vendredi 8 mars 2019

Incipit 74 - Sodoma

  
Le célibat des prêtres ; l'interdiction du préservatif par l'Église ; la culture du secret sur les affaires d'abus sexuels ; la démission du pape Benoît XVI ; la misogynie du clergé ; la fin des vocations sacerdotales ; la fronde contre le pape François : un même secret relie toutes ces questions. Ce secret a longtemps été indicible. Il porte un nom : Sodoma. La ville biblique de Sodome aurait été détruite par Dieu en raison de l'homosexualité de ses habitants. Or, aujourd'hui, c'est au Vatican que l'on trouve l'une des plus grandes communautés homosexuelles au monde.
Pendant quatre années, Frédéric Martel a vécu en immersion à l'intérieur du Vatican et mené l'enquête sur le terrain dans une trentaine de pays. Il a interrogé des dizaines de cardinaux et rencontré des centaines d'évêques et de prêtres.
Prologue
Il fait partie de la paroisse, me chuchote à l’oreille le prélat, avec une voix de conspirateur.
   Le premier à avoir employé cette expression codée devant moi est un archevêque de la curie romaine.
Vous savez, il est très pratiquant. Il est de la paroisse, a-t-il insisté à voix basse, en me parlant des mœurs d’un célèbre cardinal du Vatican, ancien « ministre » de Jean-Paul II, que nous connaissions bien, lui et moi.
   Avant d’ajouter :
Et si je vous racontais ce que je sais, vous ne le croiriez pas !
   Et, bien sûr, il a parlé. Nous allons croiser plusieurs fois, dans ce livre, cet archevêque, le premier d’un long cortège de prêtres qui m’ont décrit la réalité que je pressentais, mais que beaucoup prendront pour une fiction. Une féerie.
Le problème, c’est que si vous dites la vérité sur le « placard » et les amitiés particulières au Vatican, on ne vous croira pas. On dira que c’est inventé. Car ici, la réalité dépasse la fiction, m’a confié un prêtre franciscain qui, lui aussi, travaille et vit à l’intérieur du Vatican depuis plus de trente ans.
   Ils furent nombreux, pourtant, à me décrire ce « placard ». Certains s’inquiétaient de ce que j’allais révéler. D’autres m’ont dévoilé les secrets en chuchotant, puis, bientôt, à haute voix les scandales. D’autres encore se sont montrés bavards, excessivement bavards, comme s’ils avaient attendu toutes ces années pour pouvoir enfin sortir du silence.
   Une quarantaine de cardinaux et des centaines d’évêques, de monsignori, de prêtres et de « nonces » (les ambassadeurs du pape) ont accepté de me rencontrer. Parmi eux, des homosexuels assumés, présents chaque jour au Vatican, m’ont fait pénétrer leur monde d’initiés


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