Henri
Barbusse
(1873 - 1935) est
issu d’une famille de protestants cévenols, il
a néanmoins une filiation républicaine
et athée.
Le
recueil de poèmes de jeunesse qu'il publie à 19 ans, Pleureuses,
marque son premier succès littéraire, mais le succès critique
vient surtout avec le roman L'Enfer
publié en 1908.
En
août 1914, Henri Barbusse, croyant en l'idée d'une guerre juste,
est un engagé volontaire de la Première Guerre mondiale. Cependant,
attaché à la dignité de la condition humaine, il s'engage en 1919
pour la paix et fonde avec d'autres figures connues d'anciens
combattants comme Paul
Vaillant-Couturier
l'Association républicaine des anciens combattants.
Admirateur
de la Révolution
russe,
qu’il soutient contre le capitalisme « fauteur de guerre »,
il adhère au parti
communiste français
en 1923, puis part
vivre
en URSS, où il meurt en 1935.
Il
est enterré au cimetière
du Père-Lachaise,
à Paris, près du mur des Fédérés.
Ce
livre que Barbusse, engagé volontaire en 1914 (il avait alors 41 ans
et souffrait de problèmes pulmonaires), tira de son expérience
personnelle du front, a été longuement mûri et pensé en première
ligne pendant vingt-deux mois dans les tranchées de décembre 1914 à
1916 . Barbusse, tout au long de l'année 1915, tient un carnet de
guerre où il note des expériences vécues, les expressions des
poilus, et dresse des listes diverses et variées. Ce carnet servira
de base à la composition de son roman dont l'essentiel de l'écriture
l'occupera durant le premier semestre 1916 alors qu'il est
convalescent à l'hôpital de Chartres puis à celui de Plombières.
Le roman est découpé en vingt-quatre chapitres, qui paraissent
d'abord sous forme de feuilleton dans le quotidien l’ Oeuvre,
avant d'être publié par les Editions Flammarion en novembre de la
même année et d'obtenir, quelques jours plus tard, le prix
Goncourt.
LA
VISION
‘’La
Dent du Midi, l’Aiguille Verte et le Mont Blanc font face aux
figures exsangues émergeant des couvertures alignées sur la galerie
du sanatorium. Au premier étage de l’hôpital-palais,
cette terrasse à balcon de bois découpé, que garantit une véranda,
est isolée dans l’espace, et surplombe le monde.
Les
couvertures de laine fine — rouges, vertes, havane ou blanches —
d’où sortent des visages affinés aux yeux rayonnants, sont
tranquilles. Le silence règne sur les chaises longues. Quelqu’un a
toussé. Puis, on n’entend plus que de loin en loin le bruit des
pages d’un livre, tournées à intervalles réguliers, ou le
murmure d’une demande et d’une réponse discrète, de voisin à
voisin, ou parfois, sur la balustrade, le tumulte d’éventail d’une
corneille hardie échappée aux bandes qui font, dans l’immensité
transparente, des chapelets de perles noires.
Le
silence est la loi. Au reste, ceux qui, riches, indépendants, sont
venus ici de tous les points de la terre, frappés du même malheur,
ont perdu l’habitude de parler. Ils sont repliés sur eux-mêmes,
et pensent à leur vie et à leur mort.
Une
servante parait sur la galerie ; elle marche doucement et est
habillée de blanc.
Elle
apporte des journaux, les distribue.
—
C’est
chose faite, dit celui qui a déployé le premier son journal, la
guerre est déclarée.
Si
attendue qu’elle soit, la nouvelle cause une sorte d’éblouissement,
car les assistants en sentent les proportions démesurées.’’
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