VII
LES
PORTES DU PALAIS
Le
même soir, le comte de Poitiers se trouvait au château de
Fontainebleau, où il devait coucher ; c’était sa dernière étape
avant Paris. Il achevait de souper, en compagnie du dauphin de
Viennois, du comte de Savoie et des membres de sa nombreuse escorte,
lorsqu’on vint lui annoncer l’arrivée des comtes de Valois, de
la Marche et de Saint-Pol.
— Qu’ils
entrent, qu’ils entrent tout aussitôt, dit Philippe de Poitiers.
Mais
il n’eut pas le moindre mouvement pour aller au-devant de son
oncle. Et quand celui-ci, le pas martial, le menton haut et les
vêtements poudreux, apparut, Philippe se contenta de se lever et
d’attendre. Valois, un peu décontenancé, resta quelques secondes
sur le pas de la porte, regarda l’assistance. Philippe s’obstinant
à demeurer immobile, il dut se décider à avancer. Chacun se
taisait, les observant. Quand Valois fut assez près, le comte de
Poitiers le prit alors aux épaules et le baisa sur les deux joues,
ce qui pouvait passer pour un geste de bon neveu mais qui, venant
d’un homme qui n’avait pas bougé de sa place, paraissait plutôt
un geste de roi. Cette attitude irrita non seulement Valois, mais
également Charles de La Marche qui pensa « N’avons-nous fait tout
ce chemin que pour recevoir tel accueil ? Après tout, je suis égal
à mon frère ; pourquoi se permet-il de nous traiter de si haut ? »
Une expression amère, jalouse, déformait un peu son beau visage aux
traits réguliers, mais sans intelligence. Philippe lui tendit les
bras, La Marche ne put faire autrement que d’accepter une brève
accolade. Mais aussitôt, il dit, désignant Valois, et d’un ton
qui se voulait d’autorité.
— Philippe,
voyez ici notre oncle, le plus aîné de la couronne. Nous vous
louons que vous vous accordiez à lui et qu’il ait le gouvernement
du royaume. Car trop serait ce royaume en péril d’être remis à
l’attente d’un enfant qui est encore à naître, et ne saurait
donc royaume gouverner.
La
phrase avait une ambiguïté et une ampoule qui ne pouvaient être du
cru de Charles de La Marche. Celui-ci répétait évidemment des
paroles serinées. La fin de la déclaration fit sourciller Philippe.
Le mot de régent n’avait pas été prononcé. Valois ne visait-il
pas, au-delà de la régence, la couronne elle-même ?
— Notre
cousin Saint-Pol est avec nous, reprit Charles de La Marche, pour
vous dire que c’est aussi le conseil des barons.
Philippe
se passa la main, lentement, sur la joue.
— Je
vous sais gré, mon frère, de votre avis, répondit-il froidement,
et d’avoir fait tant de route pour me le porter. Aussi je pense que
vous êtes las comme je le suis moi-même, et les bonnes décisions
ne se prennent point dans la lassitude. Je propose donc que nous
allions dormir pour en décider demain, l’esprit frais et en petit
Conseil. La bonne nuit, Messeigneurs… Raoul, Anseau, Adam,
m’accompagnez, je vous prie.
Et
il sortit de la salle, sans avoir offert le vivre à ses visiteurs,
et sans même se soucier de la manière dont ils allaient
s’accommoder pour dormir. Suivi d’Adam Héron, de Raoul de
Presles et d’Anseau de Joinville, il se dirigea vers la chambre
royale. Le lit, jamais plus utilisé depuis que le Roi de fer y avait
rendu l’âme, était prêt, les draps mis. Philippe tenait beaucoup
à occuper cette chambre, il tenait surtout à ce que nul autre ne
l’occupât. Adam Héron se disposait à le déshabiller.
— Je
crois que je ne me dévêtirai pas, dit Philippe de Poitiers. Adam,
vous allez dépêcher aussitôt un bachelier vers messire Gaucher de
Châtillon pour qu’il soit à m’attendre à Paris, dès le petit
matin, à la porte d’Enfer. Et puis mandez-moi mon barbier tout à
l’heure, car je veux parvenir avec le visage frais. Et aussi
ordonnez qu’on tienne vingt chevaux prêts à partir vers la
minuit. Que l’on selle sans bruit, lorsque mon oncle sera couché.
Pour vous, Anseau, ajouta-t-il en se tournant vers le fils du
sénéchal de Joinville, je vous charge d’avertir de mon départ le
comte de Savoie et le dauphin afin qu’ils ne soient pas surpris et
ne croient pas que je me défie d’eux. Restez ici jusqu’au matin
en leur compagnie, et quand mon oncle se réveillera, qu’on
l’entoure beaucoup et qu’on le ralentisse. Faites-lui perdre du
temps en route.
Demeuré
seul avec Raoul de Presles, le comte de Poitiers sembla s’enfoncer
dans une méditation silencieuse que le légiste se garda de
troubler.
— Raoul,
dit-il enfin, vous avez œuvré jour après jour pour mon père, et
l’avez connu du plus près. En cette occasion, comment aurait-il
agi ?
— Il
eût fait comme vous, Monseigneur, je m’en porte garant, et ne vous
le dis point par flatterie, mais parce que je le pense bien. J’ai
trop aimé notre Sire Philippe, et enduré trop de souffrances depuis
qu’il n’est plus, pour servir aujourd’hui un prince qui ne me
le rappellerait en tous points.
— Hélas,
hélas, Raoul, je suis peu de chose auprès de lui. Il pouvait suivre
son faucon en l’air, sans jamais le perdre des yeux, et moi j’ai
la vue courte. Il tordait sans peine un fer à cheval entre ses
doigts. Il ne m’a légué ni sa force aux armes, ni cette apparence
de visage qui enseignait à chacun qu’il était roi.
En
parlant, il regardait obstinément le lit. À Lyon il s’était
senti régent, avec une parfaite certitude. Mais, à mesure qu’il
se rapprochait de la capitale, cette assurance, sans qu’il en
laissât rien paraître, l’abandonnait un peu. Raoul de Presles,
comme s’il répondait aux questions non formulées, dit :
— Il
n’y a point de précédent à la situation où nous sommes,
Monseigneur. Nous en avons assez débattu depuis des jours. Dans
l’affaiblissement présent du royaume, le pouvoir sera à celui qui
aura l’autorité de le prendre. Si vous y parvenez, la France ne
souffrira pas.
Peu
après il se retira, et Philippe s’allongea, les yeux fixés sur la
petite lampe suspendue entre les courtines. Le comte de Poitiers
n’éprouvait aucune gêne, aucun malaise, à reposer sur cette
couche qui avait eu un cadavre pour dernier usager. Au contraire, il
y puisait de la force, il avait l’impression de se couler dans la
forme paternelle, d’en reprendre la place et les dimensions sur la
terre. « Père, revenez en moi », priait-il, et il demeurait
immobile, les mains croisées sur la poitrine, offrant son corps à
la réincarnation d’une âme depuis vingt mois enfuie.
Il
entendit des pas dans le couloir, des voix, et son chambellan
répondre, à quelqu’un sans doute de la suite de Charles de
Valois, que le comte de Poitiers reposait. Le silence tomba sur le
château. Un peu plus tard, le barbier arriva avec son attirail.
Tandis qu’on le rasait, Philippe de Poitiers se rappela, prononcées
dans cette même chambre, devant la famille et la cour, les dernières
recommandations de son père à Louis, qui en avait tenu si peu
compte « Pesez, Louis, ce que c’est que d’être le roi de France
Et sachez au plus tôt l’état de votre royaume. »
Vers
minuit, Adam Héron vint l’avertir que les chevaux étaient prêts.
Quand le comte de Poitiers sortit de la chambre, il avait le
sentiment que vingt mois étaient abolis, et qu’il reprenait les
choses là où elles se trouvaient à la mort de son père, comme
s’il en recueillait directement la succession. Une lune propice
éclairait la route La nuit de juillet, tout étoilée, ressemblait
au manteau de la Sainte Vierge. La forêt exhalait ses parfums de
mousse, d’humus et de fougère ; elle vivait du frémissement
secret des animaux.
Philippe
de Poitiers montait un excellent cheval dont il goûtait l’allure
puissante. L’air frais fouettait ses joues rendues sensibles par
les rasoirs du barbier. « Ce serait pitié, songeait-il, que de
laisser si bon pays en de mauvaises mains. » La petite troupe surgit
de la forêt, traversa au galop Ponthierry et s’arrêta, comme le
jour apparaissait, au creux d’Essonne, pour faire souffler les
chevaux et prendre quelque nourriture. Philippe dévora ce repas,
assis sur une borne. Il semblait heureux. Il n’avait que vingt-cinq
ans, son expédition revêtait un air de conquête, et il s’adressait
avec une amitié joyeuse aux compagnons de son aventure. Cette
gaieté, rare chez lui, acheva de les affermir.
Entre
prime et tierce, il arrivait à la porte de Paris tandis que
sonnaient les cloches aigrelettes des couvents d’alentour. Il
trouva là Louis d’Évreux et Gaucher de Châtillon qui
l’attendaient. Le connétable avait son visage des mauvais jours.
Il invita aussitôt le comte de Poitiers à se rendre au Louvre.
— Et
pourquoi n’irais-je pas tout droit au palais de la Cité ? demanda
Philippe.
— Parce
que nos seigneurs de Valois et de La Marche ont fait occuper le
Palais par leurs hommes d’armes. Au Louvre, vous aurez les troupes
royales, qui sont tout à mon obéissance, c’est-à-dire tout à
vous, avec les arbalétriers de messire de Galard… Mais il faut
agir promptement et résolument, ajouta le connétable, pour devancer
le retour de nos deux Charles. Si vous m’en donnez l’ordre,
Monseigneur, je fais enlever le Palais.
Philippe
savait que les minutes étaient précieuses. Il calculait qu’il
avait, néanmoins, six à sept heures d’avance sur Valois.
— Je
ne veux rien entreprendre dont je ne sache auparavant que cela sera
vu de bonne façon par les bourgeois et le peuple de la ville,
répondit-il.
Et
dès qu’il fut entré au Louvre, il envoya mander, au Parloir aux
Bourgeois, maître Coquatrix, maître Gentien, et quelques autres
notables, ainsi que le prévôt Guillaume de La Madelaine qui avait
succédé depuis mars au prévôt Ployebouche. Philippe leur marqua
en quelques paroles l’importance qu’il attachait à la
bourgeoisie de Paris et aux hommes qui dirigeaient les arts de
fabrique et le négoce. Les bourgeois se sentirent honorés, et
surtout rassurés, par un tel langage qu’ils n’avaient plus
entendu depuis la disparition de Philippe le Bel.
Or
ce roi, dont ils se plaisaient à médire du temps qu’il les
gouvernait, comme ils le regrettaient à présent ! Ce fut Geoffroy
Coquatrix, commissaire sur les monnaies fausses, collecteur des
subventions et subsides, trésorier des guerres, pourvoyeur des
garnisons, visiteur des ports et passages du royaume, maître à la
Chambre des comptes, qui répondit. Il tenait ses charges de Philippe
le Bel, qui l’avait même doté d’un revenu à héritage, ainsi
qu’on le faisait pour les grands serviteurs de la Couronne ; et il
n’avait jamais rendu de comptes de son administration. Il craignait
que Charles de Valois, hostile depuis toujours à la promotion des
bourgeois aux grands postes, ne le destituât de ses fonctions pour
le spolier de l’énorme fortune qu’il s’était acquise.
Coquatrix assura le comte de Poitiers, en lui donnant dix fois du «
messire régent », du dévouement de la population parisienne.
Sa
parole valait cher, car il était tout-puissant au Parloir, et assez
riche pour payer, en cas de besoin, tous les truands de la ville et
les envoyer à l’émeute. La nouvelle du retour de Philippe de
Poitiers s’était rapidement répandue. Les barons et chevaliers
qui lui étaient favorables accoururent au Louvre. Mahaut d’Artois,
personnellement prévenue, fut des premières à se présenter.
— En
quel état est ma mie Jeanne ? dit Philippe à sa belle-mère, en lui
ouvrant les bras.
— On
attend sa délivrance d’un jour à l’autre.
— Je
l’irai voir aussitôt mes travaux achevés.
Puis
il se concerta avec son oncle d’Évreux et le connétable.
— À
présent, Gaucher, vous pouvez marcher contre le Palais. Tâchez,
s’il se peut, d’en avoir fini pour midi. Mais faites en sorte
d’éviter le sang autant qu’il sera possible. Agissez par effroi
plutôt que par violence. Je déplorerais d’entrer au Palais en
enjambant des morts.
Gaucher
alla prendre la tête des compagnies de gens d’armes qu’il avait
réunies au Louvre et gagna la Cité. En même temps il envoyait le
prévôt quérir, dans le quartier du Temple, les meilleurs
charpentiers et serruriers. Les portes du Palais étaient fermées.
Gaucher, ayant à son côté le grand maître des arbalétriers,
demanda l’entrée. L’officier de garde, se montrant à une
lucarne au-dessus de la porte principale, répondit qu’il ne
pouvait ouvrir sans l’autorisation du comte de Valois ou du comte
de La Marche.
— Il
vous faut m’ouvrir quand même, répondit le connétable, car je
veux entrer, et mettre le Palais en état de recevoir le régent, qui
me suit.
— Nous
ne pouvons.
Gaucher
de Châtillon se tassa un peu sur son cheval.
— Alors,
nous ouvrirons par nous-mêmes, dit-il.
Et
il fit signe d’approcher à maître Pierre du Temple, charpentier
royal, escorté de ses ouvriers qui portaient des scies, des pinces
et de gros leviers de fer. En même temps, les arbalétriers reçurent
l’ordre d’armer. Ils retournèrent leurs arbalètes, et
engagèrent le pied dans une sorte d’étrier de fer qui leur
permettait de tenir l’arc appuyé au sol pendant qu’ils bandaient
les cordes. Puis ils placèrent la flèche dans l’encoche, et se
mirent en position de viser les créneaux et embrasures. Les archers
et piquiers, joignant leurs boucliers, formaient une énorme carapace
autour et au-dessus des charpentiers.
Dans
les rues adjacentes, badauds et gamins se massaient, à distance
respectueuse, pour voir le siège. On leur offrait une belle
distraction dont ils allaient pouvoir parler pendant des jours. «
Aussi vrai que je suis là… J’ai vu le connétable tirer sa
grande épée… Plus de deux mille, pour sûr, plus de deux mille
qu’ils étaient ! » Enfin, Gaucher, de la voix dont il commandait
sur les champs de bataille, cria, par la ventaille levée de son
heaume :
— Messires
qui êtes dedans, voici les maîtres de charpente et de serrurerie
qui vont faire sauter les portes. Voyez aussi les arbalétriers de
messire de Galard qui cernent le Palais de toutes parts. Nul ne
pourra réchapper. Je vous invite une dernière fois à nous bâiller
l’huis, car si vous ne vous rendez à discrétion, vous aurez tous
la tête tranchée, si nobles que vous soyez. Le régent ne fera pas
de quartier.
Puis
il abaissa sa visière, ce qui était preuve qu’il ne discuterait
plus. Il devait régner grande panique à l’intérieur car, à
peine les ouvriers avaient-ils engagé les leviers sous les portes,
celles-ci tournèrent d’elles-mêmes. La garnison du comte de
Valois se rendait.
— Il
était temps de vous soumettre à sagesse, dit le connétable en
pénétrant dans la cour du Palais. Rentrez en vos demeures ou aux
hôtels de vos maîtres ; ne vous attroupez pas, et il ne vous sera
point fait de mal.
Une
heure plus tard, Philippe de Poitiers occupait les appartements
royaux. Il décida aussitôt des mesures de sécurité. La cour du
Palais, ordinairement ouverte à la foule, fut close, gardée
militairement, et les visiteurs soigneusement filtrés. Les merciers,
qui avaient privilège de vendre dans la grande galerie, furent
invités à fermer boutique pour la journée.
Lorsque
les comtes de Valois et de La Marche arrivèrent à Paris, ils
comprirent leur partie perdue.
— Philippe
nous a méchamment joués, dirent-ils.
Et
ils se hâtèrent, n’ayant plus d’autre issue, d’aller au
Palais négocier leur soumission. Ils y trouvèrent, autour du comte
de Poitiers, une nombreuse assistance de seigneurs, de notables et
d’hommes d’Église, parmi lesquels l’évêque Marigny toujours
prompt à se ranger du côté du pouvoir. Constatant avec dépit la
présence de Coquatrix, de Gentien et de plusieurs bourgeois, Valois
dit à mi-voix à Charles de La Marche :
— Votre
frère ne durera pas. Il est bien peu assuré de lui-même s’il se
sent obligé de s’appuyer sur les hommes du commun. Néanmoins, il
prit son meilleur air pour s’avancer vers Poitiers et le pria
d’excuser l’incident des portes.
— Mes
écuyers de garde ne savaient point. Ils avaient reçu consignes
sévères… à cause de la reine Clémence…
Il
s’attendait à une solide rebuffade et la souhaitait presque afin
de pouvoir entrer en conflit ouvert avec Philippe. Mais celui-ci ne
lui offrit pas les avantages d’une brouille et lui répondit, du
même ton :
— J’ai
dû agir de la sorte, et à grand regret, mon oncle, pour prévenir
les entreprises de notre cousin de Bourgogne à qui votre départ
avait laissé la place libre. J’en avais reçu nouvelles dans la
nuit, à Fontainebleau, et n’ai pas voulu vous éveiller.
Valois,
cherchant à atténuer sa défaite, feignit d’admettre
l’explication, et s’efforça même de faire bon visage au
connétable qu’il tenait pour l’auteur de toute la machination.
Charles de La Marche, moins habile à dissimuler, gardait les lèvres
closes. Le comte d’Évreux présenta alors la proposition dont il
était convenu avec Philippe. Tandis que celui-ci, dans un coin de la
salle, feignait de s’entretenir de questions de service avec le
connétable et Miles de Noyers, Louis d’Évreux dit :
— Mes
nobles seigneurs, et vous tous, messires, je conseille, pour le bien
du royaume, et pour y éviter des troubles funestes, que notre
bien-aimé neveu Philippe assure le gouvernement, de notre
consentement à tous, et qu’il accomplisse les offices royaux au
nom de son neveu à naître, si Dieu veut que la reine Clémence
mette au monde un fils ; je conseille aussi qu’une assemblée de
tous les hauts hommes du royaume se tienne sitôt qu’on la pourra
réunir, avec les pairs et les barons, pour approuver notre décision
et jurer fidélité au régent.
C’était
l’exacte riposte à la déclaration de Charles de La Marche, la
veille, à Fontainebleau, en faveur de Valois. Mais la scène, cette
fois, avait été réglée par de meilleurs artistes. Truffée
d’hommes fidèles au comte de Poitiers, l’assistance approuva par
acclamation. Aussitôt Louis d’Évreux vint mettre les mains dans
celles de Philippe.
— Je
vous jure fidélité, mon neveu, dit-il en ployant le genou.
Philippe
le releva et, lui donnant l’accolade, lui dit à l’oreille :
— Tout
se poursuit à merveille ; grand merci, mon oncle.
Charles
de Valois, furieux, grommelait :
— Le
roi… Il se prend tout juste pour le roi.
Mais
Louis d’Évreux déjà se tournait vers lui, disant :
— Pardon,
mon frère, d’être passé avant votre aînesse.
Valois
n’avait plus qu’à obéir. Il s’approcha, les mains tendues ;
le comte de Poitiers les lui laissa en l’air.
— Vous
me ferez la grâce, mon oncle, dit-il, de siéger à mon Conseil.
Valois
pâlit. La veille, il signait les ordonnances et les faisait sceller
de son sceau. Aujourd’hui on lui offrait comme un grand honneur une
place en un Conseil auquel il appartenait de droit.
— Vous
me remettrez aussi les clés du Trésor, ajouta Philippe en baissant
la voix. Je sais bien qu’il n’y reste que poussières. Mais de ce
peu, je suis désormais garant.
Valois
eut un mouvement de recul ; c’était sa dépossession complète
qu’on exigeait de lui.
— Mon
neveu, je ne puis, répondit-il. Il me faut faire mettre les comptes
au net.
— Je
me défends bien, mon oncle, de douter de leur netteté ! dit
Philippe avec une ironie à peine perceptible. Gardez-moi de vous
faire l’injure d’en demander l’examen. Remettez donc les clés,
et nous vous tiendrons quitte des comptes.
Valois
comprit la menace.
— Soit,
mon neveu, ces clés vous seront portées tout à l’heure.
Philippe
alors étendit les mains pour recevoir l’hommage de son plus
puissant rival. Le connétable de France s’approchait à son tour.
— À
présent, Gaucher, lui souffla Philippe, il nous faut nous occuper du
Bourguignon.
Demain
‘’La loi des mâles’’ ch.8 ‘’ Les visites du comte de
Poitiers’’
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire