On
connaît bien les injures du capitaine Haddock, et « anacoluthe »
est l’une de ses favorites. Et pour cause.
Cette figure de style
qui peut faire preuve de poésie et d’humour se montre quelquefois
sous son plus mauvais jour, en s’offrant comme une vulgaire faute
de construction syntaxique. Par son côté obscur, l’anacoluthe est
parente du barbarisme, du solécisme et du pléonasme pour n’en
citer que quelques-uns. Je convie à la rencontre de
ces figures décomposées du langage. « Anacoluthes, iconoclastes,
ornithorynques… »
Dans la bouche du capitaine, ça ne ressemble
certes pas à un compliment. Alors que signifie une anacoluthe ?
C’est une rupture dans la construction syntaxique. ''Vingt ans après
sa création, le saxophoniste a remonté son groupe de jazz.''
Phrase
on ne peut plus claire, personne ne se méprendrait sur son sens. Et
pourtant la phrase est fautive. Le sujet de la proposition principale
« le saxophoniste » doit être aussi celui qui est sous- entendu
dans la première partie. Or, « vingt ans après sa création » se
rapporte au groupe. Si tout le monde comprend parfaitement, pourquoi
changer la phrase ?
Cela relève du style, si votre texte exige un
style châtié, vous vous ferez un devoir de le corriger ; si vous
êtes dans un registre moins classique, plus souple, rien de vous
empêche de tolérer certaines anacoluthes.
Une des solutions pour
les puristes serait de proposer : ''Vingt ans après la création de
son groupe de jazz, le saxophoniste a décidé de le remonter.''
Dans
cette nouvelle version, l’ambiguïté a disparu.
''D’abord mobilisé
en 1918, son service militaire se poursuit à Saint-Nicolas-de-Port.''
Dans cette phrase, on comprend que le service militaire est mobilisé
en 1918. Nous nous ferons un devoir de la modifier.
''D’abord
mobilisé en 1918, il accomplit son service militaire à
Saint-Nicolas-de-Port.''
Pour corriger une anacoluthe, nous pouvons
soit exprimer dans la proposition principale le sujet sous-entendu
dans la première proposition.
Nouvelle anacoluthe :
''Guerrier
confirmé, aventurier mais fidèle, elle le savait craint pour sa
bravoure.''
Soit insérer un sujet dans la première proposition.
''Alors
qu’il était un guerrier confirmé, aventurier mais fidèle, elle
le savait craint pour sa bravoure. La reine quitta son grand écuyer,
qui resta perdu dans ses pensées. De retour dans ses appartements,
une camériste se précipita vers elle, prévenante.''
Deux problèmes
se posent dans cette phrase. L’accord du participe nous laisse
entendre que c’est bien l’écuyer qui reste « perdu dans ses
pensées », mais, en cas de faute d’accord, aucune indication ne
peut nous mettre sur la bonne voie.
Dans la seconde phrase, selon
l’analyse grammaticale, c’est la camériste qui est de retour
dans ses appartements.
''La reine quitta son grand écuyer, lequel
resta perdu dans ses pensées. Dès le retour de la reine dans ses
appartements, une camériste se précipita vers elle, prévenante.''
Mais on n’échappe pas à la répétition de la reine. Ou
''Une
camériste prévenante se précipita vers la reine quand cette
dernière retourna dans ses appartements.''
Ce qui alourdit bien notre
phrase, il faut en convenir. C’est la raison pour laquelle on
jugera de la « gravité » de l’anacoluthe avant d’intervenir.
L’exemple du saxophoniste, tout en étant fautif, aurait pu être
laissé en l’état. On rencontre de très belles anacoluthes –
n’oublions pas que c’est d’abord une figure de style – dans
la littérature que l’on se gardera bien de changer :
« Et pleurés
du vieillard, il grava sur leur marbre » La Fontaine.
C’est une
fable sur trois jeunes gens qui provoquent un vieil homme sur son
grand âge, et la morale donne raison au vieillard qui enterre les
jouvenceaux !!!
Voilà tout cela devait être dit. J'espère que vous êtes plus avancé(s) (Je doute de tout maintenant) que moi. Moi??? J'en retourne à Tintin et au capitaine Haddock...
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