C’était sur la route entre Paris et Mers les Bains. J’écoutais
distraitement la radio. Brusquement une boule d’émotion m’est
montée à la gorge. Pierre Destailles chantait ‘’Tout ça parce
qu’au bois d' Chaville y avait du muguet…’’ Trente secondes
plus tard, tout en me traitant de vieux con, j’étais en larmes.
Depuis combien de temps n’avais-je plus entendu cette chanson ? Des
dizaines d’années peut-être ! Et je me suis tout à coup revu
dans le petit salon de la grande maison du Mans avec mon grand-père,
Joseph, mon bon papa, assis derrière son bureau. Le poste de radio
en bois avec son gros œil vert diffusait cette chanson. Il a arrêté
de rouler sa cigarette et a laissé retomber sa main qui tenait le
papier Job sur sa blague à tabac en caoutchouc. Les yeux dans le
vague, il l’a écoutée. Puis il m’a dit doucement : ’’
Qu’elle est jolie cette chanson mon petit Renaud !’’ Moi,
allongé par terre lisant un ''illustré'' j’ai dû lui sourire
sans trop comprendre mais heureux de partager ce petit moment
d’intimité avec lui.
Puis
je me suis souvenu de la même émotion ressentie la dernière fois
que j’ai entendu Bourvil chanter ‘’La ballade irlandaise’’.
C’était la chanson de mon grand-père, Charles, mon papy. Il ne
roulait pas ses cigarettes , il fumait des ‘’maïs’’ qui lui
faisaient des trous sur ses cravates... Mais ils portaient sur moi le
même regard de tendresse. Mon Dieu que je les ai aimés.
Le
poids de l’enfance est lourd et délicieusement douloureux.
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