Je sors de l'avion. En haut de l'échelle je suis
agressé par la chaleur, elle me tombe sur la nuque, le cou, le dos! Comme le
vent qui fait diminuer sur la peau la température de 4 à 5°, l'humidité doit
augmenter d'autant la sensation de chaleur. La fraîcheur climatisée de l'avion
nous reliait encore à Paris. Là c'est fini. On sent que l'équateur est à moins
de 100 kilomètres au sud. Mon pantalon ''demi-saison'', mon pull, mon blouson
me collent à la peau. La carnation de blond de mon normand de collègue vire
vite au rouge; je pense qu'il devra faire attention au soleil. On retrouve une
relative fraîcheur dans l'aérogare! Les formalités bagages et douane passées,
on se retrouve dans le hall. Dans la foule assez importante (j'apprendrai que
l'arrivée de l'avion de Paris est toujours un petit événement dans la
communauté française) des personnes des pancartes sur la poitrine avec des noms
de personnes, de sociétés, d'hôtels. Je remarque la pancarte ''Score''. On
s'approche. Il se présente Bernard L. directeur du magasin. 45 ans, grand
mince, petite moustache, pantalon gris, chemise blanche à manches longues,
poignet ''mousquetaire'' boutons de manchette cravate bleue. On se décline à
notre tour!! ''Bon voyage? Pas trop fatigué? Ca change du climat de Paris
hein?'' Là, moi j'aurais dit ''Non?''. C'est un détail mais j'ai toujours été
très ''à cheval'' sur ces détails!! comme disait ma grand mère en parlant des
principes moraux ou ménagers.
''Venez, ma voiture est au parking''. C'est une
grosse Peugeot. Normal ! La société qui vient de nous engager représente la
''Pigeot'' en Afrique. C'était avant l'arrivée des japonaises; cela pour situer
l'importance du marché.
Durant le trajet jusqu'à Libreville: '' La Scoa a
racheté toute la chaine des Prisunic de l'ex AOF et AEF (Afrique occidentale et
équatoriale française) et va la transformer en super et hypermarchés sous le nom de ''Score''.
''Vous avez une idée de ce que peut être le travail dans ce type de magasin?''.
''Non?''. Vous vous y mettrez dès demain matin! C'est pas sorcier mais y a des
trucs à savoir.'' '' Vous avez déjà vécu en Afrique? Vous Renaud oui? Quand ça?
58/59?? Hou la la!! Ca a bien changé!! Oubliez tout!! Ils sont
in-dé-pen-dants!!''
''Maintenant je vais vous amener chez vous. Vous
êtes logés dans un petit immeuble à côté du magasin. Tout le personnel expatrié
y habite. Sauf moi j'ai une villa, une concession. Vous verrez c'est sympa.''
En mon for intérieur je dodeline de la tête!!
''Je suis désolé de ne pas vous avoir à la maison
ce soir. Mais ce sera pour très bientôt! Ce soir vous dinez chez les S... Jean
Pierre et Marie Janick. Lui s'occupe du rayon ''vivres frais''. Il y aura aussi
les B... Pierre et France. Lui c'est le rayon ''alimentation''. Jacques le
boucher sera là aussi. Sa femme doit arriver bientôt! Je pense Renaud que vous
vous occuperez du rayon ''Bazar'' et vous Daniel du ''textile''. Je sens, sur
le siège arrière, Daniel dodeliner un max. En son for intérieur!!
Arrivés à notre immeuble on monte, façon de parler
on est au rez de chaussée, les valises dans nos appartements! Bernard L. va
nous présenter aux S...Ils habitent au premier . Les B... aussi. On doit monter
dans les étages comme dans une hiérarchie. A l'ancienneté!! Marie Janick S...
nous ouvre. Elle est belle grande, blonde, on devine qu'elle doit être mince,
mais là elle est enceinte de 7 mois au moins. Son mari a la carrure d'un
rugbyman, une démarche lente d'un ours, mais à mon avis il ne doit pas faire
bon être sur son chemin quand il accélère; très noir de poil cheveu et barbe,
un léger accent du sud-ouest et un œil qui rigole. Tous les deux entre 25 et 30
ans. Les présentations faites notre directeur s'en retourne vers sa concession.
Marie Janick :'' Si vous avez besoin de quoique ce soit n'hésitez pas à me le
demander. Allez vous mettre à l'aise, on se retrouve dans une heure.'' Daniel
et moi on s'en retourne chez nous.
Mon chez moi c'est un deux pièces. Quand on a dit
ça on a tout dit. Une chambre, un salon avec une baie vitrée donnant sur un
petit balcon, une petite cuisine et une petite salle de bains. Le tout meublé à
minima. Un lit, une paire de drap, une armoire dans la chambre. Dans le salon
un canapé, une table basse, deux fauteuils, le siège et le dossier en fil
plastique rouge du genre à laisser sur les cuisses et le dos des marques
indélébiles pendant 12 heures au moins, une table et 4 chaises. Dans le buffet
tout en 4 exemplaires : verre, assiette, couteau, fourchette. Dans la cuisine
un évier, une plaque électrique, un frigo rempli de l'essentiel: une bouteille
d'eau. Dans la salle de bains une serviette de toilette. Je me dis que je dois
penser à acheter du PQ demain. Je retourne dans la chambre pour mettre mes
petites affaires dans le placard. ''Faudra aussi penser à acheter des cintres
me dis je in petto'' Mais je suis content, je n'en ai jamais eu autant pour moi
tout seul!!
Une heure après, douché, parfumé (Green water de
J. Fath acheté au duty free d'Orly) Je sonne chez les S... Je suis le dernier.
Les B... sont là. Pierre, beau garçon au physique avantageux, moustache et
petite barbe à la mousquetaire, très sur de lui, très homme a femme! On en reparlera
dans 5/6 ans... France sa femme, une franco américaine, un physique à la
Shirley mc Laine, drôle, agréable. Et Jacques le boucher. Un physique de...
boucher! J'aime pas dire ça, mais rien d'autre ne m'est venu à l'esprit, mais
marrant, bon vivant! Il aurait dû en profiter un peu plus!!!
Après avoir donné des réponses sans intérêt à des
questions qui n'en avait pas plus, la discussion s'est vite recentrée sur des
problèmes de boulot et sur les faits et gestes de telle ou tel, grands
classiques d'une micro société vivant en vase clos! Daniel et moi sommes exclus
de ces discussions! La tête me tourne, je suis fatigué! Je me lève, m'excuse.
Bonsoir, bonsoir! Oui demain 8 heures au magasin. Bisous France, Bisou M.J.
Merci beaucoup! Je sors. Arrivé chez moi je reste planté 10 secondes au milieu
du salon. Pas sur d'avoir donné une très bonne image de moi ce soir. Je sens
une drôle d'odeur sur moi. J'approche ma main de mon nez. Oui en effet! Ma
chemise. Pas de doute. Une légère odeur de poisson pas trop frais. Green water
n'a pas supporté le voyage ni ma transpiration sub-tropicale. Il a tourné. Et
merde! Je verrais ça demain. Je tombe sur mon lit et m'endors aussitôt.
Le lendemain matin 7 heures. Réveil. Je vais dans
le salon, ouvre la baie vitrée, remonte les volets. Plein soleil. Je fais un
pas sur le balcon. Devant moi un jardin avec 2 frangipaniers, plus loin la
route, plus loin les palmiers, la plage, la mer.
Bien écrit. Sympa a lire et surtout de découvrir les premières impressions d’un nouveau ”Librevillois” de l’époque.
RépondreSupprimermerci de votre commentaire. Vous avez été librevillois vous même?
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