dimanche 31 mars 2019

Incipit 78 - Goncourt 1910 - De Goupil à Margot - Louis Pergaud

 
 Louis Pergaud est né en 1882 et est mort pour la France en 1815. Auteur de ‘’ De Goupil à Margot’’ Prix Goncourt en 1910 et de ‘’La guerre des boutons’’ en 1912.
De Goupil à Margot :Ces histoires animales révèlent une noirceur et un pessimisme profond.
Si les animaux sauvages peuvent s'y révéler cruels entre-eux, que dire du sadisme gratuit de l'homme et en particulier du chasseur!?
Affublé d'un grelot par un chasseur cruel, le renard Goupil va connaître un sort pitoyable. Nyctalette la taupe va quant à elle subir la brutalité du viol commis par l'un des siens. Fuseline la petite fouine doit s'amputer elle-même la patte qui la retient prisonnière d'un piège avant de livrer un dramatique combat avec un busard. Et que dire de Margot la pie, tombée entre les mains d'un homme qui, après l'avoir mise en cage, lui rognera les ailes pour l'empêcher de s'échapper et la poussera vers une mort aussi ignoble que libératrice.


''C’était un soir de printemps, un soir tiède de mars que rien ne distinguait des autres, un soir de pleine lune et de grand vent qui maintenait dans leur prison de gomme, sous la menace d’une gelée possible, les bourgeons hésitants. Ce n’était pas pour Goupil un soir comme les autres. Déjà l’heure grise qui tend ses crêpes d’ombre sur la campagne, surhaussant les cimes, approfondissant les vallons, avait fait sortir de leur demeure les bêtes des bois. Mais lui, insensible en apparence à la vie mystérieuse qui s’agitait dans cette ombre familière, terré dans le trou du rocher des Moraies où, serré de près par le chien du braconnier Lisée, il s’était venu réfugier le matin, ne se préparait point à s’y mêler comme il le faisait chaque soir. Ce n’était pourtant pas le pressentiment d’une tournée infructueuse dans la coupe prochaine au long des ramées, car Renard n’ignore pas que, les soirs de pleine lune et de grand vent, les lièvres craintifs, trompés par la clarté lunaire et apeurés du bruit des branches, ne quittent leur gîte que fort tard dans la nuit ; ce n’était pas non plus le froissement des rameaux agités par le vent, car le vieux forestier à l’oreille exercée sait fort bien discerner les bruits humains des rumeurs sylvestres. La fatigue non plus ne pouvait expliquer cette longue rêverie, cette étrange inaction, puisque tout le jour il avait reposé, d’abord allongé comme un cadavre dans la grande lassitude consécutive aux poursuites enragées dont il était l’objet, puis enroulé sur lui-même, le fin museau noir appuyé sur ses pattes de derrière pour le protéger d’un contact ennuyeux ou gênant.''

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