Certains,
beaucoup, considèrent Franco Corelli comme le plus grand ténor de
la deuxième partie du XXème siècle.
Interrogé
un jour sur le si bémol de la fin de l’aria « Celeste Aida »,
Nikolaus Harnoncourt déclara que la nuance
‘’diminuando morendo’’ (diminué en
mourant) indiquée par Verdi relevait d’un sadisme de compositeur
et que les chefs d’orchestre devaient admettre que cette nuance
était, en pratique, impossible à exécuter pour la majorité des
ténors. Franco Corelli n’appartenait pas à cette
majorité. Son morendo est non seulement parfait
techniquement, mais il est expressif : il justifie la demande de
Verdi.
Dieu
sait pourtant si l’on moqua, en son temps, les effets vocaux de
Corelli. Les « smorzandi » ( synonyme de
diminuando) qu’il avait tendance à faire valoir sur l’aigu, ne
se comparaient qu’à sa propension à tenir pendant treize secondes
des notes qui pouvaient aussi bien n’en durer que trois. Et cela
sans même parler des fameux « sanglots » qu’il saupoudrait un
peu partout comme pour ajouter au pathos des situations. Tout cela
est parfaitement illustré dans ‘’E lucevan le stelle’’ de
Tosca.
Les
critiques, de moins en moins nombreux avec le temps, faisaient la
fine bouche devant ces excès vocaux. Mais Franco Corelli
enthousiasmait les foules. Dans ‘’E lucevan le stelle’’ je
vous fais grâce des 4 minutes d’applaudissements qui suivent,,,
Longtemps,
ces prouesses techniques mêlées d’accommodements avec le solfège
tempérèrent l’exemplarité de Corelli. Peut-être
ces limites imposées à son rayonnement furent-elles aussi, pour les
doctes observateurs, l’expression d’une pudeur. Pudeur face à
l’évidence presque gênante, presque indécente, presque obscène
: quand Corelli parut, il devint aussitôt indispensable.
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