Georges
Duhamel
(1884-1962)
est un médecin,
écrivain et poète.
Rendu
célèbre par l’écriture de ‘’Civilisation’’
prix Goncourt 1918 puis de la ‘’Chronique des Pasquier’’,
il fut élu en 1935
membre de l’Académie
française. Il
devint ensuite un président très actif pour le renouveau de
l’Alliance
française
après-guerre.
Grâce
à une succession de scènes se déroulant sur l'arrière du front
Nord entre 1915 et 1917, Civilisation dépeint de manière crue les
hommes et leurs tourments, les administrations et leurs logiques
propres, la médecine et les progrès de la science lors de la
Première
Guerre mondiale.
Au
sein de l'armée française enlisée dans une guerre de tranchées,
un narrateur, ancien professeur de mathématique, engagé volontaire
comme brancardier tour à tour sur le front ou dans les hôpitaux de
l'armée, raconte son expérience et les hommes qu'il côtoie.
L'incrédulité devant cette boucherie humaine et l'absurdité des
armées le mènent, comme beaucoup d'hommes à cette époque, à
faire une description souvent très ironique et impertinente sur la
société française et européenne en général.
‘’"Large
front au dessin presque gracieux, regard profond et puéril, menton à
fossette, moustache orgueilleuse, allègre amertume de la bouche, je
me souviendrai de vous, visage français, bien que je ne vous aie pu
voir qu'une seule seconde, à la lueur bondissante d'une allumette.
Le train qui va de Châlons à Sainte-Menehould remontait, tous feux éteints, dans la nuit d'automne ; c'était en 1916. Le front de Champagne, calme alors, somnolait sur notre gauche du sommeil des cratères : un sommeil plein de cauchemars, de sursauts et d'éclairs. Nous divisions les ténèbres, pénétrant lentement dans une campagne misérable, que l'on devinait encore enlaidie par le hideux appareil guerrier. Le petit train clopinait, ahanait, un peu hésitant, comme un aveugle qui connaît son chemin. Je revenais de permission.
J'étais souffrant et allongé sur une banquette. En face de moi, trois officiers causaient. Leurs voix étaient celles de jeunes hommes, leur expérience militaire celle de vieillards. Ils rejoignaient leur régiment.
— Ce secteur, dit l'un d'eux, est calme en ce moment.
— A coup sûr, dit l'autre, nous voici tranquilles jusqu'au printemps. Une sorte de silence suivit, harcelé par le claquement des rails sous les roues. Alors une voix mordante, juvénile, rieuse, dit presque bas : Oh ! on nous fera sans doute faire encore une bêtise avant le printemps...’’
Le train qui va de Châlons à Sainte-Menehould remontait, tous feux éteints, dans la nuit d'automne ; c'était en 1916. Le front de Champagne, calme alors, somnolait sur notre gauche du sommeil des cratères : un sommeil plein de cauchemars, de sursauts et d'éclairs. Nous divisions les ténèbres, pénétrant lentement dans une campagne misérable, que l'on devinait encore enlaidie par le hideux appareil guerrier. Le petit train clopinait, ahanait, un peu hésitant, comme un aveugle qui connaît son chemin. Je revenais de permission.
J'étais souffrant et allongé sur une banquette. En face de moi, trois officiers causaient. Leurs voix étaient celles de jeunes hommes, leur expérience militaire celle de vieillards. Ils rejoignaient leur régiment.
— Ce secteur, dit l'un d'eux, est calme en ce moment.
— A coup sûr, dit l'autre, nous voici tranquilles jusqu'au printemps. Une sorte de silence suivit, harcelé par le claquement des rails sous les roues. Alors une voix mordante, juvénile, rieuse, dit presque bas : Oh ! on nous fera sans doute faire encore une bêtise avant le printemps...’’
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