Le
roi de fer
Chapitre
1
La
reine sans amour
Un
tronc entier, couché sur un lit de braises incandescentes, flambait
dans la cheminée. Les vitraux verdâtres, cloisonnés de plomb,
filtraient un jour de mars avare en lumière.
Assise
dans un haut siège de chêne au dossier surmonté des trois lions
d’Angleterre, la reine Isabelle, le menton sur la paume,
contemplait vaguement les lueurs du foyer.
Elle
avait vingt-deux ans. Ses cheveux d’or, tordus en longues tresses
relevées, formaient comme deux anses d’amphore.
Elle
écoutait une de ses dames françaises lui lire un poème du duc
Guillaume d’Aquitaine.
‘’D’amour
ne dois plus dire bien
Car
je n’en ai ni peu ni rien,
Car
plus n’en ai qui me convient…’’
La
voix chantante de la dame de parage se perdait dans cette salle trop
grande pour que des femmes y puissent vivre heureuses.
''Il
m’a toujours été ainsi.
De
ce que j’aime n’ai pas joui,
Ne
le ferai ni ne le fis…''
La
reine sans amour soupira.
— Que
voilà donc touchantes paroles, dit-elle, et qu’on croirait tout
juste faites pour moi. Ah ! Le temps n’est plus où les grands
seigneurs comme ce duc Guillaume étaient aussi exercés à la poésie
qu’à la guerre. Quand m’avez-vous dit qu’il vivait ? Deux
cents années ? On jugerait de ce lai qu’il est écrit
d’hier. Et pour elle-même elle répéta :
Car
je n’en ai ni peu ni rien…''
Elle
demeura un moment songeuse.
— Poursuivrai-je,
Madame ? demanda la lectrice, le doigt posé sur la page
enluminée.
— Non,
ma mie, répondit la reine. Je me suis assez fait pleurer l’âme
pour aujourd’hui. Elle se redressa et, changeant de ton :
— Mon
cousin Monseigneur d’Artois m’a fait annoncer sa venue. Veillez à
ce qu’on le conduise ici aussitôt qu’il se présentera.
— Il
arrive de France ? Alors vous allez être contente, Madame.
— Je
souhaite l’être… si les nouvelles qu’il me porte sont bonnes.
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