IX
LE
MAUVAIS EN AVIGNON
Pour
bien vous dire le vrai, mon neveu, je préfère ces églises de
jadis, comme celle du Dorat où nous venons de passer, aux églises
qu’on nous fait depuis cent cinquante ou deux cents ans, qui sont
des prouesses de pierre, mais où l’ombre est si dense, les
ornements si profus et souvent si effrayants, que l’on s’y sent
le cœur serré d’angoisse, autant que si l’on était perdu dans
la nuit au milieu de la forêt.
Ce n’est pas bien vu, je le sais,
que d’avoir mon goût ; mais c’est le mien et je m’y tiens.
Peut-être me vient-il de ce que j’ai grandi dans notre vieux
château de Périgueux, planté sur un monument de l’antique Rome,
tout près de notre Saint-Front, tout près de notre Saint-Étienne,
et que j’aime à retrouver les formes qui me les rappellent, ces
beaux piliers simples et réguliers et ces hauts cintres bien
arrondis sous lesquels la lumière se répand aisément. Les anciens
moines s’entendaient à bâtir de ces sanctuaires dont la pierre
semble doucement dorée tant le soleil y pénètre à foison, et où
les chants, sous les hautes voûtes qui figurent le toit céleste,
s’enflent et s’envolent magnifiquement comme voix d’anges au
paradis.
Par grâce divine, les Anglais, s’ils ont pillé le Dorat,
n’ont point assez détruit ce chef-d’œuvre entre les
chefs-d’œuvre pour qu’on ait à le reconstruire. Sinon je gage
que nos architectes du nord se seraient plu à monter quelque lourd
vaisseau de leur façon, appuyé sur des pattes de pierre comme un
animal fantastique, et où lorsqu’on y pénètre on croirait tout
juste que la maison de Dieu est l’antichambre de l’enfer. Et ils
auraient remplacé l’ange de cuivre doré, au sommet de la flèche,
qui a donné son nom à la paroisse… eh oui, lou dorat… par un
diable fourchu et bien grimaçant… L’enfer…
Mon bienfaiteur,
Jean XXII, mon premier pape, n’y croyait pas, ou plutôt il
professait qu’il était vide. C’était aller un peu loin. Si les
gens n’avaient plus à redouter l’enfer, comment pourrait-on en
tirer aumônes et pénitences, pour rachat de leurs péchés ? Sans
l’enfer, l’Église pourrait fermer boutique. C’était lubie de
grand vieillard. Il nous fallut obtenir qu’il se rétractât sur
son lit de mort. J’étais là…
Oh ! mais le temps fraîchit
vraiment. On sent bien que dans deux jours nous entrons en décembre.
Un froid mouillé, le pire. Brunet ! Aymar Brunet, vois donc, mon
ami, s’il n’y a point dans le char aux vivres un pot de braises à
placer dans ma litière. Les fourrures n’y suffisent plus, et si
nous continuons de la sorte, c’est un cardinal tout grelottant qui
va sortir à Saint-Benoît-du-Sault.
Là aussi, m’a-t-on dit,
l’Anglais a fait ravage… Et s’il n’y a point de braises à
suffisance dans le chariot du queux, car il m’en faut plus que pour
tenir tiède un ragoût, qu’on aille en quérir au premier hameau
que nous traverserons…
Non, je n’ai point besoin de maître
Vigier. Laissez-le cheminer son train. Dès qu’on appelle mon
médecin à ma litière, toute l’escorte imagine que je suis à
l’agonie. Je me porte à merveille. J’ai besoin de braises, voilà
tout…
Alors vous voulez savoir, Archambaud, ce qui s’ensuivit du
traité de Mantes, dont je vous ai fait récit hier… Vous êtes bon
écouteur, mon neveu, et c’est plaisir que de vous instruire de ce
que l’on sait. Je vous soupçonne même de prendre quelques notes
d’écrit quand nous parvenons à l’étape ; n’est-ce pas vrai
?…
Bon, j’ai bien jugé. Ce sont les seigneurs du nord qui se
donnent de la grandeur à être plus ignorants que des ânes, comme
si lire et écrire étaient emploi de petit clerc, ou de pauvre. Il
leur faut un serviteur pour connaître le moindre billet qu’on leur
adresse. Nous, dans le midi du royaume, qui avons toujours été
frottés de romanité, nous ne méprisons pas l’instruction. Ce qui
nous donne l’avantage dans bien des affaires. Ainsi vous notez.
C’est bonne chose. Car, pour ma part, je ne pourrai guère laisser
témoignage de ce que j’ai vu et de ce que j’ai fait. Toutes mes
lettres et écritures sont ou seront versées aux registres de la
papauté pour n’en sortir jamais, comme il est de règle. Mais vous
serez là, Archambaud, qui pourrez, au moins sur les affaires de
France, dire ce que vous savez, et rendre justice à ma mémoire si
certains, comme je ne doute pas que le ferait le Capocci… Dieu
veuille seulement me garder sur terre un jour de plus que lui…
entreprenaient d’y attenter.
Donc, très vite après le traité de
Mantes où il s’était montré si inexplicablement généreux à
l’endroit de son gendre, le roi Jean accusa ses négociateurs,
Robert Le Coq, Robert de Lorris et même l’oncle de sa femme, le
cardinal de Boulogne, de s’être laissé acheter par Charles de
Navarre. Soit dit entre nous, je crois qu’il n’était pas hors de
la vérité. Robert Le Coq est un jeune évêque brûlé d’ambition,
qui excelle à l’intrigue, qui s’en délecte, et qui a très vite
aperçu l’intérêt qu’il pouvait avoir à se rapprocher du
Navarrais, au parti duquel d’ailleurs, depuis sa brouille avec le
roi, il s’est ouvertement rallié.
Robert de Lorris, le chambellan,
est certainement dévoué à son maître ; mais il est d’une
famille de banque où l’on ne résiste jamais à rafler quelques
poignées d’or au passage. Je l’ai connu, ce Lorris, quand il est
venu en Avignon, voici dix ans à peu près, négocier l’emprunt de
trois cent mille florins que le roi Philippe VI fit au pape d’alors.
Je me suis, pour ma part, contenté honnêtement de mille florins
pour l’avoir abouché avec les banquiers de Clément VI, les
Raimondi d’Avignon et les Mattei de Florence ; mais lui, il s’est
plus largement servi.
Quant à Boulogne, tout parent qu’il est au
roi… J’entends bien qu’il est constant que nous soyons, nous,
cardinaux, justement récompensés de nos interventions au profit des
princes. Nous ne pourrions autrement suffire à nos charges. Je n’ai
jamais fait secret, et même j’en tire honneur, d’avoir reçu
vingt-deux mille florins de ma sœur de Durazzo pour le soin que j’ai
pris, il y a vingt ans… déjà vingt ans !… de ses affaires
ducales qui étaient bien compromises. Et l’an dernier, pour la
dispense nécessaire au mariage de Louis de Sicile avec Constance
d’Avignon, j’ai été remercié par cinq mille florins. Mais
jamais je n’ai rien accepté que de ceux qui remettaient leur cause
à mon talent ou à mon influence. La déshonnêteté commence quand
on se fait payer par l’adversaire. Et je pense bien que Boulogne
n’a pas résisté à cette tentation. Depuis lors, l’amitié est
fort refroidie entre lui et Jean II.
Lorris, après un peu
d’éloignement, est rentré en grâce, comme il en va toujours avec
les Lorris. Il s’est jeté aux pieds du roi, le dernier Vendredi
saint, a juré de sa parfaite loyauté, et rejeté toutes duplicités
ou complaisances sur le dos de Le Coq, lequel est demeuré dans la
brouille et banni de la cour. C’est chose avantageuse que de
désavouer les négociateurs. On peut en prendre argument pour ne pas
exécuter le traité. Ce que le roi ne se priva point de faire. Quand
on lui représentait qu’il eût pu mieux contrôler ses députés,
et céder moins qu’il ne l’avait fait, il répondait, irrité : «
Traiter, débattre, argumenter ne sont point affaires de chevalier. »
Il a toujours affecté de tenir en mépris la négociation et la
diplomatique, ce qui lui permet de renier ses obligations. En fait,
il n’avait tant promis que parce qu’il escomptait bien ne rien
tenir. Mais, dans le même temps, il environnait son gendre de mille
courtoisies feintes, le voulant sans cesse auprès de lui à la cour,
et non seulement lui, mais son cadet, Philippe, et même le puîné,
Louis, qu’il insistait fort à faire revenir de Navarre. Il se
disait le protecteur des trois frères et engageait le Dauphin à
leur prodiguer amitié.
Le Mauvais ne se soumettait pas sans
arrogance à tant d’excessives prévenances, tant d’incroyable
sollicitude, allant jusqu’à dire au roi, en pleine table : «
Avouez que je vous ai rendu bon service en vous débarrassant de
Charles d’Espagne, qui voulait tout régenter au royaume. Vous ne
le dites point, mais je vous ai soulagé. » Vous imaginez combien le
roi Jean goûtait de telles gentillesses.
Et puis un jour de l’été
qu’il y avait fête au palais, et que Charles de Navarre s’y
rendait en compagnie de ses frères, il vit venir à lui, se hâtant,
le cardinal de Boulogne qui lui dit :
« Rebroussez chemin et rentrez
en votre hôtel, si vous tenez à la vie. Le roi a résolu de vous
faire occire tout à l’heure, les trois que vous êtes, pendant la
fête. »
La chose n’était point imaginaire, ni déduite de vagues
rumeurs. Le roi Jean en avait décidé ainsi, le matin même, dans
son Conseil étroit auquel Boulogne assistait…
« J’ai attendu
pour ce faire que les trois frères fussent assemblés, car je veux
qu’on les occise tous les trois afin qu’il ne reste plus rejetons
mâles de cette mauvaise race. »
Pour ma part, je ne blâme point
Boulogne d’avoir averti les Navarre, même si cela devait
accréditer qu’il leur était vendu. Car un prêtre de la sainte
Église… et qui plus est un membre de la curie pontificale, un
frère du pape dans le Seigneur… ne peut entendre de sang-froid
qu’on va perpétrer un triple meurtre, et accepter qu’il
s’accomplisse sans rien avoir tenté. C’était s’y laisser
associer, en quelque sorte, par le silence. Qu’avait donc le roi
Jean besoin de parler devant Boulogne ? Il n’avait qu’à aposter
ses sergents… Mais non, il s’est cru habile. Ah ! ce roi-là
quand il veut faire le finaud ! Il n’a jamais su voir trois coups
d’échecs en avant. Sans doute pensait-il que lorsque le pape lui
ferait remontrance d’avoir ensanglanté son palais, il aurait beau
jeu de répondre : « Mais votre cardinal était là, qui ne m’a
point désapprouvé. » Boulogne n’est pas perdreau de la dernière
couvée, qu’on amène à donner dans de si gros panneaux.
Charles
de Navarre, ainsi averti, se retira donc très hâtivement vers son
hôtel où il fit apprêter son escorte. Le roi Jean, ne voyant point
paraître les trois frères à sa fête, les envoya quérir, fort
impérativement. Mais son messager ne reçut pour réponse que le pet
des chevaux, car juste à ce moment les Navarre tournaient bride vers
la Normandie. Le roi Jean entra alors dans un vif courroux où il
cacha son dépit en faisant l’offensé.
« Voyez ce mauvais fils,
ce félon qui se refuse à l’amitié de son roi et qui de lui-même
s’exile de ma cour ! Il doit avoir à celer de bien méchants
desseins. »
Et de cela il prit prétexte pour proclamer qu’il
suspendait l’effet du traité de Mantes, qu’il n’avait jamais
commencé d’exécuter. Ce qu’apprenant, Charles renvoya son frère
Louis en Navarre et dépêcha son frère Philippe en Cotentin afin
d’y lever des troupes, lui-même ne restant guère à Évreux. Car
dans le même temps notre Saint-Père, le pape Innocent, avait décidé
d’une conférence en Avignon… la troisième, la quatrième, ou
plutôt la même toujours recommencée… entre les envoyés des rois
de France et d’Angleterre pour négocier, non plus d’une trêve
reconduite, mais d’une paix vraie et définitive. Innocent voulait
cette fois, disait-il, mener à succès l’œuvre de son
prédécesseur et il se flattait de réussir là où Clément VI
avait échoué. La présomption, Archambaud, se loge même au cœur
des pontifes…
Le cardinal de Boulogne avait présidé les
négociations antérieures ; Innocent le reconduisit en cet office.
Boulogne avait toujours été suspect, comme je l’étais également,
au roi Édouard d’Angleterre qui l’estimait trop proche des
intérêts de la France. Or, depuis le traité de Mantes et la fuite
de Charles le Mauvais, il était suspect aussi au roi Jean. À cause
de cela peut-être, Boulogne mena la rencontre mieux qu’on ne
l’attendait ; il n’avait personne à ménager. Il s’entendit
assez bien avec les évêques de Londres et de Norwich et surtout
avec le duc de Lancastre, qui est un bon homme de guerre et un
seigneur véritable. Et moi-même, en retrait, je mis la main à
l’œuvre. Le petit Navarrais dut avoir vent…
Ah ! voici la braise
! Brunet, glisse le pot sous mes robes. Il est bien clos au moins,
que je ne m’aille pas brûler ! Oui, cela va bien…
Donc Charles
de Navarre dut avoir vent que l’on progressait vers la paix, ce qui
certes n’eût pas arrangé ses affaires, car un beau jour de
novembre… il y a tout juste deux ans… le voilà qui surgit en
Avignon, où nul ne l’attendait. C’est en cette occasion que je
le vis pour la première fois. Vingt-quatre ans, mais n’en
paraissant pas plus de dix-huit à cause de sa petite taille, car il
est bref, vraiment très bref, le plus petit des rois d’Europe ;
mais si bien pris dans sa personne, si droit, si leste, si vif que
l’on ne songe pas à s’aviser de ce défaut. Avec cela un
charmant visage que ne dépare point un nez un peu fort, de beaux
yeux de renard, aux coins déjà plissés en étoile par la malice.
Son dehors est si affable, ses façons si polies et légères à la
fois, sa parole si aisée, coulante et imprévue, il est si prompt au
compliment, il passe si prestement de la gravité à la badinerie et
de l’amusaille au grand sérieux, enfin il paraît si disposé à
montrer de l’amitié aux gens que l’on comprend que les femmes
lui résistent si peu, et que les hommes se laissent si bien
embobeliner par lui. Non, vraiment, je n’ai jamais ouï plus
vaillant parleur que ce petit roi-là ! On oublie, à l’entendre,
la mauvaiseté qui se cache sous tant de bonne grâce, et qu’il est
déjà bien endurci dans le stratagème, le mensonge et le crime. Il
a un primesaut qui le fait pardonner de ses noirceurs secrètes.
Son
affaire, quand il parut en Avignon, n’était pas des meilleures. Il
était en insoumission au regard du roi de France qui s’employait à
saisir ses châteaux, et il avait fort blessé le roi d’Angleterre
en signant le traité de Mantes sans même l’en avertir.
« Voilà
un homme qui m’appelle à son aide, et me propose bonne entrée en
Normandie. Je fais mouvoir pour lui mes troupes de Bretagne ; j’en
apprête d’autres à débarquer ; et quand il s’est rendu assez
fort, par mon appui, pour intimider son adversaire, il traite avec
lui sans m’en prévenir… À présent, qu’il s’adresse à qui
bon lui plaira ; qu’il s’adresse au pape… »
Eh bien, c’était
justement au pape que Charles de Navarre venait s’adresser. Et
après une semaine, il avait retourné tout le monde en sa faveur. En
présence du Saint-Père, et devant plusieurs cardinaux dont j’étais,
il jure qu’il ne veut rien tant qu’être réconcilié avec le roi
de France, y mettant tout le cœur qu’il faut pour que chacun le
croie. Auprès des délégués de Jean II, le chancelier Pierre de La
Forêt et le duc de Bourbon, il va même plus loin, leur laissant
entendre que, pour prix de la bonne amitié qu’il veut restaurer,
il pourrait aller lever des troupes en Navarre afin d’attaquer les
Anglais en Bretagne ou sur leurs propres côtes.
Mais dans les jours
suivants, ayant fait mine de sortir de la ville avec son escorte, il
y revient de nuit, plusieurs fois et à la dérobée, pour conférer
avec le duc de Lancastre et les émissaires anglais. Il abritait ses
secrètes rencontres tantôt chez Pierre Bertrand, le cardinal
d’Arras, tantôt chez Guy de Boulogne lui-même. J’en ai
d’ailleurs fait reproche plus tard à Boulogne, qui tirait un peu
trop sa paille aux deux mangeoires.
« Je voulais savoir ce qu’ils
manigançaient, m’a-t-il répondu. En prêtant ma maison, je
pouvais les faire écouter par mes espies. »
Ses espies devaient
être fort sourds, car il n’a rien su du tout, ou feint de ne rien
savoir. S’il n’était pas dans la connivence, alors c’est que
le roi de Navarre lui a tiré le mouchoir de dessous le nez. Moi,
j’ai su. Et vous plaît-il de connaître, mon neveu, comment
Navarre s’y prit pour se gagner Lancastre ? Eh bien ! il lui
proposa tout fièrement de reconnaître le roi Édouard d’Angleterre
pour roi de France. Rien moins que cela. Ils allèrent même si avant
en besogne qu’ils projetèrent un traité de bonne alliance.
Premier point : Navarre, donc, eût reconnu en Édouard le roi de
France. Second point : ils convenaient de conduire ensemble la guerre
contre le roi Jean. Troisième point : Édouard reconnaissait à
Charles de Navarre le duché de Normandie, la Champagne, la Brie,
Chartres, et aussi la lieutenance du Languedoc, en plus, bien sûr,
de son royaume de Navarre et du comté d’Évreux. Autant dire
qu’ils se partageaient la France. Je vous passe le reste.
Comment
ai-je eu connaissance de ce projet ? Ah ! je puis vous dire qu’il
fut noté de la propre main de l’évêque de Londres qui
accompagnait messire de Lancastre. Mais ne me demandez point qui m’en
a instruit un peu plus tard. Souvenez-vous que je suis chanoine de la
cathédrale d’York et que, si mal en cour que je sois outre-manche,
j’y ai conservé quelques intelligences. Point n’est besoin de
vous assurer que si l’on avait eu d’abord quelques chances de
progresser vers une paix entre la France et l’Angleterre, elles
furent toutes minées par le passage du sémillant petit roi. Comment
les ambassadeurs auraient-ils voulu plus avant s’accorder quand
chacune des deux parties se croyait encouragée à la guerre par les
promesses de Monseigneur de Navarre ? À Bourbon, il disait : « Je
parle à Lancastre, mais je lui mens pour vous servir. » Puis il
venait chuchoter à Lancastre : « Certes, j’ai vu Bourbon, pour le
tromper. Je suis votre homme. » Et l’admirable, c’est que les
deux le croyaient. Si bien que lorsque vraiment il s’éloigna
d’Avignon pour gagner les Pyrénées, des deux côtés on était
convaincu, tout en prenant bien soin de n’en rien dire, de voir
partir un ami.
La conférence entra dans l’aigreur ; on ne se
concédait plus rien. Et la ville entra dans la torpeur. Pendant
trois semaines on n’avait rien fait que de s’occuper de Charles
le Mauvais. Le pape lui-même surprit en redevenant morose et
geignard ; le méchant charmeur un moment l’avait distrait…
Ah !
me voilà réchauffé. À vous, mon neveu ; tirez le pot de braise
devers vous, et vous dégourdissez un peu.
Demain
‘’Quand un roi perd la France’’ 1ère partie – ch 10 - ‘’La
mauvaise année’’