mercredi 4 novembre 2015

Charlus, vous avez dit Charlus?

 

Palamède XV de Guermantes est le frère cadet du duc de Guermantes. Il devrait porter le titre de prince des Laumes, mais, « avec une apparente simplicité où il y a beaucoup d'orgueil », il ne porte que celui de Baron de Charlus. Il est aussi duc de Brabant, damoiseau de Montargis, prince d'Oléron, de Carency, de Viareggio et des Dunes, membre de l'Ordre de Malte et du Jockey Club (dont il sera exclu à la suite d'une vie trop scandaleuse). Il est de la famille des ducs de Guermantes dont les membres parcourent à de multiples reprises les pages de La Recherche, il porte le nom de "Palamède", comme les rois de Sicile, ses ancêtres. 
 
‘’Je tournai la tête et j'aperçus un homme d'une quarantaine d'années, très grand et assez gros, avec des moustaches très noires, et qui, tout en frappant nerveusement son pantalon avec une badine, fixait sur moi des yeux dilatés par l'attention. Par moments, ils étaient percés en tous sens par des regards d'une extrême activité, comme en ont seuls devant une personne qu'ils ne connaissent pas des hommes à qui, pour un motif quelconque, elle inspire des pensées qui ne viendraient pas à tout autre - par exemple des fous ou des espions.’’
C’est ainsi qu’apparaît au Narrateur le baron de Charlus dans ‘’A l’ombre des jeunes filles en fleurs’’.
Le baron de Charlus est avec Swann et Albertine l'un des trois personnages principaux de la Recherche si l'on attribue ce statut à ceux qui entretiennent le rapport le plus étroit avec Proust lui-même.
Personnage complexe et ambigu, à la volonté virile et aux gestes efféminés, aristocrate parisien très en vue dans la haute société du Faubourg Saint Germain, M. de Charlus est un homme cultivé, aux goûts raffinés et à la piété assumée. Né dans les années 1850, il a une quarantaine d'années quand le narrateur le rencontre. Anti-dreyfusard convaincu, il ne se montre pourtant antisémite que quand cela lui permet de cacher sa vraie nature. Car M. de Charlus est un "inverti", un homosexuel attiré par les jeunes garçons et Proust en fait même l'emblème de ce "côté de Sodome''. Il emploiera les termes de ''charlisme'' ou de ''un monsieur de Charlus'' pour évoquer d'autres invertis.
D'autres personnages lui attribuent nombre de sobriquets: il est Mémé pour les intimes, Taquin le superbe pour sa belle soeur la duchesse de Guermantes, ma petite gueule pour Jupien son amant tenancier d'un bordel ou encore l'homme enchainé pour les fripouilles de ce bordel!!
Certains iconoclastes ont vu dans son nom contrepèteries et anagrammes. dans Palamède on peut voir ma pédale, pet malade, mâle et dame et avec Palamède de Charlus on n'est pas loin de pal à merde de cul sale (sic)!
Les probables modèles de M. de Charlus seraient Robert de Montesquiou (peint ici par Boldini), pour son allure générale, son orgueil, son insolence et ses dons artistiques , le baron Doäzan, poudré et bouffi, amoureux d'un violoniste polonais, le comte Aymeri de la Rochefoucauld pour sa morgue et la dureté de ses mots, le trouble Oscar Wilde et en partie Proust lui même. le baron doit aussi un peu à Lyautey, le futur maréchal, époux inoffensif d'Inès Fortoul, un temps promise à Proust! Partageant avec Charlus cette incapacité, il sera du lit oté, délicate contrepèterie vers le thé au lit de la tante du narrateur!! A propos de Lyautey: un militaire parlant de la bravoure du maréchal pendant la guerre de conquête du Maroc dit au général de Gaulle :" Il avait des couilles" ce à quoi le général aurait répondu : "Oui! Surtout derrière!!" Ah cet humour d'artilleur!! S'il est le plus dramatique des trois grands personnages proustiens dans des scènes où il peut se montrer tour à tour comique ou pathétique, il est surtout le plus tragique. Swann et Albertine ont disparu. Mais Proust va conduire Charlus jusqu'au ''Temps retrouvé'' jusqu'à sa déchéance physique et sociale. Les lieux d'où il s'exprime n'ont plus rien de commun avec l'intimité des Jeunes filles en fleurs ni la haute mondanité de Sodome et Gomorrhe. La maison de passe de Jupien, un trottoir, un porche d'hôtel le montrent entouré, non plus d'une cour de princes de sang mais d'une cour des miracles. Sa décadence mondaine et amoureuse, sa santé compromise, ses relations avec les '''apaches'' rabaissent impitoyablement et envoient celui qui avait voulu s’élever dans une sorte de béatitude inversée!

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