samedi 5 novembre 2016

Divas - Mado Robin et son contre-contre ré

Mado Robin est morte à Paris dans la soirée du 10 décembre 1960, Elle avait 42 ans. Dès la nouvelle de sa mort connue, tous les théâtres parisiens ont interrompu leur représentation pour l'annoncer. Ce fut quasiment un deuil national. Elle avait su comme personne toucher le cœur des français, mélomanes ou non. Cantatrice certes, mais elle était loin des clichés des divas et des éclats médiatiques des Callas et Tebaldi. Certains critiques, il y en a toujours, mettaient en cause sa technique vocale, la considéraient plus comme un phénomène vocal que comme une chanteuse, raillaient sa proximité avec les gens, sa gentillesse, sa naïveté, n'osant pas dire sa niaiserie. Mais ce n'était pas le cas des musiciens, chefs d'orchestre, musicologues et amoureux de l'art lyrique tous subjugués par sa voix. Sacha Guitry parlait de sa ''divine facilité'' et ajoutait ''C'est un arbre qui chante, le vent n'a qu'à passer''. Mario Podesta son professeur de chant disait :''C'est facile de chanter quand on chante ''comme ça'' mais c'est très difficile de chanter comme ça''. Lors de la première répétition de ''La flûte enchantée'' le premier violon demande à Reynaldo Hahn qui dirigeait :''On transpose comme d'habitude l'air de la Reine de la nuit ?'' La réponse fut sèche :''Avec Mado Robin on ne transpose pas''. 
Sa voix en effet montait à des hauteurs vertigineuses. Jusqu'au contre-contre ré. Les spécialistes apprécieront. Aux Etas-Unis on la surnommait ''the french stratospheric colorature'' et un journal titrait ''Mado Robin franchit le mur du son''. Malgré cette reconnaissance, elle n'hésitait pas à faire la réouverture d'un music-hall, l'ABC, de chanter dans des fêtes populaires comme la Kermesse aux étoiles ou au profit d'oeuvres sociales. J'ai eu la chance de l'entendre chanter ''Le barbier de Séville'' en 1956/57 à Bastia.... au cinéma Le Paris. Ce fut ma première approche déterminante avec l'art lyrique. Elle était également très présente à la radio et à la télévision dans des émissions très populaires comme les ''36 chandelles'' de Jean Nohain. Tout cela explique ce rapport très particulier qu'elle entretenait avec les français qui en avaient fait un peu leur trésor national.
Pour en revenir à sa voix, Mado Robin était une soprano colorature ce qui demande une grande virtuosité et de pouvoir chanter dans l'aigu et le suraigu. Cela limite un peu le répertoire : La Reine de la nuit (La flûte enchantée), Gilda (Rigoletto), Lakmé, Olympia (les contes d'Hofmann)... Dans la vidéo qui suit, l'air de la folie de Lucia di Lammermoor de G. Donizetti, Mado Robin atteint le contre-contre-ré. Note tellement élevée qu'aucun compositeur ne l'a écrite, ne pouvant pas penser qu'on la chanterait un jour, Le contre-contre ré c'est 6 lignes supplémentaires au dessus de la portée normale ; les cordes vocales vibrent à 2320 vibrations/secondes.
Vous n'avez jamais entendu de contre-contre ré ? En voilà un. J'ai préféré, pour l’émotion, une version piano en direct, plutôt que la version studio (disponible sur you tube). Pour finir deux conseils ! Evitez d'écouter cela au casque et rangez vos verres en cristal...

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