vendredi 13 avril 2018

Incipit 55 - le matin des magiciens - L. Pauwels - J. Bergier


Comment un homme intelligent, aujourd’hui, ne se

sentirait-il pas pressé ? « Levez-vous, monsieur,

vous avez de grandes choses à faire ! » Mais il faut se

lever de plus en plus tôt. Accélérez vos machines à

voir, à entendre, à penser, à vous souvenir, à imaginer.

Notre meilleur lecteur, le plus cher à nos yeux, en

aura fait avec nous en deux ou trois heures. Je connais

quelques hommes qui lisent avec le profit

maximum, cent pages de mathématiques, de philosophie,

d’histoire ou d’archéologie en vingt minutes. Les

acteurs apprennent à « placer » leur voix. Qui nous

apprendra à « placer » notre attention ? Il y a une

hauteur à partir de laquelle tout change de vitesse. Je ne

suis pas, dans cet ouvrage, de ces écrivains qui

veulent garder le lecteur auprès d’eux le plus longtemps

possible, le berçant. Rien pour le sommeil, tout

pour l’éveil. Allez vite, prenez et partez ! Il y a de

l’occupation dehors. Au besoin, sautez des chapitres,

commencez par où il vous plaira, lisez en diagonale : ceci

est un instrument à usages multiples, comme les

couteaux de campeurs. Par exemple, si vous redoutez

d’arriver trop tard au vif du sujet qui vous importe,

passez ces premières pages. Sachez seulement qu’elles

montrent comment le XIXe siècle avait fermé les

portes à la réalité fantastique de l’homme, du monde, de

l’univers ; comment le XXe les rouvre, mais que

nos morales, nos philosophies et notre sociologie, qui

devraient être contemporaines du futur, ne le sont

pas, demeurant attachées à ce XIXe périmé. Le pont

n’est pas jeté entre le temps des chassepots et celui

des fusées, mais on y pense. C’est pour qu’on y pense

encore plus que nous écrivons. Pressés, ce n’est

pas sur le passé que nous pleurons, c’est sur le présent,

et d’impatience. Voilà. Vous en savez assez pour

feuilleter vite ce début, si besoin est, et voir plus loin.

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