite cette image. Elle s'expliquait mieux maintenant cette pâleur, cette maigreur. Elle avait eu envie de toucher sa main qu'on aurait dite de porcelaine. Elle s'était abstenue.
''Mon père m'a souvent parlé de vous. Il vous a vue au théâtre il y a longtemps''. Il s'arrêta, la bouche ouverte, pétrifié de ce qu'il avait dit. Par un geste réflexe sa main se posa sur celle du jeune homme. Ce contact la fit frissonner.
''Ne soyez pas gêné mon petit Maximilien. Vous permettez que je vous appelle Maximilien?''
Le jeune homme déglutit difficilement.
''Cela ne doit pas faire si longtemps que ça. N'est ce pas?''
Il baissa la tête incapable de dire un mot.
Elle retira sa main et coudes sur la table, le menton posé sur ses mains croisées, elle se souvint.
Bien sûr que si ça faisait longtemps. Quand donc était ce? C'était au retour de son premier voyage en Amérique. En 1892, 93. La tournée avait été fructueuse mais fatigante. Elle avait décidé de se reposer, de faire un ‘’break’’ comme ils disaient à New York. Son besoin de calme lui avait fait choisir une petite station balnéaire de la Somme, dont le duc de Penthièvre, qui avait ses habitudes à Eu, lui avait parlé: Mers les Bains. Le confort de son Grand Hôtel, son Casino modeste mais élégant, le charme des villas du front de mer, la beauté de sa falaise crayeuse l'avaient ravie. Ce n'était pas Nice ou Biarritz, bien sûr. Ni Deauville, ni même Cabourg. Mais une semaine ici lui ferait tous les biens. Au bout de deux jours elle n'en pouvait plus. C'était décidé, elle rentrait demain à Paris.
Dans la salle du bar du casino, face à la mer elle buvait sa coupe de Roederer. La falaise était rose, embrasée du feu du coucher de soleil.
Quand il est entré dans le bar elle avait immédiatement su que c'était pour elle!! Il s'était dirigé directement vers sa table d'un pas qui sentait son militaire à vingt lieues.
'Corentin de Woincourt! Pardonnez mon audace, Madame. Je vous ai vu il y a deux ans aux Folies Bergère à Paris. J'en garde un souvenir... Un ami m'a dit vous avoir vue ici. Je n'ai pu résister. Me permettez-vous de vous offrir un apéritif?''
''Ca, ma chérie, c'est un cavalier. Ou un artilleur'' se dit elle in petto!
Elle avait le sentiment d'être une citadelle que l'on voulait prendre d'assaut. Cela n'était pas nouveau pour elle. On n'avait jamais eu à son égard les manières qu'on aurait eues envers une jeune fille sortant d'une institution religieuse. Et les manières un peu brouillonnes de ce hobereau picard l'amusaient. D'autant plus qu'elle savait qu'au bout du compte c'est elle qui garderait la main.
L'apéritif fut suivi d'une invitation à dîner. Ce Corentin de Woincourt était bien officier de cavalerie. Capitaine ou commandant. Elle avait oublié. De toute façon en dessous de général elle confondait tout. Il avait une propriété à une trentaine de kilomètres de Mers et avait obtenu une permission. Sa femme était sur le point d'accoucher. C'était leur quatrième enfant. Trois filles! Il espérait bien qu'elle lui donnerait un garçon cette fois ci! Le docteur n'attendait rien avant 48 heures et il avait pris sa soirée pour venir à Mers en espérant la voir. Par désœuvrement elle accepta un digestif et lui accorda une nuit. Cette nuit fut une heureuse surprise. Ses manières abruptes laissèrent place à une douceur et une tendresse qu'elle n'attendait pas. Elle ressentit un plaisir qu'elle n'eut pas besoin de simuler comme souvent.
Elle retrouvait en Maximilien les traits de Corentin mais en plus fins avec quelque chose de féminin. Etait-ce dû à la maladie ou un héritage de sa mère qu'elle imaginait belle, douce et un peu fade. Ainsi Corentin avait fini par avoir un fils. Elle ne lui demanda pas des nouvelles de son père qui n'avait surement pas fait état de leur rencontre et de leur nuit.
Elle se retrouvait en face de quelqu'un dont elle avait entendu parler avant qu'il ne naisse. Il aurait pu être son fils. Elle n'avait aucun instinct maternel. Il était mort avec l'avortement qu'elle avait subi lorsque son ''hijo de puta'' de mari l'avait prostituée de force et qu'elle était devenue stérile.
Mais très vite et sans qu'elle sache très bien pourquoi elle lui dit:
'' Laissez-moi partir maintenant. Ne vous compromettez pas. Mais rejoignez-moi dans une demi-heure. Voiture 3. Compartiment 6.''

Suite et fin demain...Caroline O. - III - Le wagon-lit

Le cinéma c'est aussi de la musique - La conquête de l'Ouest

Que serais-je sans toi dit la musique à l'image.. et moi sans toi lui répondit l'image


jeudi 16 juin 2016

Caroline O. - Ch. 1


La femme, belle, encore, remontait le quai de la gare de Lyon le long du PLM de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits à destination de la Riviéra française. Un compartiment était réservé à son nom dans la voiture n°3. Sa démarche était souple comme celle d'une danseuse et elle avait un port de reine. Danseuse elle l'avait été sur toutes les scènes importantes du monde. Et reine? C'était ses amants, empereurs, rois, princes, sultans, pachas, présidents, capitaines d'industrie ou simples hommes transis d'amour qui l'avaient faite telle.
Ce 6 octobre 1915, il était 18h et elle quittait Paris. Oh, elle n'avait pas peur de la guerre. Après l'alerte de la Marne l'année dernière, le front s'était déplacé sur la Somme. Et elle avait eu trop de militaires à sa botte pour les craindre. D'ailleurs ni le Kaiser ni son royal cousin anglais Teddy n'aurait supporté que le moindre mal lui soit fait. Qu'ils se fussent rencontrés dans sa ruelle aurait provoqué un incident diplomatique aussi grave que celui de Fachoda. Cela faillit se produire une fois. L'un sortit côté cour tandis que l'autre entrait côté jardin. Ils le savaient et l'un et l'autre mais n'en parlèrent jamais. Empereur ou roi, ils acceptaient facilement de perdre une bataille, mais rentrer le deuxième dans un lit encore chaud!!! Ca jamais!!! Les hommes ont de ces vanités! S'ils savaient!!! Mais l'intelligence des femmes a été de ne jamais le leur dire! Et puis il y avait ce bon Aristide. Peut-être le seul qu'elle eût un peu aimé. Lui aussi l'aurait protégée. N'était-il pas président du Conseil? Et en plus de la désirer, il l'aimait. Mais elle plus que les hommes elle aimait le plaisir, plus que le plaisir les plaisirs, les calèches, les robes, les hôtels particuliers, les bijoux, l'argent et surtout dominer ces hommes comme pour les punir de ce qu'ils lui avaient fait, de ce que lui avait fait un homme quand elle avait onze ans.
Dès le début de la guerre elle avait fait une tournée dans le cadre du ''Théâtre aux armées'' pour soutenir le moral de troupes. Ce qu'elle avait vu l'avait horrifié. Les tranchées, la boue, les morts, les blessés, les hommes hagards à qui on donnait pour un soir du vin et l'illusion du plaisir pour les renvoyer le lendemain à la boucherie. Elle ne voulait plus voir ça, entendre parler de ça! Egoïste? Oui! Et alors! Ce n'était pas son monde cela. Son monde d'ailleurs mourrait en même temps que ces pauvres gens. Rien ne serait plus jamais comme avant. C'était cela qu'elle fuyait, pas la guerre. Elle était riche. Elle avait 47 ans (elle ignorait qu'elle allait vivre encore un demi-siècle), et le temps de sa splendeur était passé même si elle était encore au sommet de sa gloire. Elle n'avait jamais eu besoin de s'affubler de noms ronflants comme ces Liane de P., Emilienne d'A., Cléo de M. Elle, elle avait gardé son nom, francisant juste son prénom, Caroline. Mais pour tous elle était, simplement, superbement, orgueilleusement la Belle O.
Elle approchait de son wagon. Sa tenue de voyage était simple. Un ensemble de Paul Poiret dans un tissu dessiné par Dufy, un manteau 3/4 avec un col de fourrure et un de ces nouveaux chapeaux mis à la mode par Gabrielle Chanel. Un porteur poussait derrière elle un chariot avec trois valises et deux sacs Hermès, son nécessaire pour son voyage. Deux malles Vuitton étaient déjà dans le wagon des bagages. Le reste suivrait par la route dès qu'elle aurait une adresse. Arrivée elle tendit son billet de voyage au conducteur attaché à sa voiture. ''Bonsoir madame, bienvenue à bord du Paris-Lyon- Méditerranée''. Et bien qu'il soit tenu à la même impassibilité que les horse guards de sa Majesté, le sourire qu'elle lui rendît le fit chanceler. Elle prit appui sur son bras pour monter le petit escabeau et les trois marches du wagon.
Celui-ci contenait 10 compartiments dont 6 étaient jumelables en suite. Elle en avait réservé une. Au milieu de la voiture bien sûr, à cause des essieux. Cette suite se composait d'un salon-fumoir avec un large canapé, deux fauteuils, une table, un petit bar et d'un placard encastré. Deux grandes baies ouvraient sur l'extérieur. Le second compartiment de la suite était à l'identique mais transformé en chambre à coucher. Le tout était complété par un cabinet de toilette. Les tons chauds de la moquette, du tissu des fauteuils, étaient assortis à la marqueterie, à l'acajou du bois et au cuivre de la paumellerie et des boutons de porte. Le porteur déposa les valises. Le conducteur le paya discrètement.
'' Nous partons à 19h40 et serons à Monte-Carlo demain à 15h30. A quelle heure souhaitez-vous être réveillée demain matin? Prendrez-vous votre petit déjeuner dans votre compartiment ou au wagon-restaurant? Je vous envoie une femme de chambre pour vous aider à défaire votre valise. N'hésitez pas à faire appel à moi si vous avez besoin de quoique ce soit.''
''Je vous remercie. Pouvez-vous me réserver une table au restaurant pour 21h je vous prie,''
''Ce sera fait madame.''
En attendant l'arrivée de la femme de chambre, elle jeta un coup d'œil par la vitre. La nuit était presque tombée. Le quai s'était rempli de voyageurs. Le train serait plein. Elle n'avait pas souhaité que quiconque l'accompagnât et probablement que peu se seraient proposés. Elle avait tenu son départ aussi secret que possible dans la crainte des journalistes.
La femme de chambre l'aida à défaire une valise. Elle en sortit une robe. Elle en avait choisi une pour ce soir qui ne nécessitait pas trop l'assistance d'une habilleuse. A la guerre comme à la guerre.
''Pouvez-vous lui donner un petit coup de fer?''. '' Vous l'aurez dans une heure madame''
Il était 18h. Elle passa l'heure suivante à ranger ses affaires et à se préparer un visage convenable dans le miroir du cabinet de toilette. Trois légers coups à la porte: ''Femme de chambre, madame''. ''Entrez et déposez la robe dans le placard.''
A 19h40 précises, sifflement de la vapeur, cadence des pistons, le train se mit en mouvement. Sa résolution prise quelques mois plus tôt se réalisait. Elle eût un léger pincement au cœur. Passager, très passager. Les regrets n'étaient pas son genre.
A 20h30 elle entrait dans le wagon bar déjà bien rempli. Le brouhaha des conversations baissa d'un ton. La nouvelle de sa présence à bord du train s'était répandue comme une trainée de poudre. Elle portait un cafetan gris perle de Poiret, aux manches longues légèrement bouffantes et resserrées aux poignets. Un seul bijou. Un rubis serti sur une broche de diamants au-dessus de son sein gauche. Un turban de velours noir surmonté d'une petite aigrette enserrait ses cheveux. Ses ongles étaient du même rouge que le rubis. Elle s'assit et demanda une coupe de Roederer Cristal. Elle sentait sur elle le regard des autres. Dans celui des femmes elle ne voyait ni jalousie, ni haine. Simplement ''Ainsi c'est elle!'' Chez les hommes aussi ''Ainsi c'est elle'', mais avec cette lueur de désir et surtout de lubricité qu'elle ne supportait plus.
Demain Caroline O. - II - Le wagon - restaurant

mercredi 1 juin 2016