vendredi 19 mai 2017

Exercices de style - Raymond Queneau - 1






Exercices de style est l'un des ouvrages les plus célèbres de l'écrivain français Raymond Queneau. Paru en 1947, ce livre singulier raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes.


Exercices de style est un brillant exemple d'une contrainte littéraire (écrire 99 fois la même histoire) en tant que moteur créatif et constitue à ce titre un texte précurseur du mouvement Oulipo dont Raymond Queneau sera l'un des fondateurs. Deuxième contrainte, chaque version de l'histoire doit illustrer un genre stylistique bien particulier.


L'histoire elle-même tient en quelques mots. Le narrateur rencontre dans un bus un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau mou orné d'une tresse tenant lieu de ruban. Ce quidam échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une autre place. Un peu plus tard, le narrateur revoit le même jeune homme cour de Rome devant la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un ami qui lui conseille d'ajuster (ou d'ajouter) un bouton de son pardessus.

De temps en temps je vous proposerai quelques variations.

Aujourd'hui je vous en propose deux :

I
Notations 


Dans l'S, à une heure d'affluence. Un type dans les vingt-six ans, chapeau mou avec cordon remplaçant le ruban, cou trop long comme si on lui avait tiré dessus. Les gens descendent. Le type en question s'irrite contre un voisin. Il lui reproche de le bousculer chaque fois qu'il passe quelqu'un. Ton pleurnichard qui se veut méchant. Comme il voit une place libre, se précipite dessus. Deux heures plus tard, je le rencontre cour de Rome, devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un camarade qui lui dit : « Tu devrais faire mettre un bouton supplémentaire à ton pardessus. » il lui montre où (à l'échancrure) et pourquoi.

II
En partie double

Vers le milieu de la journée et à midi, je me trouvai et montai sur la plate-forme et la terrasse arrière d'un autobus et d'un véhicule des transports en commun bondé et quasiment complet de la ligne S et qui va de la Contrescarpe à Champerret. Je vis et remarquai un jeune homme et un vieil adolescent assez ridicule et pas mal grotesque : cou maigre et tuyau décharné, ficelle et cordelière autour du chapeau et

couvre-chef. Après une bousculade et confusion, il dit et profère d'une voix et d'un ton larmoyants et pleurnichards que son voisin et covoyageur fait exprès et s'efforce de le pousser et de l'importuner chaque fois qu'on descend et sort. Ceci déclaré et après avoir ouvert la bouche, il se précipite et se dirige vers une place et un siège vides et

libres. Deux heures après et cent vingt minutes plus tard, je le rencontre et le revois cour de Rome et devant la gare Saint-Lazare. Il est et se trouve avec un ami et copain qui lui conseille de et l'incite à faire ajouter et coudre un bouton et un rond de corozo à son pardessus et manteau.

1 commentaire:

  1. J' ai vécu ce genre de rencontres le même jour: c'était drôle et troublant à la fois et j'avais pensé à Queneau .

    RépondreSupprimer