Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1949 l’avion s’écrase dans l’archipel des Açores...
Mon
bel amour
Oh,
que je voudrais que cette lettre arrive avant ton match. J’ai
l’impression que mon cœur est avec. « Oh, mon Dieu, faites que
cette lettre arrive à temps ! » Si tu le peux, dès que ton combat
est fini, renvoie-moi mon cœur que je puisse respirer. Chéri, tu
sais, tu es terrible. Comment se fait-il que je t’aime autant ?
Qu’est-ce que je vais devenir avec tout cet amour qui me dépasse !
J’ai
arrangé toutes mes répétitions, au cas où tu voudrais me
téléphoner, je ne quitte pas la maison à partir de lundi passé
quinze heures trente. Je répète le matin, comme ça, si tu veux
m’appeler, je serai là, à ta disposition. Et si tu ne peux pas,
c’est la même chose puisque tu as mon cœur dans tes mains. Ne
l’égare pas, je n’en ai qu’un et c’est irremplaçable. Sois
calme surtout et détendu, « relaxe » comme disent les Américains.
Imagine-toi que Paris est en danger et qu’il te faut le défendre,
c’est merveilleux comme symbole, hein ? Alors, dis-toi, je vais me
battre pour Paris ! C’est beau Paris, tu sais, tu vas voir quand tu
vas revenir comme il est en forme lui aussi, il est balayé de soleil
et il a le parfum du printemps et puis les femmes sont belles, il n’y
a qu’un Paris, un seul
! Et il n’y a que toi aussi, quelle chance j’ai ! Aussi mercredi,
je vais me battre moi aussi pour toi, pour te garder toujours.
Mon
gosse chéri, comme je voudrais être près de toi. Si j’avais dans
ma vie le grand honneur de m’appeler Mme « Jules », je ne
t’aurais pas quitté souvent, tu sais. Tu m’aurais eue toujours à
tes côtés, toujours, pour préparer un bonheur fait de rose, de
bleu et d’or. Mais hélas, je ne peux te donner que des bribes de
ce bonheur et je le fais le mieux que je peux, avec des nuages, bien
sûr, qui me viennent du mal de mon cœur, mais il faut toujours que
tu le prennes comme une preuve de mon grand amour. Voilà, ma lettre
va partir vers toi mais j’ai peur que l’avion qui va l’emmener
ne soit pas assez fort, car cette lettre est chargée de tout mon
amour et j’ai peur qu’elle ne soit trop lourde. Mercredi, je
serai dans tes gants, dans ton souffle, dans tes yeux, dans ton cœur,
partout, et j’essaierai de mordre La Motta aux fesses, ce salaud,
qu’il ne te touche pas ou il aura affaire à moi. Au revoir mon
petit, mon gosse, ma vie, mon amour, mon cœur, mon toi.
Je
t’aime mon tout petit gosse ! Moi.
Edith
Piaf
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