Dingley
l’illustre écrivain
Jérôme
et Jean Tharaud
Le
roman met en scène la guerre du Transvaal. Le personnage de
Dingley, que les auteurs opposent à sa femme d'origine française,
est inspiré de Rudyard Kipling, « illustre écrivain »
que les Tharaud attaquent très durement en même temps que la
politique
coloniale anglaise et, plus généralement, l’Angleterre
Victorienne et l'esprit anglo-saxon. Cela n'empêche pas, par
ailleurs, une forme de sympathie pour l'homme de lettres qui trahit
une sorte de frustration devant l'inexistence, en France , d'un
auteur qui puisse lui être comparé.
Partout
où l'on parle anglais, personne n'ignore le nom de Dingley,
l'illustre écrivain. Les enfants eux-mêmes le connaissent : ils
apprennent à lire dans ses livres. En vérité, c'était un homme
d'une fraîcheur d'imagination incomparable. Il semblait né à
l'aurore du monde, dans un temps où les sens de nos lointains
ancêtres rivalisaient avec ceux des bêtes. Qu'il décrivit une
forêt de l'Inde, un office de commerce dans la Cité de Londres, un
lever de soleil sur la mer des Tropiques, un crépuscule d'Europe
occidentale, on avait toujours l'impression qu'il ouvrait sur
l'univers des yeux neufs. Les personnages de ses contes habitaient,
pour la plupart, un pays où la rêverie humaine a fait naître des
fleurs merveilleuses, ces vastes plaines du Gange qui ont vu l'effort
le plus désespéré des penseurs pour découvrir un sens à la vie.
Son caprice emmêlait, avec une liberté divine, les soins de ses
compatriotes perdus dans quelque poste ignoré du Rohilkland ou du
Sind, et les songes des philosophes indigènes morts il y a des
milliers d'années. En lui s'accordaient les instincts positifs de la
race anglaise et l'âme insatisfaite et passionnée pour le rêve
d'un Hindou. Il avait à la fois l'ardeur d'un pirate normand et le
goût des siestes à l'ombre, tandis que dans le champ de la vision
intérieure passent, comme le souvenir d'une autre existence, les
aventures des gens ayant appartenu à des civilisations disparues. Et
c'était le jeu même de son esprit qu'il avait représenté dans La
plus belle histoire du monde^ où l'on voit un commis du Strand
reconstituer, avec l'exactitude de quelqu'un qui l'aurait soufferte,
la vie d'un rameur grec, enchaîné au banc d'une galère phénicienne
mille ans avant le Christ.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire