Henry
Malherbe (1886-1958), également connu sous le nom d'Henry
Croisilles, a été critique littéraire au quotidien Le Temps
entre 1910 et 1936.
En
1917, il reçoit le prix
Goncourt
pour son livre La
Flamme au poing.
Lucien
Descaves,
membre du jury, raconte dans ses souvenirs : « Je ris
encore de l'effarement de Léon
Daudet
qui, ne sachant pas que Malherbe était Israélite, avait voté pour
lui !
Il
est avec Henry
de Jouvenel l'un
des deux directeurs de La
Revue des vivants
avant de devenir le directeur de l’Opéra
-Comique
à Paris durant deux ans à partir de 1946.
Il
fut président de l’ Association
des écrivains combattants.
Il a donné son nom à une distinction littéraire délivrée par
cette association, le prix
Henry Malherbe,
créé en 1953
pour récompenser un essai.
Le
romancier a vécu la guerre, y a été blessé, et rapporte des faits
que ses collègues ont connus eux aussi : l’exécution des
« poltrons », les récriminations contre
les puissants « qui commandent cette société de désordre
et de haine ». Mais là où Barbusse faisait des poilus
des victimes d’une forme d’organisation sociale, Malherbe les
érige en héros de valeurs abstraites, dans un style au lyrisme
convenu : « Ces soldats habillés d’un bleu clair,
zébré de boue blonde, sont le ciel et le sol de France en action.
La terre mouvante et l’azur léger de la patrie ont fait surgir à
leur image ces défenseurs invincibles qui sont faits d’un morceau
de notre glèbe et d’un morceau de notre firmament ».
Cette
année-là le choix des jurés a particulièrement bien collé à
l’actualité de la nation.
‘’"Voici
cinquante-cinq jours que nous avons pris position dans ce bois
déchiqueté, pelé par le fer et la flamme. La violence de la
bataille ne s'épuise pas, mais se prolonge plus rapide et
désespérée.
Nos sensibilités, harcelées par l'horreur et la
détresse, mordues par l'enthousiasme et la haine, s'affolent,
captives, pantelantes ou rebelles. On a souvent parlé de nous
relever. Le colonel D... nous retient. Il sait notre rage de
détruire, notre impétuosité à nous défendre et nous venger... Et
notre chef d'escadron H... ne se lasse pas de distribuer l'espoir, ni
de chasser l'amertume envahissante.
Mais ceux qui restent ont des
visages hagards, brûlés et poignants. La fatigue les enfièvre et
les sèche. Esclaves irréductibles d'une cause tragique et dont ils
sentent obscurément l'urgence et la grandeur. L'étrange paysage
balafré, tuméfié.
Le vallon, où nous sommes, a je ne sais quoi
de recueilli, d'usé, d'artificiel et d'abstrait. Un champ de
bataille d'aujourd'hui. Il ressemble à' un laboratoire, peuplé de
savants farouches et insidieux, encombré d'alambics et de machines
fracassantes...
Des senteurs pharmaceutiques imprègnent les arbres
amputés, traînent sur le sol noirâtre et grêlé. Tout
l'après-midi, l'ennemi nous a envoyé des obus lacrymogènes qui
éclatent avec un bruit de ferblanterie heurtée, éploient leurs
écharpes de fumée méphitique et versent des odeurs insinuantes et
aiguës de moutarde, de santal et d'encens.’’
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire