...Et
puis, un jour il a rencontré à un diner chez des amis un jeune mec
de plus de 15 ans son cadet! Et avec lui, la passion physique! Je
connaissais un peu ce type. J'ai essayé de l'avertir. Mais rien à
faire! Au bout d' une semaine, j'ai vu André se fissurer, se casser
de l'intérieur. Mais il persistait. En pleurs sur mon épaule, mon
bûcheron de poche se transformait en Maria Chapdeleine. Le type,
semi-gigolo, ne lâchait rien! Pendant 2 mois j'ai vu André de loin
en loin. Parfois il me téléphonait pour me demander s'il pouvait
venir passer la nuit chez moi. Pour dormir tranquille, dans les bras
de quelqu'un.
C'est
pendant cette période que j'ai rencontré D. et que je suis tombé
en amour comme disait André. Ce n'est pas pour cela que j'ai cessé
de le voir. Nous ne dormions plus ensemble c'est tout. Parmi les amis
de Daniel il y avait sa copine Lyne (qui avait dû être, avant, un
peu plus que sa copine! Mais moi, tant que c'est avant...) Cette Lyne
fut émue par l'histoire d'André et carrément séduite par le
bonhomme. Elle se mit en tête de le sortir de ses problèmes. André,
déstabilisé par les deux mois qu'il venait de passer, se laissa
séduire. Le résultat ne fût pas plus brillant. Et à la veille de
son retour au Canada, il se retrouvait gros jean comme devant avec
deux histoires ratées sur les bras. Restait la nôtre qui en sortait
intacte et même magnifiée. Un matin de septembre je l'accompagnais
à Roissy, et on se quittait avec force embrassades, promesses de
s'écrire et de se revoir. Et le plus surprenant c'est que nous avons
tenu ces promesses.
De
retour au Canada, il semblait avoir fait son choix et avait repris
une relation plus étroite avec son ami qui professionnellement
s'était rapproché du Québec. Il semblait heureux. D. et moi
projetions d'aller les voir là-bas. Ils devaient venir ensemble à
Paris. Il revint en effet deux ans plus tard pour une mission d'un
mois. Mais seul. Son histoire était terminée. Moi-même, j'avais
vécu avec D. le temps qui nous était imparti! Il prit ses quartiers
dans un petit hôtel du Marais et nous reprîmes nos habitudes,
soirées PZ, restos, balades, confidences...mais je le laissais faire
seul ses virées dans les bars du Marais. Il avait pris de
''l'assurance'' et semblait heureux.
Nous
avons continué à nous écrire de loin en loin. Ses confidences sur
sa vie privée étaient discrètes mais explicites; Il vivait
pleinement sa vie dans le milieu gay de Montréal. Il revint encore
deux fois en France. La dernière fois que je le vis à Paris c'était
en 1990. Il semblait fatigué et avait une méchante petite plaie sur
la jambe. Rien de bien grave me disait-il.
Quelques
mois plus tard, dans une lettre, il me disait sa lassitude de la vie
gay et son désir de se marier. Ce qu'il allait faire avec une
collègue de travail. La date était fixée et ils avaient entrepris
la construction d'une maison à 170 kms de Montréal au bord du St
Laurent. Et à partir de ce moment-là quasiment plus de nouvelles.
Un
soir d'été 1993 j'étais assis sur les marches qui mènent au
premier sous-sol du PZ. Et j'entends deux types qui parlent avec un
fort accent québécois. Je me retourne et engage la conversation
jusqu'à la question :
''Mais
comment avez-vous atterri ici?''
''On
a un copain au Québec qui a vécu un peu à Paris et qui nous a dit
qu'il fallait absolument aller au Piano Zinc.''
Je
tente :'' Votre copain c'est quand même pas André?''
''T'es
quand même pas Renaud?... Tu peux pas savoir combien de fois André
nous a parlé de toi et de vos soirées parisiennes. Tu lui manques
beaucoup. Tu devrais venir le voir.''
Je
réfléchis à haute voix. Je dois aller à Chicago pour mon travail
vers le 15 janvier 94. Je peux prendre 1 semaine de vacances juste
avant et faire un stop au Canada.
''Super,
me dit un de mes deux canadiens. Tu ne lui parles de rien on va lui
faire la surprise. Tu me donnes juste ta date d'arrivée et je
m'occupe du reste''.
C'est
comme ça que je me retrouve début janvier suivant à Montréal au
milieu de l'hiver le plus froid qu'ils ont eu depuis des années. Mon
canadien est là qui m'attend.
Le
soir de chez lui il appelle André et lui dit qu'il passera le voir
le lendemain à 11h.
C'est
une grande maison blanche en bois entourée d'arbres. Il y a encore
les décorations des fêtes sur les murs et de la neige partout.
Derrière on voit le Saint Laurent gelé.
Quand
il ouvre la porte, il a 10 secondes comme de stupéfaction. Puis:
''Renaud''. Il me prend par les épaules et me tire à l'intérieur.
Pendant une semaine il me parlera beaucoup. De ses souvenirs de
Paris, de son mariage, parfois difficile mais apaisant, de son
retrait de la vie gay (excepté une fois par mois une participation à
un groupe de discussion: ''Hommes. Comment vivre gay et marié''!!!!)
, de la lente disparition de sa sexualité, de l'évolution de sa
''leucémie'' qui ne lui permettait même plus de travailler. Mais
tout cela sans tristesse ni même amertume. Et c'est un ami somme
toute serein que je quittais une semaine après.. Et je pense
aujourd'hui que j'ai dû en éprouver un soulagement assez lâche.
Dans les presque deux années qui suivirent je n'ai reçu que peu de
nouvelles de lui et assez vagues comme si il m'avait dit ce qu'il
avait à me dire. La dernière lettre que j'ai reçue de lui
contenait juste une petite carte et une aquarelle.
Puis plus rien.
Jusqu'à cette grosse enveloppe de septembre 95.
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