jeudi 24 novembre 2016

Grands affichistes de cinéma - Boris Grinsson

C'était l'époque où les affiches de cinéma étaient des oeuvres d'art réalisées par des peintres et non des photos montages. Boris Grinsson a été un de ces artistes. Ses affiches donnaient souvent envie de pousser les portes des salles obscures.Tout amoureux du cinéma a forcément en mémoire ces images... 
Né à Pskov, en Russie, en 1907, Grinsson a traversé un siècle d'histoire et de cinéma. Fuyant la révolution bolchevique, sa famille erre entre la Finlande et les pays Baltes avant de se fixer en Estonie. C'est là que Boris entre à l'Ecole des beaux-arts de Tartu. Faute de débouchés, il part, en 1929, pour Berlin, «où l'art graphique était en pleine explosion», et se perfectionne à l'Ecole des arts appliqués. L'Allemagne prénazie est en pleine crise économique, et le jeune dessinateur doit se débrouiller avec des petits boulots, dont celui de figurant dans les studios de l'UFA à Babelsberg. Grinsson ne fera jamais la carrière d'acteur à laquelle il avait songé, mais le cinéma lui donnera du travail pendant plus de quarante ans. En devenant d'abord l'assistant d'un affichiste d'origine lettone, puis dans les compagnies américaines MGM, Paramount ou Universal.
Les maquettes étaient dessinées à partir de photos du film ou de l'affiche originale. «Nous n'assistions à la projection du film que si nous en avions le temps, se souvient Grinsson, car les délais étaient très courts.» En pleine campagne électorale de 1932, il réalise sur commande une affiche antinazie: «Inspiré par le peintre Reitel, j'avais dessiné la mort avec les traits d'Hitler, la croix gammée en guise de faux.» Arrivés au pouvoir, les nazis font rechercher l'auteur de cette virulente caricature, et Grinsson doit fuir l'Allemagne. Il débarque à Paris avec sa femme allemande en juin 1933. «Heureusement, j'avais emporté quelques maquettes et je pouvais me présenter aux compagnies pour lesquelles j'avais déjà travaillé à Berlin.» Grinsson repart donc d'un bon pied, après s'être familiarisé avec la lithographie, technique alors employée en France pour la fabrication des affiches (elle le sera jusqu'au début des années 60), alors qu'en Allemagne on utilisait déjà l'offset, plus commode mais moins noble aux yeux des puristes. Pendant quarante ans, l'artiste, définitivement installé en France, va produire des affiches pour presque tous les grands distributeurs américains (Universal, MGM, Paramount, Columbia, RKO, Warner, Fox) et européens (Pathé, Gaumont ou ACE, filiale de l'UFA). Une seule parenthèse: la guerre l'oblige à se cacher à Châteauroux, où il gagne sa vie en peignant des décors de dancings, de restaurants et des portraits.
Grinsson fait partie de cette génération de graphistes qui, comme Roger Soubie, Constantin Belinsky ou Jean Mascii, ont su séduire le public par des affiches multicolores, parfois naïves et faciles d'accès. Il leur fallait aussi un talent de portraitiste pour restituer les traits des acteurs. L'utilisation de plus en plus fréquente des montages photo marquera d'une certaine manière le déclin de cette génération. Les affiches de Grinsson et de ses congénères constituent aujourd'hui une oeuvre «cinégraphique», patrimoine indissociable des films pour lesquelles elles ont été créées, sorte de mémoire bis du cinéma de papa.


 

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