mercredi 18 mai 2016

Le Mans - Georgette ''pète en soie''


Le seul endroit de la maison d'où l'on pouvait voir la cathédrale étaient les toilettes qui se cachaient derrière une porte dérobée dans la courbure de l'escalier entre le premier et le deuxième étage. L'endroit était réservé aux enfants. On ne disait pas toilettes ou petit coin mais :''Bonne maman je vais à la moitié de l'étage...'' C'est là que j'ai appris les premiers rudiments de l'histoire de France. Assis sur la cuvette, les coudes sur les genoux je lisais sur un grand tableau sur le mur d'en face, l'histoire des rois qui ''en mille ans ont fait la France'' des Carolingiens à la chute du second empire''. Depuis ce temps là, ces endroits ont toujours été pour moi des lieux de lecture et de méditation. Mais je m'égare!
Or donc, en montant sur un petit escabeau de 3 marches on pouvait apercevoir la Cathédrale à travers un oeil de boeuf. Perchée sur son promontoire elle dominait la ville et impressionnait par son aspect imposant. Mais l'intérieur, à l'inverse était tout en finesse, élégance, élévation. C'est là que m'est venu le goût du spectacle, du grand spectacle, de la super production...Les grand' messes solennelles, type dimanche de Pâques, étaient grandioses! Je ne parle pas du décor... La mise en scène c'était aussi bien que du Cecil B. de Mille, la figuration que ''Quo vadis'', quand les grandes orgues tonnaient c'était mieux que le Dolby stereo et les costumes n'avaient rien à envier à ceux de Jean-Louis, Edith Head ou Helen Rose... Et puis il y avait l'ordonnateur de ces fastes et de ces pompes, l'évêque-archevêque du Mans: Georges cardinal Grente.

Dans mon souvenir, c'était un homme de petite taille , au visage aigu, pointu, au regard perçant et à la personnalité très forte. Il attirait les regards.
Je le revois descendre la grande nef, précédé de douze enfants de chœur en robe rouge et surplis blanc, balançant leurs encensoirs à grandes volées. Il marchait à petits pas dans sa chasuble dorée, les lèvres pincées, la tête droite sous sa mitre. Même du haut de son mètre soixante il semblait vous toiser. Tenant sa crosse de pasteur de la main gauche, il distribuait des bénédictions de la droite et parfois tendait sa main gantée à une de ses brebis pour qu'elle baisât l'anneau d'améthyste qu'il portait à l'annulaire. J'ai eu ce ''privilège''. J'en ai gardé une éraflure sur le bout du nez pendant une semaine!!! Il était suivi d'une cohorte de curés, de prêtres, de vicaires, de diacres, de sous diacres, une vraie garde prétorienne... Je remarquais, déjà, que certains étaient très beaux et portaient bien la soutane... Bref ça en jetait, ça avait de la gueule. Son éminence savait y faire.
C'était une quasi légende, prince de l'église, cardinal, ami de Pie XII, historien, essayiste, grand voyageur, spécialiste de la question du Proche Orient, membre de l'Académie française, intelligent, brillant, mieux... cynique... Sujet à polémiques pour des écrits et des prises de position parfois contestables.

Mais c'est le revers de cette médaille, que j'ai découvert plus tard, qui m'a amusé.
Nommé évêque du Mans il a installé ses appartements dans un superbe hôtel particulier face à la cathédrale. Cette maison avait appartenu au 17ème siècle à un poète à l'esprit brillantissime, mécréant et libidineux, Paul Scaron, époux de Françoise d'Aubigné marquise de Maintenon, future épouse de Louis XIV. Rien de bien méchant.
Plus savoureux...A son arrivée au Mans le quartier de la cathédrale était très mal famé et des femmes de mauvaise vie et de petite vertu troublaient les fidèles quand ils allaient à l'office et surtout quand ils en revenaient. Il décida alors de racheter ces ''maisons'' pour les détruire. Une fois l'affaire faite les services des monuments historiques s'opposèrent à la destruction et classèrent tout le quartier. Les occupantes de ces maisons continuèrent à verser leurs loyers à l'archevêché, faisant de celui-ci un des grands proxénètes de France!! Paradoxal pour quelqu'un qu'on commençait à appeler ''tata Georgette''.
On raconte également, (mais que ne raconte-t-on pas? Surtout les journalistes du Canard enchainé) que notre éminence, pour préserver la douceur de sa peau, se faisait tailler (sic) des petites culottes en soie par....les petites soeurs de la Visitation! Je n'aurais jamais cru que pendant que je luttais contre mes angoisses nocturnes, juste de l'autre côté de la rue des nonnes cousaient des petites culottes en soie!!
Slip ou short??? Là vous m'en demandez trop!!

2 commentaires:

  1. Hi hi ... je vois sur wikipedia que "Le Canard Enchainé" a publié l'info sur les maisons closes du coup "(...) (le prélat) fit un procès mais le perdit, le tribunal estimant qu'il n'y avait pas diffamation mais simple plaisanterie" .. Sacrée Tata Georgette !!

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  2. Sautillant, vivifiant, votre style loin d'être vénal, bondit de syllabes en syntaxe, sur de belles vagues d'humour vernal. Que j'aime les entrechats de votre plume ! De plus, grand merçi de nous avoir présenté "Tata Georgette" qui, mon grand père nous disait, se régalait de maigres en carême, fleurant bon brochets et poulardes...Ah les indulgences !

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