Exercices de style est l'un des ouvrages les plus célèbres de l'écrivain
français Raymond Queneau. Paru en 1947, ce livre singulier raconte 99 fois la
même histoire, de 99 façons différentes.
Exercices de style est un brillant exemple d'une contrainte littéraire
(écrire 99 fois la même histoire) en tant que moteur créatif et constitue à ce
titre un texte précurseur du mouvement Oulipo dont Raymond Queneau sera l'un
des fondateurs. Deuxième contrainte, chaque version de l'histoire doit
illustrer un genre stylistique bien particulier.
L'histoire elle-même tient en
quelques mots. Le narrateur rencontre dans un bus un jeune homme au long cou,
coiffé d'un chapeau mou orné d'une tresse tenant lieu de ruban. Ce quidam
échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à
une autre place. Un peu plus tard, le narrateur revoit le même jeune homme cour
de Rome devant la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un ami qui lui
conseille d'ajuster (ou d'ajouter) un bouton de son pardessus.
De temps en temps je vous proposerai quelques variations.
Aujourd'hui je vous en propose deux :
I
Notations
Dans l'S,
à une heure d'affluence. Un type dans les vingt-six ans, chapeau mou avec
cordon remplaçant le ruban, cou trop long comme si on lui avait tiré dessus.
Les gens descendent. Le type en question s'irrite contre un voisin. Il lui
reproche de le bousculer chaque fois qu'il passe quelqu'un. Ton pleurnichard
qui se veut méchant. Comme il voit une place libre, se précipite dessus. Deux
heures plus tard, je le rencontre cour de Rome, devant la gare Saint-Lazare. Il
est avec un camarade qui lui dit : « Tu devrais faire mettre un bouton
supplémentaire à ton pardessus. » il lui montre où (à l'échancrure) et pourquoi.
II
En partie double
Vers le milieu de la journée et
à midi, je me trouvai et montai sur la plate-forme et la terrasse arrière d'un
autobus et d'un véhicule des transports en commun bondé et quasiment complet de
la ligne S et qui va de la Contrescarpe à Champerret. Je vis et remarquai un
jeune homme et un vieil adolescent assez ridicule et pas mal grotesque : cou maigre
et tuyau décharné, ficelle et cordelière autour du chapeau et
couvre-chef. Après une
bousculade et confusion, il dit et profère d'une voix et d'un ton larmoyants et
pleurnichards que son voisin et covoyageur fait exprès et s'efforce de le
pousser et de l'importuner chaque fois qu'on descend et sort. Ceci déclaré et
après avoir ouvert la bouche, il se précipite et se dirige vers une place et un
siège vides et
libres. Deux heures après et
cent vingt minutes plus tard, je le rencontre et le revois cour de Rome et
devant la gare Saint-Lazare. Il est et se trouve avec un ami et copain qui lui
conseille de et l'incite à faire ajouter et coudre un bouton et un rond de
corozo à son pardessus et manteau.
J' ai vécu ce genre de rencontres le même jour: c'était drôle et troublant à la fois et j'avais pensé à Queneau .
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