samedi 10 février 2018

incipit 45 - Roger Peyrefitte - Les amitiés particulières


C’était sa première cérémonie des adieux. Maintenant,

Georges n’était plus très sûr d’en finir avec honneur. Le

cœur serré, il s’appuyait à la portière de l’automobile qui

allait emmener ses parents. Il sentit venir les larmes. —

Voyons, lui dit son père, on est un homme, à quatorze ans.

L’écolier Bonaparte n’avait même pas ton âge, lorsqu’un

professeur de Brienne lui demandant qui donc il se

croyait il répondit : « Un homme ! » Il lui importait bien

que l’écolier Bonaparte se prît pour un homme ! Quand il

vit disparaître la voiture au tournant de la route, il lui

sembla qu’il était abandonné, tout seul sur la terre. Mais,

à ce moment, il entendit les cris de ses nouveaux

camarades, et sa détresse s’apaisa comme par magie. À

ces garçons fringants, voulait-il faire l’effet d’une poule

mouillée ? Il se souciait peu d’être un homme, mais

beaucoup d’être un garçon. Avec la religieuse qu’on lui

avait donnée pour chaperon, il rentra dans le collège.

L’animation qui régnait de tous côtés achevait de le

distraire. Au premier étage, il revit les photographies de

groupes d’élèves qui décoraient les murs du couloir. Mais

quelle idée avait la bonne sœur de le conduire à

l’infirmerie ! Eh ! elle le conduisait chez elle. Sur la porte

qu’elle ouvrit, il relut l’écriteau qui avait amusé ses

parents : « La sœur infirmière est : Ici. Absente.

Occupée. À la chapelle. À la lingerie. À la cuisine. » La

fiche indicatrice marquait : Absente. — Remettez-vous

de ces premières émotions, dit la religieuse, et attendez-

moi dans cette salle. Je vais ranger moi-même votre

trousseau. Voyez, le mot que je signale est donc :

Lingerie.

1 commentaire:

  1. il existe un film adapté de ce roman que je connais de réputation... En tous cas tu me donnes le sujet de mon prochain article R. Peyrefitte, merci cher baron !

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