lundi 12 mars 2018

Incipit 51 - Alexandre Dumas - Les 3 mousquetaires


Le premier lundi du mois d’avril 1625, le bourg de Meung,

où naquit l’auteur du Roman de la Rose, semblait être

dans une révolution aussi entière que si les huguenots en

fussent venus faire une seconde La Rochelle. Plusieurs

bourgeois, voyant s’enfuir les femmes du côté de la

Grande-Rue, entendant les enfants crier sur le seuil des

portes, se hâtaient d’endosser la cuirasse et, appuyant

leur contenance quelque peu incertaine d’un mousquet

ou d’une pertuisane, se dirigeaient vers l’hôtellerie du

Franc Meunier, devant laquelle s’empressait, en

grossissant de minute en minute, un groupe

compact,bruyant et plein de curiosité.

En ce temps-là les paniques étaient fréquentes, et peu de

jours se passaient sans qu’une ville ou l’autre enregistrât

sur ses archives quelque événement de ce genre. Il yavait

les seigneurs qui guerroyaient entre eux ; il y avait le roi

qui faisait la guerre au cardinal ; il y avait l’Espagnol

qui faisait la guerre au roi. Puis, outre ces guerresourdes

ou publiques, secrètes ou patentes, il y avait encore les

voleurs, les mendiants, les huguenots, les loups et les

laquais, qui faisaient la guerre à tout le monde. Les

bourgeois s’armaient toujours contre les voleurs, contre

les loups, contre les laquais – souvent contre les

seigneurs et les huguenots – quelquefois contre le roi

maisjamais contre le cardinal et l’Espagnol. Il résulta

donc de cette habitude prise, que, ce susdit premier

lundi du mois d’avril 1625, les bourgeois, entendant du

bruit, et ne voyant ni le guidon jaune et rouge, ni la livrée

du duc de Richelieu, se précipitèrent du côté de l’hôtel

du Franc Meunier. Arrivé là, chacun put voir et

reconnaître la cause de cette rumeur.

Un jeune homme...

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